Du premier Tour de France remporté par Lance Armstrong, en 1999, jusqu’à ses aveux à la télévision en 2013, ils sont nombreux à avoir participé à la chute de l’Américain. Qu’ils soient journalistes, anciens coéquipiers ou agents fédéraux, ils ont fait de la seconde carrière de Lance Armstrong, après son cancer, une bataille permanente. Le Texan s’est défendu tant qu’il a pu, jusqu’à être trop acculé pour pouvoir continuer. Cette semaine, alors qu’ESPN diffuse un documentaire en deux parties où Lance Armstrong promet cette fois de dire toute la vérité, la Chronique du Vélo vous propose de revenir sur les principaux épisodes et acteurs dans la chute de celui qu’on a longtemps appelé « le Boss ».

Tous les épisodes :
Le système Armstrong, plus vraiment confidentiel (1/4)
Le septième Tour, la retraite et « le mensonge » (2/4)
Landis et Hamilton, lieutenants trop bavards (3/4)
Tygart envoie Armstrong chez Oprah (4/4)

Alors que Lance Armstrong a effectué son come-back en 2009, son ancien lieutenant Floyd Landis décide de dire tout ce qu’il sait. Il sera suivi par un autre ancien coéquipier de « L. A. », Tyler Hamilton, mais surtout par une enquête fédérale de la justice américaine. Si jusque-là, le Texan avait survécu à toutes les révélations, cette fois, sa chute débute sans qu’il ne puisse l’arrêter.

Lanceur d’alerte

A quoi tient un mensonge, aussi gros soit-il ? Aux différents témoins et à leur ego, sans doute. Floyd Landis a triché, comme Lance Armstrong. Sauf que lui a dû rendre son unique maillot jaune quand son ancien leader apparaissait encore au palmarès comme septuple vainqueur du Tour. De quoi nourrir un sentiment d’injustice, aussi absurde soit-il. Si Landis n’avait pas le droit à la gloire, alors les autres non plus. Il était décidé qu’il passerait à table et pendant plus d’un an, l’ancien lieutenant devenu paria s’est appliqué à faire tomber Lance Armstrong, quel qu’en soit le prix. Les deux premières interviews sont données au Wall Street Journal, avant et pendant le Tour de France 2010. Il n’est alors pas question de demi-explications. Landis crache quasiment tout d’un coup. S’il manque certaines pièces du puzzle, ce ne sont que des oublis qu’il rapporte quelques mois plus tard au gré d’un nouvel entretien.

Les accusations touchent les points plus sensibles : Lance Armstrong a utilisé de l’EPO et eu recours à des transfusions sanguines sur les Tours de France 2002, 2003 et 2004, où Floyd Landis, à chaque fois, l’a accompagné. Parce qu’il raconte tout de son propre dopage, de sa victoire effacée sur le Tour 2006, de ses relations avec le Docteur Michele Ferrari, Landis devient crédible dans ce qu’il dit sur Armstrong. « Je ne vais pas vous dire le nombre de fois où j’ai vu Lance Armstrong prendre de l’EPO, mais oui je l’ai vu », confirme-t-il quelques semaines plus tard pour ABC News. Il détaille même les fois où son leader lui a fourni de l’EPO ou de la testostérone. Les dés sont jetés. D’autres anciens coéquipiers avaient déjà témoigné par le passé, dans L. A. Confidentiel en 2004 ou face à la justice américaine en 2006, mais jamais le retentissement n’avait été aussi grand. Landis est désormais considéré comme un lanceur d’alerte – il touchera plus d’un million de dollars de dédommagement après les différents procès d’Armstrong.

La justice suit la piste de Landis

« Quand Landis se met à parler, on se dit que là, quand même, Armstrong va plonger », reconnaît Pierre Ballester, auteur de L. A. Confidentiel. Mais le Texan croit encore largement en ses chances de s’en sortir. Surtout, il a un Tour de France à courir (son dernier) à l’été et compte bien retrouver ce maillot jaune qui lui a échappé l’année précédente. Alors l’Américain, comme souvent, tente de décrédibiliser le messager et Landis est sans doute, de toute l’affaire, celui qui a reçu les attaques les plus sévères. « L’article du Wall Street Journal est plein d’accusations erronées, commente-t-il. Ce sont toujours les mêmes histoires de la part de Floyd Landis, quelqu’un qui n’a aucune crédibilité mais est habitué à renier ce qu’il a dit la veille. (…) La crédibilité de Landis, c’est comme une brique de lait qui a tourné : dès la première gorgée, il n’y a pas besoin de boire le reste pour savoir qu’il a tourné. »

Sauf que la suite sera assez inédite. Pour la première fois, Lance Armstrong semble perdre le contrôle face aux révélations. Peut-être parce que Landis revient à la charge mois après mois, avec de nouveaux entretiens, là où les précédentes enquêtes avaient donné lieu à une publication, avec l’écho médiatique qui va avec, mais plus rien ensuite. « Je pourrais être une grosse merde comme Landis », dira même Armstrong. Il se rétractera cependant au moment de poursuivre Landis en justice, son avocat expliquant avoir « perdu assez de temps et d’argent avec Landis ». Mais là où ses déclarations fracassantes avaient parfois réussi à faire oublier le fond de l’affaire, ce n’est pas suffisant, cette fois.

