Loin de son meilleur niveau depuis au moins deux saisons, Nairo Quintana aborde le Tour d’Espagne avec la ferme intention de reconquérir son ex-statut de meilleur grimpeur du peloton. Une nouvelle fois décevant sur la Grande Boucle, le Colombien sait mieux que quiconque que les routes espagnoles permettent un retour en grâce tant espéré.
Le modèle de Formigal
Il y a deux ans, Nairo Quintana inquiétait déjà. Seulement troisième du Tour de France et battu pour la première fois par un Romain Bardet bien plus entreprenant, celui qui ramena à deux reprises le maillot blanc ne progressait toujours pas et tardait à faire vaciller l’empire Sky, confortablement installé sur son trône. Possiblement en route vers le doublé Giro-Vuelta en 2014 si une chute dans le contre-la-montre individuel ne l’aurait pas aussi vite contraint à l’abandon, le grimpeur de l’équipe Movistar n’avait pas non plus brillé en 2015 de l’autre côté des Pyrénées, restant spectateur du duel Aru-Dumoulin. Mais en cette fameuse saison 2016, déjà critiqué par les observateurs pour ses limites tactiques, Quintana avait déjoué tous les pronostics sur un coup de maître. Sur la quinzième étape, longue d’à peine 118 kilomètres, Alberto Contador passe à l’attaque dans la première côte du jour, non répertoriée. Alors maillot rouge, Quintana flaire le danger et se joint à lui, ce que Christopher Froome refusa d’effectuer.
À l’arrivée, le leader de l’épreuve assoit définitivement son leadership avec plus de trois minutes et trente secondes d’avance sur son dauphin. Victorieux à Madrid une semaine plus tard, Quintana remporta alors le second Grand Tour de sa carrière, non sans panache. Car s’il se montre bien plus timoré en France, le Sud-Américain n’a jamais rechigné à la tâche que ce soit en Italie, dans la descente du Stelvio, ou donc en Espagne. Et à chaque fois, c’est dos au mur que son caractère s’est révélé. Les mauvaises langues qui le décrivent comme un coureur ennuyeux exagéreraient donc si l’on s’en tient à ses meilleures performances sur le vélo. Largué avant même la traversée des Pyrénées, Quintana fut même l’un des très rares à se dévoiler avant les derniers kilomètres du Col du Portet sur l’étape la plus courte du dernier Tour de France. Pari gagnant, avec une victoire de prestige en lot de consolation. Après tout, le schéma tactique du Tour de France n’est peut-être pas fait pour lui.
Dans l’attente du déclic
Sondés en fin de Grande Boucle, directeurs sportifs, entraîneurs ou anciens professionnels ne tarissaient pas de commentaires diversifiés à son sujet. Il y a ceux qui le voient désavantagés par les longues plaines françaises, mal profond que tout colombien cherche à vaincre pour enrayer cette assertion déterministe, et d’autres qui pensent que la Vuelta lui ferait le plus grand bien. Défi accepté, avec une cinquième participation en huit saisons professionnelles. Son bilan y est plutôt régulier, et l’atmosphère plus détendue que sur la plus grande course cycliste de la planète. Et le line-up d’Eusébio Unzue revient à des bases plus classiques, avec Alejandro Valverde en principal point d’appoint. Si le Murcian a toujours joué sa carte personnelle sur son épreuve de cœur, rares sont les défections de sa part envers « Nairo », un gamin qu’il a vu grandir et pour lequel aucune rivalité n’est jamais née.
Un état d’esprit sans doute différent du trublion Mikel Landa, atout déstabilisateur d’une formation déjà bien embarrassée lorsqu’on lui demande de choisir sur les courses par étapes. Sur le Tour de Suisse, dans une condition nettement supérieure à celle de son coéquipier basque, Quintana pensait avoir envoyé un signal en s’adjugeant l’étape reine. Mais un début de Tour catastrophique lui a rapidement sapé le moral. Et sans vouloir remuer le couteau dans la plaie, sa défaite sur le fil dans les rues de Milan en 2017 pèse toujours lourd dans la balance. S’est-il remis d’un coup de massue l’ayant vu rétrograder dans la hiérarchie ? La Vuelta, qui s’élance ce soir de Malaga, devrait définitivement nous le dire. Pur grimpeur, comme bon nombre de prétendants au général, Quintana vise forcément dans un coin de sa tête le mondial d’Innsbruck et le Tour de Lombardie. Mais les courses d’un jour n’ont jamais figuré dans son ADN, qui ne jure que par les Grands Tours. L’heure du rattrapage a sonné.
Selon vous, qui remportera le Tour d'Espagne ?
- Nairo Quintana : 23%
- Richie Porte : 23%
- Thibaut Pinot : 13%
- Vincenzo Nibali : 12%
- Simon Yates : 11%
- Miguel Angel Lopez : 8%
- Un autre : 5%
- Fabio Aru : 2%
- Rigoberto Uran : 1%
- George Bennett : 1%
Nombre de votants : 203
Bonjour,
C’est un plaisir de lire cette chronique. Elle analyse de façon avisée et subtile, le profil de ce coureur que j’apprécie particulièrement, dépassant allègrement le “manque de panache” dont se contentent nombre d’articles paresseux consacrés à Quintana.
