Tous les épisodes :
Coppi et Bianchi, le mariage éternel (1/6)
Gimondi, puissant comme Salvarani (2/6)
« M » comme Merckx et Molteni (3/6)
Mercatone Uno, avec Pantani sinon rien (4/6)
Saeco amène Cipollini jusqu’au trône (5/6)
Cunego, prince sans couronne chez Lampre (6/6)
Dans son maillot bleu ciel barré de l’inscription « Salvarani », Felice Gimondi a décroché les trois grands tours et succédé à Fausto Coppi dans le cœur des Italiens. L’équipe parmesane ne lui était pas dévouée à son arrivée, mais elle l’est vite devenue face au charme et aux exploits du Bergamasque.
Le Tour et un contrat
Il est des histoires qui ne se jouent pas à grand-chose. En 1965, Felice Gimondi dispute sa première saison chez les professionnels. Il a été embauché par les frères Salvarani, patrons de magasins d’électroménager et férus de sport, qui possèdent déjà une équipe de football et ont investi, quelques années plus tôt, dans le cyclisme. La fin des équipes nationales sur le Tour de France au début de la décennie (malgré un retour éphémère, en 1967 et 1968) a convaincu de nombreux sponsors extra sportifs et les marques de cycles ne sont plus toutes seules dans le peloton. Les salaires, eux, connaissent un essor qui va avec l’époque. Pour le jeune Gimondi, 22 ans, c’est le moment idéal pour s’immiscer dans ce monde, un an après une victoire prestigieuse sur le Tour de l’Avenir. Mais il est prévu que son éclosion prenne du temps. Salvarani possède déjà un grand leader, Vittorio Adorni (futur champion du monde et vainqueur du Giro), et ne veut pas brûler les ailes de son nouveau poulain.
Problème, Felice Gimondi fait des éclats et il devient impossible de contenir son talent. Quatre mois après être passé chez les professionnels, il est aligné sur le Giro, où il termine troisième et aide son leader Adorni à ramener le maillot rose. Quelques jours à peine après l’arrivée à Florence, il est alors question de l’envoyer sur le Tour de France. Salvarani veut capitaliser sur son jeune champion. Luciano Pezzi, le manager de l’équipe transalpine, qui a fait venir Gimondi et a été l’équipier de Fausto Coppi une décennie plus tôt, n’y voit pas d’inconvénient. Quand Bruno Fantinato se retrouve gêné par une douleur au genou, à cinq jours du départ du Tour, Pezzi et Luigi Salvarani invitent Gimondi à dîner et lui proposent d’être le remplaçant. Une nouvelle fois, il est censé épauler Vittorio Adorni.
Gimondi fait mine de tergiverser, assure qu’il doit en parler avec son paternel. Une manière de gagner du temps, car en vérité, l’idée d’aller sur le Tour l’enchante. Il demandera simplement à signer à l’avance un contrat pour 1966, de peur qu’une mauvaise performance au mois de juillet lui ferme les portes de l’équipe Salvarani. Les patrons parmesans accèdent à sa requête et pour quatre millions de lires, son avenir est assuré. Il peut ainsi demander un congé sans solde à la poste de Sedrina, où il était embauché à mi-temps, et prendre la route de Cologne, où était donné le départ de la Grande Boucle.
Le Giro roule pour Salvarani
La suite, c’est l’éclosion d’un champion, vite présenté comme le successeur de Coppi – la filiation était assez évidente, y compris dans l’élégance sur le vélo. Tout en maîtrise face à un Raymond Poulidor déjà expérimenté et un Gianni Motta qui deviendra son plus grand rival en Italie, Gimondi remporte le Tour de France pour sa première participation. A 22 ans, il est le plus jeune vainqueur de l’épreuve d’après-guerre, depuis battu par le seul Egan Bernal en 2019. Adorni, jusqu’ici leader de l’équipe Salvarani, est relégué au second rang. La firme italienne, elle, récolte toute la gloire qu’elle cherchait, en remportant la même année le Giro et le Tour de France. Alors qu’Anquetil est sur le déclin et Merckx pas encore là, Gimondi est la nouvelle attraction du peloton.
En 1966, l’organisateur du Giro, Vincenzo Torriani, veut alors convaincre la nouvelle superstar italienne de se rendre sur le Giro. Pour cela, il se met d’accord avec les frères Salvarani : un contre-la-montre est organisé à Baganzola (dans la banlieue de Parme), la ville de la société, avec départ et arrivée dans les usines de Salvarani. En contrepartie, Gimondi est au départ, mais termine bien loin du vainqueur Gianni Motta. Il reviendra un an plus tard pour prendre sa revanche dans une édition controversée où l’organisation le favorise délibérément, lors de l’ultime étape, pour qu’il puisse prendre le maillot rose à Jacques Anquetil à l’abri des caméras. La victoire est entachée mais qu’importe. L’Italie a fait triompher son champion au détriment d’un Français, et ce ne sera pas la seule fois.
