Dans l’histoire, de nombreuses équipes italiennes ont été associées à un grand champion  – quasiment toujours italien, lui aussi. Cette semaine, la Chronique du Vélo vous propose donc une série qui revient sur les associations les plus marquantes. Qu’il s’agisse de marques de cycles, d’une chaîne de supermarchés ou de machines à cafés, à chaque fois, le résultat fut identique : une firme transalpine a profité des succès de sa tête d’affiche.

Tous les épisodes :
Coppi et Bianchi, le mariage éternel (1/6)
Gimondi, puissant comme Salvarani (2/6)
« M » comme Merckx et Molteni (3/6)
Mercatone Uno, avec Pantani sinon rien (4/6)
Saeco amène Cipollini jusqu’au trône (5/6)
Cunego, prince sans couronne chez Lampre (6/6)

Il est une association qui se fait dès les premiers instants. Eddy Merkcx ou Marco Pantani ont brillé pour plusieurs équipes, dont certaines italiennes, mais pour Fausto Coppi, c’est comme s’il n’y en avait qu’une : Bianchi. Pas de doute, de tergiversation. Le Campionissimo a bâti sa légende avec une seule formation, une seule marque. Une histoire de gros contrat, mais pas que, loin de là.

Repéré avant la guerre, il n’y signe qu’après

Si quelques anciens pouvaient nous raconter leurs souvenirs, nous pourrions ainsi colorer notre mémoire. Donner une teinte, un coloris, des tons à ces images d’après-guerre. Belles au possible, mais uniformes en contraste. Les jeunes d’alors, témoins au bord des routes d’un cyclisme qui écrivait là de superbes pages d’histoire, pourraient nous dire à quel point c’était gracieux et élégant. Surtout quand on en venait à admirer la pédalée légendaire de Fausto Coppi, son mythique maillot Bianchi, le vert céleste de sa bicyclette de la même marque. Le mariage entre le Campionissimo et la firme italienne est ainsi devenu iconique. Coppi, c’est Bianchi, et inversement. Pendant une décennie, de 1946 à 1956, le Piémontais empile les succès, avec toujours, sur le maillot et sur son vélo, l’inscription Bianchi.

Tout, pourtant, aurait pu démarrer bien plus tôt. Avant même le début de la guerre, en 1939, un certain Biagio Cavanna, soigneur aveugle qui deviendra le mentor et le confident de Fausto Coppi, le repère sur une course. Il adresse alors une lettre à Giovanni Rossignoli, directeur de l’équipe Bianchi, pour lui faire part du phénomène qu’il vient de découvrir. Mais rien ne se fait à ce moment-là et Coppi signe finalement l’année suivante chez Legnano, où il devient équipier de Gino Bartali. Une erreur vite corrigée par Bianchi. La marque milanaise, créée en 1885, n’a pas l’habitude de se louper. A l’époque où les moyens de transport se développent, Bianchi propose déjà des bicyclettes, des motocyclettes et des automobiles, avant de se lancer dans les camions un peu plus tard. La compétition, dès lors, est une vitrine de choix. Pour le fondateur de la société, Eduardo Bianchi, le meilleur moyen de tester un produit est alors de le promouvoir en compétition.

Impliquée dans le cyclisme depuis 1899, en tant que sponsor titre ou associé à un fabricant de pneus, Bianchi a rapidement conquis le cœur des italiens en décrochant les plus prestigieuses des courses transalpines. Dès lors, signer le nouveau phénomène Fausto Coppi sonne comme une évidence. Au sortir de la guerre, les contacts reprennent entre les patrons de l’équipe et le coureur italien, désormais âgé de 25 ans, déjà vainqueur d’un Tour d’Italie en 1940 avant d’être mobilisé en Afrique du Nord pendant le conflit mondial. Chez Legnano, le patron Eberardo Pavesi n’a pas une confiance aveugle en Fausto Coppi. Il doute en fait que le garçon atteigne un jour le niveau de son glorieux aîné Gino Bartali. Le Piémontais décide donc d’accepter la généreuse offre de Bianchi, un contrat à un million de lires, sans compter d’éventuelles primes de résultats, qui s’accompagne d’une voiture Bianchi. Mais surtout, c’est tout un écosystème qui se met en place autour du champion, puisqu’en plus de retrouver Biagio Cavanna, son « découvreur », il arrive avec son mécanicien de Legnano et son frère Sersi, qui a su convaincre la direction de l’embaucher, lui aussi, quelques mois plus tôt.