Effectivement, et c’est le propre des chroniqueurs de “chronique de vélo” que de nous offrir quotidiennement, pour notre plus grand plaisir, des analyses objectives, sans parti pris, ouvertes, complètes et intéressantes.
Je suis persuadé que Quintana a 35 ans.
Voire 36.
Pinot et Quintana pour rebondir bien que je n´y crois pas plus que ca. Alors oui pourquoi pas mais il y a aussi le leader de la Sky comme candidat crédible au podium . Sa performance d´hier montre qu´il attaque la partie en forme; alors mème si ses classements de grands Tours sont tjs restés en dessous des eventuelles attentes; il est et reste l´un des coureurs les plus polyvalents de classe mondiale avec une science de la course qui n´a rien a envier aux meilleurs; il peut avoir finement préparé son affaire et entre dans une belle période de leadership avec la Sky à son service . Belle course en perspective ou le pic de forme des uns et des autres peut nous réserver des surprises .
Le leader déclaré de la Sky est De la Cruz. Il finit 81e hier à 45 secondes. Alors, j’imagine que vous voulez parler de Kwiatkowski ? Il a quand même enchaîné le Critérium du Dauphiné, le Tour de France et le Tour de Pologne. En outre, il est en préparation pour les Mondiaux. Je pense qu’on peut l’écarter pour la victoire finale, non ? Et même le podium.
Pour Pinot, à voir. Il finit bien le tour de Pologne, est plus frais que certains. Un top 5, peut-être ? Mais il a lui aussi Innsbruck en tête.
En fait, je vois bien Quintana victorieux. Les conditions semblent réunies pour lui : le plateau est à sa portée, le parcours lui convient bien, l’équipe est entièrement à son service… Il a l’air en forme, il ne se soucie pas des Championnats du Monde(contrairement à beaucoup).
Et comme le titre si justement l’article, c’est l’occasion pour lui de rebondir sur le dernier GT qu’il avait gagné (face à une concurrence plus relevée).
On a aussi très peu parlé de Valverde dans les candidats au podium; c´est pourtant un des 2 leaders de l´equipe; il est en grande forme comme le démontre son punch d´hier mais survivra t´il à la 3iem semaine ? Sinon oui vous avez facilement deduit que j´évoquais le champion de Pologne .
J’aime plutôt bien Quintana, je pense qu’on est trop sévère avec lui, qu’il a pâti d’être celui qu’on attendait pour vaincre l’Empire…
Mais aller chercher la descente Stelvio et Formigal comme actions emblématiques, c’est quand même tristement révélateur…
D´un autre coté c´est le genre de coup de Trafalgar ou l´on vibre plein gaz jusqu´au final; des etapes rares et précieuses qui poussent la course dans la légende . Que Quintana ou un autre cador gagne un tour en emfumant la concurence sur ce type de coup est superbe pour cette génération vélo aseptisé aux gogos supers gadjets .
Je ne dis pas le contraire, mais bon quand les deux principaux “faits d’armes” qui viennent à l’esprit proviennent du non-respect d’une décision des commissaires, et d’une initiative prise par un concurrent (Contador) qu’il a suivie et exploitée (à raison !), ça ne grandit pas forcément sa légende personnelle !
J´avais bien compris ton point de vue mais sans vouloir te faire le contre pied, ca peut se discuter; il me semble que saisir ou provoquer l´opportunité fait partie de l´essence même de la course. On ne peut pas lui enlever qu il était concentré et attentif au bon moment alors que ses adversaires l´etaient nettement moins en se faisant piègés pour des raisons x ou y .
La polémique d´après coup du Stelvio est interessante en fin de compte (si tant est qu´elle fut justifiée tant la confusion dominait cette partie de l´étape et que les coureurs éparpillés comme rarement etaient en mode survis ) car elle colle si bien à l´ADN du Giro .
On est d’accord en soi, et je ne lui enlève pas sa part de mérite de Formigal au contraire, il n’est pas totalement responsable de ce fiasco du Giro qui fait partie de l’histoire, tout à fait dans l’esprit du Giro en effet… Mon propos voulait plus souligner qu’il était assez navrant qu’un coureur de ce niveau doive ses deux plus grandes victoires à des circonstances “exogènes” et qu’on n’ait pas d’initiative personnelle majeure à mettre à son crédit (contrairement aux Froome, Contador, Nibali…) Jouer avec les circonstances fait partie de la course bien sûr, mais n’avoir que ça ou presque à se mettre sous la dent, c’est un peu frustrant. Même sur le Tour 2017, où il aurait pu redorer sa légende une fois que le général était mort, ce n’est jamais lui qui prenait les devants pour se lancer dans un raid – il suivait Contador (encore !) ou un autre. Il faut dire que son niveau ne l’aidait pas, mais quand même…Même pour l’honneur ! Il y a pas mal de malentendus autour de Quintana, qu’on a sans doute trop attendu, vu trop beau, trop haut, et qui a été rejoint et dépassé par des coureurs plus… Lire la suite »
C´est clair qu´il reste malgrés tout un cran en dessous des Froome/Conta/Nibali en panache, en Tactique et à la pédale . Il semble aussi etre un peu moins solide qu´eux niveau santé .