Tous les épisodes :
Le système Armstrong, plus vraiment confidentiel (1/4)
Le septième Tour, la retraite et « le mensonge » (2/4)
Landis et Hamilton, lieutenants trop bavards (3/4)
Tygart envoie Armstrong chez Oprah (4/4)
En juin 2004, alors que Lance Armstrong s’apprête à dépasser Anquetil, Merckx, Hinault et Indurain au nombre de Tours de France remportés, David Walsh et Pierre Ballester publient L. A. Confidentiel, la première enquête d’envergure sur le système de dopage mis en place par l’Américain. Il faudra attendre neuf ans pour qu’Amrstrong concède finalement des aveux.
Au départ, le soupçon
Il reste 13 kilomètres avant le sommet de l’Alpe d’Huez, Lance Armstrong est impassible, en tête du groupe des favoris. Il se retourne et en danseuse, toise du regard Jan Ullrich, dans sa roue. Comme s’il voulait prévenir son rival allemand que l’heure était venue. L’Américain se met alors à appuyer bien plus fort sur ses pédales et en trois secondes, l’écart est fait. Il s’envole et s’impose au sommet avec deux minutes d’avance sur tous ses adversaires. Le Tour 2001 est promis au Texan dès la première arrivée au sommet. David Walsh, lui, a du mal à croire à ce qu’il voit. A la fin de l’été, il passe un coup de téléphone à Pierre Ballester, journaliste français qui vient de quitter le journal L’Equipe. « C’est insupportable, inadmissible, il faut absolument faire un bouquin, est-ce que tu veux en être ? », demande-t-il à son acolyte. L. A. Confidentiel est né.
Ballester réfléchit à peine plus de dix secondes et se lance dans l’aventure. Il doit alors trouver un éditeur pour un livre qui sera publié en France. Début octobre, tout est lancé et l’enquête démarre. Walsh s’occupe de la partie anglophone, Ballester est chargé du côté francophone. Les deux journalistes se connaissent mais n’ont jusqu’ici jamais travaillé ensemble. Faire la lumière sur le cas Lance Armstrong les réunit comme une évidence. « On n’était pas des fans ou des supporters, ce qui n’était pas le cas de tous les suiveurs à l’époque », souligne Ballester pour la Chronique du Vélo. Les deux, surtout, sont déjà plus ou moins blacklistés par celui qui est alors triple vainqueur du Tour. Leur faute ? Des interviews un peu trop directes, avec des questions centrées sur le dopage.
Vite, les premières certitudes
« On me reprochait de faire des interrogatoires de police avec Armstrong », sourit Ballester, en référence surtout à un entretien datant de 1999. Walsh, surnommé le « fucking little troll » par Armstrong lui-même, n’avait pas fait autre chose : « Lance, en gros, je ne veux te parler que de dopage, parce qu’à moins que je te crois propre, il n’y a pas d’intérêt à aller plus loin », balance-t-il à Armstrong en 2001. Mais le journaliste irlandais se met surtout à dos le patron du peloton lorsqu’il publie dans le Sunday Times, la même année, un article détaillant les relations de Lance Armstrong avec le déjà sulfureux Docteur Michele Ferrari. L’écriture de L. A. Confidentiel n’est alors que la suite logique, née d’un questionnement et même plus, d’un « soupçon », reconnaît Ballester. « Comment est-ce possible que ce type qui survit à un cancer, non seulement retrouve ses moyens physiques antérieurs, mais devienne invincible et gagne, à ce moment-là, trois Tours de France d’affilée ? », demande le journaliste français.
Rapidement, l’enquête avance. Tous les six mois, Walsh et Ballester se retrouvent avec leur éditeur pour faire le point sur leurs avancées. Dès le premier rendez-vous, il n’y a plus de doutes : il faut continuer, les documents et les témoignages s’accumulent. « On n’a jamais assez de matière ou de témoins », prévient Pierre Ballester. Il n’empêche, pour la première fois dans L. A. Confidentiel, ils s’entassent et se recoupent. Des anciens coéquipiers de Lance Armstrong chez Motorola ou chez les juniors, avant son passage chez les professionnels, des anciens médecins et même Jonathan Vaughters, coéquipier du Texan sur le Tour 1999, le premier remporté par Armstrong. « Les portes se sont ouvertes plus facilement que prévu », écrivent Walsh et Ballester. Certains voulaient parler.