La justice américaine décide en effet de mettre son nez dans ce qui apparaît au départ comme un règlement de compte entre deux anciens coéquipiers. Jeff Novitzy, agent fédéral de la FDA (Food & Drugs Administration), se retrouve aux commandes. Il est celui qui a fait tomber la sprinteuse Marion Jones dans l’affaire Balco, sept ans plus tôt. « A partir du moment où la justice se met en branle, je sais que c’est terminé pour lui », assure Damien Ressiot, qui avait révélé « Le mensonge Armstrong » dans L’Equipe en 2005. Le New York Times révèle le début de l’enquête fédérale en août 2010, après un ultime Tour de France raté pour Lance Armstrong. L’Américain, qui va sur ses 39 ans, vit alors quasiment ses derniers tours de roue. Il participera au Tour Down Under, début 2011, avant de raccrocher pour de bon. Mais ce come-back, ainsi que ses relations délétères avec Landis, lui coûteront sa chute.

Landis embarque tout le monde

Jeff Novitzy, au cours de son enquête, convoque logiquement de nombreux anciens coéquipiers de Lance Armstrong. De quoi donner des envies à certains de se lâcher, juste comme Landis. Tyler Hamilton sera le suivant. Assis dans un fauteuil, faisant face au journaliste, donnant une interview qui prend parfois des airs d’interrogatoire. En mai 2011, sur le plateau de l’émission 60 Minutes, sur CBS, l’Américain donne comme un avant-goût de ce que seront les aveux de Lance Armstrong, un an et demi plus tard chez Oprah Winfrey. En répondant à chaque fois par l’affirmative, il confirme que son ancien leader, qu’il a côtoyé entre 1998 et 2001, prenait régulièrement de l’EPO et de nombreux autres produits avant et pendant le Tour de France. Il vient corroborer la version de Landis. Son livre, The Secret Race, publié l’année suivante, enfoncera le clou.

Jeff Novitzy, lui, laissera de côté le cas Armstrong en 2012, mais seulement pour mieux laisser Travis Tygart et l’USADA, l’agence anti-dopage américaine, se saisir du dossier. Lance Armstrong est alors sur le point de tomber, alors que les instances n’ont jamais trouvé la moindre trace de dopage dans ses échantillons. Ce sera d’ailleurs, jusqu’au bout, sa stratégie de défense. Avec arrogance, toujours, il met en avant les 500 contrôles qu’il a passé sans aucun problème – il n’y a en réalité pas autant, et plusieurs étaient anormaux. C’est assez pour gagner du temps, mais plus pour s’en sortir. Landis et Hamilton, en s’ajoutant à Vaughters et Andreu, feront tomber l’Américain, grâce à l’aide de quelques autres – parmi lesquels Hincapie, l’ami de toujours d’Armstrong – dénoncés par Landis et forcés de passer aux aveux. Lance Armstrong maîtrisait l’aspect médical et pouvait compter sur des relations haut placées en cas de couac. Mais il n’a pas su gérer éternellement les témoins.

CHRONOLOGIE DES RÉVÉLATIONS À L’ENCONTRE DE LANCE ARMSTRONG

Juillet 1999 : Révélation par Le Monde d’un contrôle positif d’Armstrong à un corticoïde pendant le Tour de France. L’Américain le justifiera avec une ordonnance antidatée pour une crème contre les hémorroïdes.

2001 : David Walsh révèle avant le départ du Tour dans le Sunday Times les relations entre Lance Armstrong et le Docteur Michele Ferrari.

Juin 2004 : Publication de L. A. Confidentiel par Pierre Ballester et David Walsh.

Août 2005 : Publication dans L’Equipe d’une enquête de Damien Ressiot où sont révélés six échantillons positifs de l’Américain lors du Tour 1999.

Juin 2006 : Témoignages de Frankie et Betsy Andreu face à la justice, puis dans L. A. Officiel (en octobre 2006), deuxième ouvrage de Pierre Ballester et David Walsh.

Mai & juillet 2010 : Témoignages de Floyd Landis dans le Wall Street Journal incriminant Lance Armstrong.

Mai 2011 : Témoignage de Tyler Hamilton dans l’émission 60 Minutes de CBS, incriminant Lance Armstrong. Hamilton publiera ensuite en septembre 2012 son livre The Secret Race, encore plus détaillé.

2012 : Témoignages auprès de l’USADA de nombreux anciens coéquipiers de Lance Armstrong parmi lesquels George Hincapie, Levi Leipheimer, Christian Vandevelde, David Zabriskie, Tom Danielson ou Michael Barry.

Octobre 2012 : Décision de l’UCI de retirer ses sept Tours de France à Lance Armstrong et de le radier à vie après transmission du rapport de l’USADA.

Janvier 2013 : Aveux de Lance Armstrong à la télévision dans une interview accordée à Oprah Winfrey.

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