Dans l’histoire, de nombreuses équipes italiennes ont été associées à un grand champion  – quasiment toujours italien, lui aussi. Cette semaine, la Chronique du Vélo vous propose donc une série qui revient sur les associations les plus marquantes. Qu’il s’agisse de marques de cycles, d’une chaîne de supermarchés ou de machines à cafés, à chaque fois, le résultat fut identique : une firme transalpine a profité des succès de sa tête d’affiche.

Tous les épisodes :
Coppi et Bianchi, le mariage éternel (1/6)
Gimondi, puissant comme Salvarani (2/6)
« M » comme Merckx et Molteni (3/6)
Mercatone Uno, avec Pantani sinon rien (4/6)
Saeco amène Cipollini jusqu’au trône (5/6)
Cunego, prince sans couronne chez Lampre (6/6)

Créée avec et pour lui, l’équipe Mercatone Uno a connu la gloire avec Marco Pantani. Puis elle a connu le déclin en même temps que son champion, disparaissant des pelotons quand le Pirate prenait sa retraite. Peut-être plus que jamais, le destin d’une structure aura pesé sur les épaules de son seul leader.

Unique comme personne

Il n’était plus question de partager le leadership. Après plusieurs années à devoir cohabiter avec Claudio Chiappucci, Marco Pantani, qui n’a pas encore remporté le moindre grand tour, veut une équipe qui court pour lui. L’arrêt de la Carrera lui offre ainsi l’opportunité d’aller voir ailleurs, et comme le hasard fait bien les choses, la formation Mercatone Uno, nouvelle venue pour la saison 1997, se cherche une tête d’affiche. L’association tombe sous le sens et Pantani, 27 ans à l’époque, rejoint l’équipe italienne. Romano Cenni, le patron des supermarchés Mercatone Uno, décide alors de tout miser sur sa recrue phare. Aucun autre leader ne complète l’effectif, pas même un sprinteur ou un coureur de classiques. Ce sera Pantani et rien d’autre.

« La Mercatone Uno est construite comme la Bianchi de Coppi », notera Felice Gimondi, soulignant le caractère monochromatique de cette équipe tournée vers un seul leader. Ce n’est pas un hasard : Luciano Pezzi, le manager de la Mercatone Uno, a été un gregario de Fausto Coppi chez Bianchi, avant de diriger Gimondi chez Salvarini. Il sait où il met les pieds. Il n’empêche, la stratégie est risquée. Tout dépend de Marco Pantani, de ses résultats et de son état d’esprit. Après un podium sur le Tour 1997, des rumeurs envoient d’ores et déjà le Pirate vers d’autres horizons. Une clause dans son contrat l’autorise à partir en fin d’année 1999 s’il trouve un meilleur contrat ailleurs. Il est alors question d’une autre formation italienne, la Mapei, où Patrick Lefevere se verrait bien accueillir le grimpeur le plus charismatique du peloton. Mais l’opération n’aboutira jamais. Marco Pantani, vainqueur du Giro et du Tour de France en 1998, reste chez Mercatone Uno. Patrick Lefevere devra se contenter de Michele Bartoli et Axel Merckx pendant l’hiver.

Destins alignés

Ce doublé est un tournant, à la fois pour Pantani et pour son équipe. Le pari a payé. En construisant tout autour de son unique leader, la Mercatone Uno a décroché le graal – et même deux fois, tant le Giro était important pour la structure transalpine. Le patron de la marque, Romano Cenni, est euphorique. « Tant que Pantani restera dans le peloton, nous resterons aussi, explique-t-il alors. Il est très important pour nous. Grâce au Giro, on a eu une énorme plus-value économique. On a ouvert de nouveaux magasins. (…) Pantani est important pour nos clients. » Sportivement, tout va bien, même si Marco Pantani, lui, est partiellement meurtri. Luciano Pezzi décède en juin 1998, juste avant le départ du Tour de France. Le Pirate lui dédiera sa victoire d’étape aux Deux Alpes, lorsqu’il prend le maillot jaune pour l’emmener jusqu’à Paris.

Surtout, avec Marco Pantani, tout va toujours très vite, dans un sens ou dans l’autre. L’année suivante est marquée par son exclusion du Tour d’Italie, après quoi l’Italien ne sera plus jamais vraiment le même. Stefano Garzelli, qui s’impose petit à petit comme un second leader, remporte le Tour d’Italie en 2000 avant de signer chez Mapei. Mercatone Uno continue de tourner uniquement autour de sa star, qui n’est pourtant plus que l’ombre d’elle-même. Ses résultats déclinent, il ne gagne plus une seule course après 2000. En 2002, il abandonne sur le Giro et Mercatone Uno n’est pas invitée sur le Tour de France. « Mon équipe n’a pas reçu d’invitation parce que je ne suis plus compétitif », reconnaît Pantani. Il est à la fois le problème et le seul qui peut apporter une solution. Il n’en apportera pas.

Les rumeurs disent que Mercatone Uno s’arrêtera donc fin 2002. Finalement, il y aura une année supplémentaire, ponctuée de six petites victoires, loin des courses les plus prestigieuses. Marco Pantani vit ses derniers jours sur un vélo. Après quelques épreuves de préparation, il termine quatorzième du Giro. La dernière course de sa carrière. Sa retraite est inéluctable, et avec lui, la fin de Mercatone Uno. « Je serais volontiers resté dans le vélo si Marco était encore là, mais sans lui, ça n’a pas de sens, expliquera Romano Cenni. Sans lui, il n’y a plus de cyclisme. Les personnalités que les gens aiment ne sont plus là. » Le crépuscule de l’équipe italienne et de son champion se rejoignent alors inéluctablement. L’idylle aura duré sept années. Deux ponctuées de succès, puis cinq à essayer de les retrouver.

MARCO PANTANI

Né le 13 janvier 1970.
Décédé le 14 février 2004 à 34 ans.
Coureur professionnel de 1992 à 2003.
Chez Mercatone Uno de 1997 à 2003.

Principales victoires avec Mercatone Uno :
Tour de France (1998)
Tour d’Italie (1998)
6 étapes du Tour de France
6 étapes du Tour d’Italie

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