Tous les épisodes :
Coppi et Bianchi, le mariage éternel (1/6)
Gimondi, puissant comme Salvarani (2/6)
« M » comme Merckx et Molteni (3/6)
Mercatone Uno, avec Pantani sinon rien (4/6)
Saeco amène Cipollini jusqu’au trône (5/6)
Cunego, prince sans couronne chez Lampre (6/6)
Quand il rejoint l’équipe Molteni, Eddy Merckx est déjà le patron du peloton, vainqueur de deux Tours de France, autant de Tours d’Italie, une poignée de monuments (sept au total) et un titre de champion du monde. Pourtant, dans l’équipe italienne à fort accent étranger, qui ira jusqu’à courir sous licence belge, le Cannibale va décrocher la majorité de ses succès. Jusqu’à faire de Molteni, à travers toute l’Europe, l’équipe de Merckx plutôt qu’une enseigne de charcuterie.
Une association inoubliable
On savait Eddy Merckx vorace de succès. Glouton de victoires. Ogre de bouquets. Il l’était sur le vélo mais un peu moins à table, heureusement, les yeux écarquillés et la fourchette tenace devant un plateau de charcuterie de la marque Molteni – même si le bonhomme se refusait rarement une cigarette ou une boisson alcoolisée. Merckx-Molteni, l’association se veut mythique. Comme si le “M” désignait à la fois le coureur et son équipe. Le coureur belge, dont le lien avec l’Italie n’aura jamais cessé durant sa carrière, a vécu son apogée sous le maillot couleur havane. De 1971 à 1976 nous reviennent alors ses innombrables succès, 246 au total, sur les trois grands tours et les monuments en particulier. Un coureur hors normes, responsable de la reconnaissance d’une petite entreprise milanaise qui a pris la lumière pendant ses 18 ans de présence dans le peloton, de 1958 à 1976.
« Je pense que Molteni n’a jamais dépensé une lire pour faire la publicité de ses produits, les victoires de Merckx suffisaient pour stimuler les ventes de l’entreprise », expliquait il y a bientôt deux ans Mario Molteni, petit-fils de Pietro, fondateur de l’équipe. Un peu exagéré, sans doute. Surtout que l’histoire entre la marque transalpine et le cyclisme démarre bien avant l’arrivée d’Eddy. Retour à la fin des années 1950, à Arcore, dans les alentours de Milan. A quelques encablures du célèbre circuit de Monza, une toute jeune entreprise a alors le vent en poupe au cœur d’une Lombardie fertile pour l’industrie. Boucher de formation, Pietro Molteni crée son petit commerce de salaison, qui va rapidement grandir et se forger une solide réputation. Amoureux de vélo et particulièrement fan de Costante Girardengo dans sa plus tendre enfance, Molteni décide d’offrir une visibilité inédite à sa société en sponsorisant une équipe cycliste à partir de 1958.
Le projet devient très vite une affaire familiale. Pietro intègre au staff de Molteni son fils Ambrogio, ancien professionnel, et Renato, autre membre de la famille, qui sont accompagnés par Giorgio Albani, ancien champion d’Italie, d’abord coureur pour Molteni, en 1959, avant de passer dans l’encadrement. Petit à petit, la formation italienne se fait une renommée, grâce aux victoires de Marino Basso et Gianni Motta, notamment. A la fin des années 1960, Molteni est une équipe qui compte dans le peloton. Tout va ensuite prendre une autre dimension.
De l’Italie à la Belgique
En vue de la saison 1970, la direction de l’équipe italienne se met en tête de recruter Martin Van den Bosche, alors coéquipier d’Eddy Merckx chez Faema. Le garçon y voit une opportunité de donner un nouvel élan à sa carrière et se met d’accord avec Molteni lors du Tour de France 1969, sans en avertir son leader. Un soir, quelques jours avant la fin du Tour, Van den Bosche place Merckx devant le fait accompli, en lui signifiant son départ en fin de saison. « Eddy, ils m’offrent plus d’argent et la possibilité d’être leader », explique-t-il au Cannibale. Tout était bouclé, le contrat avait déjà été signé à Superbagnères, quelques jours plus tôt.
Le lendemain de cette discussion, la 17e étape emmène les coureurs jusqu’à Mourenx, en passant par le Tourmalet. Van den Bosche se fait la malle, afin de préparer le terrain pour Merckx, pense-t-on. Erreur : Eddy rattrape le faux frère au sommet du Tourmalet, le sème dans la descente et s’en va à grandes pédalées vers l’un de ses plus grands exploits. A Mourenx, il s’impose avec près de huit minutes d’avance sur ses adversaires après 140 kilomètres d’échappée. Une chevauchée indirectement marquée du sceau de Molteni, déjà.