Milan-Sanremo 1946, coup de pub parfait

Dans un peloton qui se redécouvre, après de longs mois d’inactivité, Fausto Coppi va faire des ravages. En 1946, lors de Milan-Sanremo, il décide d’attaquer très tôt pour surprendre ses adversaires, en misant sur le fait qu’ils ne sauraient pas comment réagir. Bingo, il lâche un à un ses compagnons d’échappée et franchit seul la ligne d’arrivée avec quatorze minutes d’avance sur son premier poursuivant. Pour Bianchi, le coup de pub est énorme. Le nouveau patron de la marque, Aldo Zambrini, assure alors que la performance de Coppi équivaut à six mois de travail dans les usines. Dans une Italie meurtrie par la guerre, qui compte trois millions de vélo pour seulement 150 000 voitures en circulation, remporter des courses cyclistes, avec la manière, est le meilleur moyen de promouvoir une marque. Pour Coppi et Bianchi, ce n’est en revanche que le début puisque suivront d’innombrables succès sur le Tour de France, le Tour d’Italie, Paris-Roubaix, le Tour de Lombardie ou Milan-Sanremo, encore.

Dans le peloton des années 1950, on n’égale pas l’influence de l’association Coppi-Banchi. Surtout, le coureur italien, grâce notamment à Biagio Cavanna à ses côtés, va se professionnaliser, aussi bien en terme d’entraînement que de diététique. Pignon fixe, longues distances, intensités : Fausto Coppi modernise la discipline, avant de faire le spectacle en course sur son Speciallissima. Logiquement, Bianchi capitalise sur cette vague de succès et place le coureur de Castellania en tête de gondole. Au-delà de la traditionnelle gamme de vélos de ville proposée à la vente, la catégorie « sport » prend des allures de palmarès. En 1952 sont vendus des modèles haut de gamme « Paris-Roubaix », assortis du groupe de transmission Campagnolo faisant rêver les amateurs de belles mécaniques.

Des tifosi pour porter son vélo Bianchi

A certaines occasions, Coppi et Bianchi se laissent même aller à quelques innovations surprenantes. En 1950, lors de sa victoire sur Paris-Roubaix, l’Italien grimpe sur une machine sans dérailleur, à plateau unique de 49 dents avec une manette fixée sur le hauban droit, permettant de passer de l’un à l’autre des trois seuls pignons présents. Un système qui ne sera pas amené à durer, mais qui fascine par son ingéniosité. Quelques concurrents, dont Gino Bartali, l’utiliseront temporairement avant qu’il ne tombe dans l’oubli. Les capacités techniques de Bianchi sont alors mises en avant, associées à la formidable réussite du champion.

Coppi, devenant le Campionissimo, se fait ainsi une place, petit à petit, parmi les plus grands coureurs de tous les temps. Et autour de lui se forme un culte. A la fin de l’année 1945, il emménage près de Gênes avec sa femme Bruna, dans un appartement situé au quatrième étage. Sans ascenseur, il doit descendre son vélo dans les escaliers quotidiennement pour aller s’entraîner. Mais il n’a quasiment jamais eu à le remonter lui-même. Chaque jour, plusieurs tifosi patientaient à l’extérieur de son bâtiment pour avoir la chance, à son retour, de porter sa monture Bianchi jusqu’à son appartement, afin d’épargner un peu les jambes du champion. Dans une époque où les légendes se tissent aussi à travers l’imaginaire des commentaires de la radio ou des articles de presse, Coppi devient un mythe, Bianchi avec. Jusqu’à son lent déclin, à partir de 1956, où l’Italien crée sa propre équipe et la marque de cycles qui va avec. Le typhus contracté en ce début d’année aura raison de sa superbe, l’amenant à rompre son contrat avec Bianchi. La firme italienne continuera à briller par la suite, mais jamais autant que pendant les années Coppi.

FAUSTO COPPI

Né le 15 septembre 1919.
Décédé le 2 janvier 1960 à 40 ans.
Coureur professionnel de 1938 à 1959.
Chez Bianchi de 1946 à 1956, puis en 1958.

Principales victoires avec Bianchi :
Tour de France (1949, 1952)
Tour d’Italie (1947, 1949, 1952, 1953)
Championnat du monde (1953)
Milan-Sanremo (1946, 1948, 1949)
Paris-Roubaix (1950)
Tour de Lombardie (1946, 1947, 1948, 1949, 1954)

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