Auteur d’un Tour de France 2018 catastrophique, Adam Yates a choisi de revenir pour effacer purement et simplement cette grande déconvenue qui parasita sa seconde partie de saison. Revenu à son tout meilleur niveau depuis le mois de février, le frère de Simon a des arguments et une motivation sans pareille dans la quête du maillot jaune.
Se faire justice soi-même
Quatrième et maillot blanc de l’édition 2016, à 4 minutes et 42 secondes de Chris Froome, Adam Yates aurait peut-être pu faire un peu mieux si l’étape polémique du Mont Ventoux n’avait pas accouché de décisions litigieuses, reclassant l’intégralité des favoris dans le même temps en haut du Chalet Reynard. Mais qu’importe, cette année là, à 24 ans, Adam Yates avait pris rendez-vous et deux années plus tard, le garçon semblait avoir franchi une ou deux marches supplémentaires, capable de se faire oublier dans les ascensions et de faire très mal avec son jump. C’est ainsi qu’il avait chipé à Dani Navarro la dernière étape du Dauphiné, et pris la seconde place du général derrière son compatriote Geraint Thomas.
Mais le début d’année 2018, où la fratrie Yates sonnait comme le tube du moment, était aussi celle des déconvenues. Simon avait scotché son monde sur le Giro en y remportant trois étapes et portant le maillot rose ; Adam s’était positionné comme un rival du duo britannique Froome-Thomas. Sauf que la pression était vraisemblablement trop forte. En interne, le Giro de Simon a fait peser de nouvelles attentes, peut-être démesurées, sur Adam, qui n’avait pourtant que deux tops 10 dans les pattes en sept grands tours. Logiquement, la chute arriva donc. Largué dans les Alpes, Yates joue maladroitement aux baroudeurs dans les Pyrénées et chute grossièrement dans la descente du Portillon, alors qu’il avait su distancer Julian Alaphilippe dans la montée. Plus qu’un succès d’étape d’envolé, ce fut une grosse claque pour celui qui pensait déjà vivre un été radieux.
Un état d’esprit plus libéré
Redevenu simple coéquipier pour son frère, lauréat de la Vuelta en septembre, Adam s’est reconcentré tête baissée sur les six premiers mois de 2019, et cela a plutôt bien marché. Vainqueur en montagne dès le Tour de Valence, deuxième de Tirreno ou encore second du Dauphiné avant un abandon précautionneux suite à des troubles intestinaux, le Britannique a rassuré. Surtout, il nourrit de belles ambitions à la vue d’un Tour de France au parcours qu’il connaît comme sa poche. Ainsi, on l’a vu se féliciter de l’apparition de la Planche des Belles Filles, une montée qu’il a découvert lors de ses années françaises sous les couleurs du CC Étupes, où encore du triptyque alpestre au faible kilométrage, qu’il a intégralement reconnu avant le départ du Dauphiné.
Si Matthew White veut que son protégé monte sur le podium et a motivé Simon Yates et Jack Haig pour que les deux lui rendent l’ascenseur du Tour d’Espagne, Adam ne raisonne pas de la même manière. « Je ne veux pas vraiment me fixer un rang à partir duquel ma course sera réussie, et je sais juste que j’aimerais pouvoir marcher encore mieux que prévu », a-t-il déclaré au moment de la présentation de la sélection australienne. Pas très aimé du public qui lui reproche son caractère de suiveur, et son passeport britannique peu populaire, Yates court de façon plus agressive en 2019, tout en restant nuancé.
Vainqueur d’étape un peu partout, on pourrait faire la comparaison avec Thibaut Pinot, qui n’assume plus explicitement ses objectifs pour garder l’espoir de miser sur deux tableaux, à savoir les victoires d’étapes et une bonne place au classement général. L’Anglais est sans-doute supérieur au Franc-Comtois, et à beaucoup d’autres dans le contre-la-montre, et c’est toute la fratrie Yates qui a réalisé de gros progrès dans la discipline. Néanmoins, comme Fuglsang, l’intéressé est sur le front depuis la fin de l’hiver. Alors, peut-il faire mieux qu’égaliser son meilleur résultat sur la Grande Boucle, obtenu il y a trois ans ? C’est tout à fait dans ses cordes, mais attention à ne pas se perdre une nouvelle fois en route. Un nouveau raté sur trois semaines l’empêcherait durablement de revendiquer un statut que son frère s’est en partie accaparé. Les deuxièmes chances valent de l’or.
S’il n’a pas de pépins de santé comme c’est parfois le cas, je le vois clairement sur le podium de ce tour au minimum. Il a réalisé un début de saison irréprochable et impressionnant de puissance et dispose d’une équipe parfaitement équilibrée avec notamment deux super équipiers en montagne et une homogénéité d’ensemble taillée pour le chrono par équipe.
En ce qui concerne les doutes que certains ont à propos de l’impact que peut avoir son lourd début de saison sur sa capacité à tenir 3 semaines, je trouve qu’ils sont légitimes. Ça longue coupure entre pays Basque et Dauphiné devrait lui avoir laissé suffisamment de temps pour se régénérer et bien préparer son affaire.
La vraie interrogation c’est sa régularité sur 3 semaines.
Une certitude : le prix des casques moches et celui des lunettes ridicules ne vont pas lui échapper !