Rarement décevants sur la première arrivée au sommet du Tour, l’équipe Sky n’a pas failli à sa réputation. En avance sur un récital co-signé des noms de Geraint Thomas et Christopher Froome, la Movistar a également secoué le cocotier dans le Cormet de Roselend. Et voilà le général déjà sacrément décanté. Alors, comment contrecarrer ce monstre à deux têtes qui monopolise la première ligne de la grille ?

Aucun droit à l’erreur

Avant même d’espérer créer une différence à la pédale, ou se lancer dans une aventure quelconque, faire la course contre les deux plus grosses cylindrées du peloton requiert une précision millimétrée. Si Romain Bardet concède à juste titre que « le duo de la Sky était très fort », et qu’ils ont « parfaitement joué le jeu de la course d’équipe », l’Auvergnat sait sur la ligne qu’il s’est « planté de stratégie ». « Derrière, il ne fallait pas laisser partir Froome. » Cette autocritique terminée, son manager, Vincent Lavenu, dresse un panorama plutôt logique d’une épreuve où la loi du plus fort se fait dans un premier temps par équipes. « Aujourd’hui, on a subi la course, parce que Sky a maîtrisé de bout en bout sans jamais broncher. Dans le final, ils ont encore quatre ou cinq coureurs. Ils ont une force collective qui est sans contestation possible au-dessus des autres, et le résultat le démontre ».

Round d’observation dans les pentes de la Colombière, grande lessiveuse au sommet de la Rosière, les Alpes se termineront ce soir par la montée des vingt-et-un virages de l’Alpe d’Huez. « Ce triptyque commence à distiller de la fatigue. Mais pour espérer plus sur ce Tour de France, il va falloir courir beaucoup plus juste que ça. », admet celui qui reste sur deux podiums consécutifs à Paris. Relégué à 2’58’’ du nouveau maillot jaune, Geraint Thomas, Bardet est déjà dos au mur s’il ne veut pas avoir course perdue au pied des Pyrénées, au même titre que d’autres concurrents qui ont fait jeu égal.

Comment sortir de sa boîte à la perfection pour rattraper ce retard, d’autant plus lorsqu’on est en infériorité numérique vis-à-vis des écuries dominantes ? « Tout le monde à fait une super course, mais à six, c’est sur qu’on ne peut pas faire ce qu’on avait souhaité, alors il faut que j’apprenne à courir différemment », rappelait Bardet, démuni à l’approche du dernier col. « On a Pierre Latour qui est quand même brillant mais on voit bien qu’il nous manque de la main d’œuvre par rapport aux autres équipes […] En plus, Mathias se met par terre dans la descente du Cormet de Roselend, c’est une mauvaise nouvelle de plus, on les cumule », regrettait Lavenu.

Inventivité et réactivité

Opposés à une adversité britannique si implacable lorsqu’elle parvient à se sublimer, les challengers hésitent entre des manœuvres encore un poil timide, ou un attentisme guettant une hypothétique sortie de route des cibles définies. Songeur au terme de la onzième étape, Rik Verbrugghe, directeur sportif de Bahrain-Merida, semble sécher. « Ce qu’il faut ? Un super leader ! Après, il faut bien essayer à un moment donné, mais on ne peut rien faire si le leader n’a pas les jambes. Il faudra bien les lâcher, les deux Sky. Restons patients et attendons le bon moment s’il se profile. » À contrario, Vincent Lavenu pense plutôt que les individualités peuvent s’additionner pour voir le bon bout. « Romain ou Nibali peuvent espérer suivre un bon coup et accompagner les meilleurs. Romain a essayé, trois fois, mais il n’a pas réussi à déstabiliser ses concurrents. »

Jusqu’à présent, la seule formation à avoir tenté un coup tactique demeure la Movistar de Valverde, Landa et Quintana. Mais cet épouvantail semble autant effrayer le reste de la galaxie que le spectre Sky. Gare au choc psychologique, même si ce n’est surtout pas le genre de la maison chez AG2R. Loin de se démoraliser, Bardet « est capable de supporter toutes les petites déconvenues qui peut il y avoir dans un Tour de France, et dieu sait si il y en a au quotidien. […] Ce n’est pas parce qu’il a perdu une petite minute sur Geraint que cela va éroder sa confiance », martèle un Lavenu sûr de ses qualités. Au sein de la formation UAE de Dan Martin, vainqueur à Mûr-de-Bretagne et un temps dans la roue de Froome, on est d’ailleurs très loin de s’inquiéter. « Dan a montré aujourd’hui qu’il était costaud, capable de placer des attaques, note Joxean Matxin. Nous allons gérer étape par étape, sachant qu’il y en aura encore d’autres qui continueront la sélection. Oui, Sky possède deux coureurs aux avant-postes, mais les opportunités en sa faveur n’ont pas disparu. Je trouve qu’il est dans une position confortable. » Déjà satisfaits de suivre le rythme ?

Et si cela n’était pas si représentatif ?

Un des pièges serait vraisemblablement de verser dans un excès de fatalisme, ou d’auto-satisfaction en glanant un accessit correct, ce qui tend déjà les bras à plusieurs coureurs. Frustré, Verbrugghe peste à demi-mot contre le cours d’une compétition aux portes de l’inéquitable. « C’est sûr que si on nous donne dix millions de budget en plus, on achètera autant de coureurs que chez Sky pour aider Vincenzo, mais c’est comme ça. Le Tour n’est pas fini, il ne faut pas l’oublier, chacun peut avoir une défaillance n’importe quand. Froome, il vient du Tour d’Italie, c’est pas si simple” Pour rester dans le jeu, il n’y a d’autres solutions à court terme que de « placer un éclaireur dans l’échappée et de trouver le moment clé pour y aller. […] Sinon, il faut nous donner des circonstances de courses comme une étape venteuse. » Beau joueur, Lavenu conclut avec un mélange de formule toute faite et de leitmotiv. « La course est encore longue, et le Tour ne fait que débuter. »

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