Des primes bien investies
L’équipe de Gimondi, de toute façon, a l’habitude de gagner coûte que coûte. Les frères Salvarani, régulièrement, versaient des primes de victoire à leurs coureurs qui servaient ensuite, sur la route, à acheter des courses. Le meilleur exemple restera le Mondial 1970, à Leicester. Dans le final, Felice Gimondi avait proposé une somme d’argent au futur vainqueur, Jempy Monséré, pour qu’il le laisse gagner. L’Italien avait longtemps démenti les accusations du Belge, avant d’avouer quelques mois plus tard, après le décès tragique de Monséré. Pas de quoi changer ses habitudes pour autant. En 1971 à Mendrisio, il avait tenté de négocier auprès d’un autre coureur belge : Eddy Merckx. Tentative infructueuse. Difficile, pourtant, d’en vouloir à Gimondi ou même à l’équipe Salvarani d’avoir joué de sa force économique. L’époque voulait ça.
Un autre épisode, en revanche, reste plus tristement dans l’histoire. Il est teinté de zones d’ombres, encore aujourd’hui. A Savone, sur le Giro 1969, Eddy Merckx est exclu de l’épreuve, maillot rose sur le dos, après avoir été contrôlé positif par le professeur Genovese. Hasard ou non, il est le médecin personnel de Felice Gimondi, responsable des contrôles sur le Giro. Mais surtout, deux jours plus tôt, le Cannibale avait reçu la visite, dans sa chambre, de Rudi Altig. L’Allemand, membre de l’équipe Salvarani, lui avait alors proposé une valise remplie de billets pour que Merckx abandonne et laisse ainsi la victoire à son leader. Gimondi a toujours assuré qu’il « n’en avait jamais rien su ».
Il n’empêche, sa deuxième victoire sur le Giro, comme la première, souffre d’une polémique, et c’est son dernier grand achèvement avec Salvarani. Fin 1972, après deux saisons mitigées pour Gimondi, l’équipe disparaît, remplacée par Bianchi. Une autre équipe italienne où le Bergamasque, de son côté, connaîtra d’autres grands succès, avec un maillot arc-en-ciel (enfin !), le Tour de Lombardie, Milan-Sanremo ou un troisième Tour d’Italie.
Né le 29 septembre 1942.
Décédé le 16 août 2019 à 76 ans.
Coureur professionnel de 1965 à 1979.
Chez Salvarani de 1965 à 1972.
Principales victoires avec Salvarani :
Tour de France (1965)
Tour d’Italie (1967, 1969)
Tour d’Espagne (1968)
Paris-Roubaix (1966)
Tour de Lombardie (1966)
Une petite rectification: à l’arrivée de Gimondi chez Salvarani, Adorni est bien le leader de l’équipe mais certainement pas en tant qu’ancien champion du monde puisqu’il ne le deviendra que plus tard alors qu’il avait quitté Salvarani pour Faema.
Merci de votre vigilance, c’est corrigé.
Bonjour, est-il possible de mettre le texte en justifié. Ce serait à mon sens plus agréable pour la lecture. Cordialement.
On a étudié le sujet, mais il se trouve que la lecture est plus agréable sans texte justifié pour la plupart des lecteurs. Justifier des paragraphes entiers, ça fait mal aux yeux. D’ailleurs, vous trouverez peu de sites qui le font. En espérant que vous puissiez vous y faire.
Intéressant. C’est vrai que peu de sites le font (notamment les grands journaux en ligne), je n’avais jamais remarqué… Pourtant si on m’avais demandé j’aurais sans doute répondu que je préférais également les textes justifiés. Il me semble que c’est là un trait propre à la lecture en ligne. En tant que journaliste, savez-vous s’il existe des enquêtes sur le sujet?
Beau papier en tout cas, et magnifique initiative que cette série vintage sur les grandes équipes italiennes, cela nous console presque de la non tenue du Giro.
Voici ce que j’ai trouvé sur le sujet du texte justifié : https://www.fabricecourt.com/formation/doit-on-justifier-un-texte-sur-le-web/
Justifié dans les journaux papiers, pas en ligne, en gros.
Merci pour cette référence. En somme, on ne justifie pas les textes en ligne parce que les outils typographiques sur le Web (contrairement à In Design ou même Word) ne sont pas suffisamment élaborés pour justifier un texte sans créer de grandes crevasses d’espaces blancs. Ca paraît assez fou qu’on ne soit pas capable de faire mieux… Mais il y a sans doute des raisons techniques (qui m’échappent, bien sûr).