« Emma, tu en sais assez pour me faire tomber »
« On savait que ça allait faire bouger un peu, ça a eu un certain retentissement », reconnaît Ballester. Avec Walsh, ils sont les premiers à faire ce travail minutieux pour remettre en cause la probité de Lance Armstrong, le champion d’après-Festina, qui raconte haut et fort son histoire, lui le rescapé du cancer capable de gagner la plus grande course cycliste année après année. « Se dire qu’on fait quelque chose de spécial, c’est presque tout le sel d’une enquête, explique le Français. On est des explorateurs qui foulent une terre vierge. Quand vous découvrez des éléments, c’est extraordinaire, même orgasmique. » Un témoignage, surtout, va faire une grande différence : celui d’Emma O’Reilly.
Pierre Ballester apprend d’abord par un journaliste anglais que l’ancienne masseuse d’Armstrong saurait beaucoup de choses. David Walsh part alors à sa recherche. O’Reilly, comme Walsh, est irlandaise. « Je pense que c’est pour ça qu’elle ne nous envoie pas tout de suite sur les roses », assure Ballester. Mais si la phase d’approche a été lente, recueillir le témoignage d’Emma O’Reilly prendra encore plus de temps : dix mois. Lorsqu’elle avait quitté l’équipe US Postal, submergée par ce monde gangréné par le dopage, elle n’avait pas prévu de vider son sac. Il aura fallu le travail de longue haleine de David Walsh pour qu’elle accepte de le faire. « On ne lui dit pas ‘Il faut que tu parles’, au contraire, explique Ballester. On laisse venir le témoin, c’est comme un hameçon qu’on laisse là et surtout, on ne remonte pas la canne. »
O’Reilly, tenue au courant des avancées de l’enquête, décide alors d’apporter sa pierre à l’édifice. Là encore, tout ne se fait pas en un jour, mais au fil de plusieurs entretiens étalés sur trois mois. « Emma, tu en sais assez pour me faire tomber », avait dit Lance Armstrong à sa masseuse dès le Tour 1999 et l’épisode d’une ordonnance antidatée pour l’utilisation de corticoïdes. Il avait presque vu juste. Sa masseuse, devenue sa confidente, en savait beaucoup. Mais pas assez pour le faire tomber, car la publication de L. A. Confidentiel en 2004, si elle mène à une enquête sénatoriale, n’empêche pas l’Américain de poursuivre sa carrière. « Nous étions ravi des ventes mais déçus du peu d’influence que le livre a eu », reconnaîtra David Walsh pour VeloNews.
Le trashtalking d’Armstrong et le chèque du Sunday Times
Les deux journalistes sont sûrs de leurs informations, confirmées bien des années plus tard. Pourtant, Lance Armstrong va contre-attaquer. « Des accusations extraordinaires doivent être suivies de preuves extraordinaires », assène-t-il. De son point de vue, il n’y en a pas dans le livre. L’Américain va même poursuivre en justice le Sunday Times, où David Walsh avait publié un long article reprenant les éléments principaux de L. A. Confidentiel en parallèle de la sortie du livre. Le journal britannique accepte alors un accord financier ahurissant et signe un chèque d’environ un million de livres – un montant que Lance Armstrong devra rendre des années plus tard, après ses aveux. Les lois britanniques ne protègent alors pas autant qu’en France.