Un an plus tard, Faema met la clé sous la porte, minée par des problèmes de trésorerie. Eddy Merckx est sur le marché. L’opportunité est trop parfaite pour Molteni, qui a perdu son ancien leader Gianni Motta deux ans plus tôt. Signer le meilleur coureur du peloton devient une obligation, peu importe le prix. Le Belge obtient un gros contrat pour rejoindre la firme italienne, et un peu plus encore. Il arrive avec son directeur sportif Guillaume Driessens, mais aussi huit de ses coéquipiers de Faema. L’équipe transalpine vit une révolution. Elle comptait l’année précédente deux coureurs étrangers, le total se porte désormais à dix-sept en 1971. Tout change d’un coup. La structure troque sa licence italienne pour une belge et roule désormais sur des vélos où figure l’inscription « Eddy Merckx ».
Grandeur et décadence
Le Belge se retrouve avec la quasi obligation de courir le Giro, ce qui ne le dérange pas plus que ça. Pour le reste, il jouit d’une liberté quasi totale. Ainsi, la première saison avec Molteni est de haut vol et Merckx gagne presque tout sur son passage. C’est également l’année d’un Tour de France inoubliable, avec le festival de Luis Ocaña sur les pentes d’Orcières-Merlette et le coup de canon de Merckx sur la route de Marseille. Mais à la fin, après la chute de l’Espagnol, c’est Molteni qui gagne. L’armada new-look, avec huit Belges et un Néerlandais, termine au complet à Paris. C’est le deuxième grand tour de l’équipe après le Giro remporté par Motta en 1966. Six autres suivront, tous glanés par Merckx. Molteni est au sommet. Le pari belge fonctionne, même si l’équipe y laisse une part de son identité originelle. A partir de 1974, plus aucun coureur italien ne compte dans l’effectif.
L’empire, pourtant, ne va pas tarder à s’écrouler. Au milieu des années 1970, Ambrogio Molteni est visé par une enquête pour évasion fiscale. D’autres soupçons pèsent sur l’entreprise, notamment un scandale de viandes frelatées écoulées en contrebande dont les gains auraient servi à payer le salaire des stars de l’équipe. Jamais directement inquiété, Merckx doit en revanche affronter les questions récurrentes de la presse sur le sujet. Après une année 1976 compliquée sur le plan sportif (forfait sur le Tour pour blessure), le Belge et huit de ses coéquipiers prennent le large et rejoignent l’équipe Fiat France montée par Raphaël Géminiani. Molteni, de son côté, tire le rideau et disparaît du peloton. L’aventure cycliste est terminée.
Trois ans plus tard, la femme d’Ambrogio Molteni meurt dans de tragiques circonstances dans l’un des ateliers de l’usine. Irrémédiablement, la société continue à perdre de l’argent, jusqu’à sa mise en faillite en 1987. Molteni sera condamné en 1993 pour fraude fiscale, mettant ainsi un point final à une riche saga familiale. Mais si l’entreprise n’existe plus, les souvenirs, eux, sont gravés dans le marbre. Molteni, c’était Merckx, et c’est assez pour rester dans l’histoire.
Né le 17 juin 1945 (74 ans).
Coureur professionnel de 1965 à 1978.
Chez Molteni de 1971 à 1976.
Principales victoires avec Molteni :
Tour de France (1971, 1972, 1974)
Tour d’Italie (1972, 1973, 1974)
Tour d’Espagne (1973)
Championnat du monde (1971, 1974)
Milan-Sanremo (1971, 1972, 1975, 1976)
Tour des Flandres (1975)
Paris-Roubaix (1973)
Liège-Bastogne-Liège (1971, 1972, 1973, 1975)
Tour de Lombardie (1971, 1972)
Les maillots de l’époque étaient simples, avec une ou deux publicités et au design maintenu de saison en saison, ce qui les rendait très visibles et donnaient aux équipes
Une forte identité. Qui ne reconnaît au premier coup d’oeil les équipes peugeot,molteni,bic,mercier,flandria….aux maillots mythiques?
Les progrès techniques d’un côté sur la matière des maillots, la libéralisation du nombre de sponsors pouvant y figurer ont donné des tenues qui ont atteint le summum du mauvais goût dans les années 90, regardez les maillots de cette époque, les italiens atteignant le pompon de l’horreur visuelle. Si les choses vont mieux avec un retour à une certaine sobriété, la manie compulsive de changer les couleurs chaque année porte tort à l’identité visuelle des équipes. Lotto par exemple, vieille équipe,est un vrai caméléon qui change chaque année, katusha aussi avait cette attitude.
Au contraire astana a imposé avec succès son bleu particulier.
Pour moi cette époque de communiquants coûteux et arrogants aurait tout à apprendre des humbles, anonymes et géniaux inventeurs des couleurs peugeot,bic,molteni et autres de ces temps lointains mais mythiques.
sans oublier le maillot caractéristique de GAN compagnie d’assurance cher à Raymond POULIDOR et Joop ZOETEMELK de 1974 à 1976 avec cette anecdote.
En 1976 lors de sa victoire à la Flèche wallonne ZOETEMELK sifflé par les belges qui idolâtraient MERCKS leur a tendu un bras d’honneur.
Après quoi certains belges ont rompu leur contrat d’assurance avec le GAN .