Mais le livre aurait aussi pu ne jamais sortir, ou pas sous cette forme. Dans les dernières semaines, les avocats de l’Américain avaient tenté de retarder la publication. Le duo Walsh-Ballester savait alors que le clan de « L. A. » cherchait à savoir chez quel éditeur serait publié l’ouvrage. « Pour désamorcer tout ça, on a fait croire que tout allait être publié au Royaume-Uni, ils ont été cherchés vers là-bas et on a été tranquilles pour terminer », explique Ballester. Reste plusieurs frustrations pour les deux journalistes, comme celle de ne pas pouvoir creuser assez l’épisode de l’hôpital, où Armstrong, accompagné de son ancien coéquipier Frankie Andreu et de sa femme Betsy, avoue au médecin avoir utilisé une multitude de produits dopants. Il ne restait qu’une quinzaine de jours avant le bouclage et le temps manquait.
« Il y a de toute façon énormément de frustration dans une enquête, souligne Pierre Ballester. Vous ne levez jamais tout le voile, seulement 15 % ou 20 %. » La suite suivra, petit à petit, au travers d’autres ouvrages, d’autres enquêtes, d’autres témoignages. L. A. Confidentiel est seulement la première étape. Elle ne fait pas tomber Lance Armstrong mais elle le fragilise, déjà. L’Américain voulait tout contrôler, tout le temps. Il est désormais contraint de gérer des imprévus. Avec cynisme, toujours, mais aussi un peu d’inquiétude, au fond.
Juillet 1999 : Révélation par Le Monde d’un contrôle positif d’Armstrong à un corticoïde pendant le Tour de France. L’Américain le justifiera avec une ordonnance antidatée pour une crème contre les hémorroïdes.
2001 : David Walsh révèle avant le départ du Tour dans le Sunday Times les relations entre Lance Armstrong et le Docteur Michele Ferrari.
Juin 2004 : Publication de L. A. Confidentiel par Pierre Ballester et David Walsh.
Août 2005 : Publication dans L’Equipe d’une enquête de Damien Ressiot où sont révélés six échantillons positifs de l’Américain lors du Tour 1999.
Juin 2006 : Témoignages de Frankie et Betsy Andreu face à la justice, puis dans L. A. Officiel (en octobre 2006), deuxième ouvrage de Pierre Ballester et David Walsh.
Mai & juillet 2010 : Témoignages de Floyd Landis dans le Wall Street Journal incriminant Lance Armstrong.
Mai 2011 : Témoignage de Tyler Hamilton dans l’émission 60 Minutes de CBS, incriminant Lance Armstrong. Hamilton publiera ensuite en septembre 2012 son livre The Secret Race, encore plus détaillé.
2012 : Témoignages auprès de l’USADA de nombreux anciens coéquipiers de Lance Armstrong parmi lesquels George Hincapie, Levi Leipheimer, Christian Vandevelde, David Zabriskie, Tom Danielson ou Michael Barry.
Octobre 2012 : Décision de l’UCI de retirer ses sept Tours de France à Lance Armstrong et de le radier à vie après transmission du rapport de l’USADA.
Janvier 2013 : Aveux de Lance Armstrong à la télévision dans une interview accordée à Oprah Winfrey.
Rien que ça, c’est foireux.
aaaaah Lance Armstrong, que d’émotions… J’étais bien jeune quand je l’ai vu rattraper Pantani sur le Ventoux de manière absolument improbable. Et pourtant, malgré la récente affaire festina, tout le monde s’agenouillai devant le texan miraculé, l’homme aussi candide qu’un bonhomme de neige. Je l’ai vraiment détesté entre 2000 et 2005, parce-que je savais qu’il trichait, c’était logique, mais tout le monde lui léchait les bottes à la tv et dans le publique aussi au début, débattre avec ses paladins était un vrai enfer, pour eux, l’argument du « mais il n’y a pas de preuves » ou « la lutte contre le dopage est efficace, trop de contrôles » étaient solides comme l’acier, même en leur expliquant par A+B que c’était juste impossible qu’il ne prenait rien. Walsh dit juste quand il affirme que son livre n’a eu pratiquement aucun impact, et c’est bien dommage!
Arrive ensuite les heures les plus sombres du tdf avec les rasmussen, pereiro, landis, hamilton, contador,… et enfin le retour du boss et ses aveux quelques années après sa retraite définitive. Et là, d’un seul coup, tout le monde lui est tombé dessus, même ceux qui le défendait aveuglement… Quelle hypocrisie, tout ses lynchages médiatiques et documentaires évoquant le système de dopage le plus « mafieux » et le plus « sophistiqué », alors qu’il n’y avait rien de plus banal dans le monde du vélo que les scènes décrites par hamilton dans son « reportage » faits par des gens qui ne savent rien de cyclisme et encore moins de dopage… C’est bien triste et c’est pour ça qu’après 2013 il m’est devenu beaucoup moins odieux que par le passé.
Quand je pense qu’après le gang de ‘ricains sur lequel tout le monde crache dessus, maintenant on a le clan de brits avec vroomvroom qui fait exactement la même chose, mais avec des contrôles positifs en plus (qui deviennent négatifs a posteriori si on apporte une ordonnance postdatée) et les gens continue à applaudir ça me navre au plus haut point. Mais bon, l’histoire est un éternel recommencement et visiblement l’humain n’apprend jamais, tant-pis. La bonne nouvelle c’est que dans quelques années je trouverais l’homme qui un an avant ne passait pas un dos d’âne et qui était moyen en CLM sur un GT et qui d’un coup s’est mis à voltiger sur les pentes espagnoles en bataillant avec une chaudière notoire et a partir de là devenir le meilleur grimpeur ET meilleur rouleur du monde en ecrasant tout sur son passage, même un pur spécialiste de la discipline comme cancellara qui pèse 10kg de plus… C’est beau le sport!
Ce qui est amusant c’est les analogies que l’on peut faire avec des coureurs actuels. Des grimpeurs très médiocres en début de carrière qui deviennent invincibles en montagne, en chrono, qui peuvent être lâché un jour et humilier tout le monde le lendemain et quand tu remets en question leur domination, les naïfs te rétorquent « mais il n’y a pas de preuves » pour reprendre tes mots, même si le type en question a été pris par les contrôles.
J’étais jeune quand le livre est sorti mais je l’ai lu quelques années plus tard au début des années Froome pour voir une enquête réalisée sur le dopage dans une équipe. Et franchement, le travail du duo de journalistes est incroyable et mérite d’être salué. C’est un vrai travail d’enquêteurs et c’est devenu rare ces dernières années.
Quand je regardais Armstrong gagner, mon père me disait il est dopé, c’est pas possible autrement…. Je ne comprenais pas à l’époque mais en revoyant certaines arrivées avec plus de recul, c’est vrai que ça sautait aux yeux, même au milieu d’autres cyclistes bien chargés… Si le public avait pris plus en compte le livre de Walsh et Ballester, peut-être que les choses auraient bougées plus vite. J’espère qu’on ne reverras pas ça d’ici 4-5 ans sur d’autres coureurs.
Les années Armstrong, sûrement pas la meilleure époque pour commencer à suivre le vélo. Gamin candide et passionné, je ne connaissais que le Tour, et rien au dopage. Sa domination m’ennuyais et je désespérais de le voir enfin flancher. J’y ai cru en 2003, mais même un spectateur maladroit n’a pu entraver sa route vers ce qui fut alors son 5ème sacre et le propulsa à hauteur de ses illustres aînés.
Ce n’est que quelques années plus tard que j’ai pris la mesure du mot « dopage », associé à mon coureur favori, Alexandre Vinokourov. Même si je ne suis pas dupe des casseroles qu’il traîne, cela n’a pas suffit à briser l’image que j’ai de lui et je l’admirerai toujours pour son tempérament, son panache, son style, sa gentillesse au micro et sa maîtrise du français. Je crois que ceux qui nous émerveillent, enfant, garderont une place spéciale dans notre cœur d’adulte. Quelles que soient les fautes qu’ils ont pu commettre, ils nous feront toujours vibrer.
Ah Vino, je partage ta vision
Il m’a déçu mais qu’est-ce qu’il m’a fait vibrer
On ne peut pas lui enlever son panache et son tempérament