On avait hâte de savoir. Geraint Thomas ou Christopher Froome ? Mais Sky peut encore se permettre de repousser l’heure du choix. Au sommet de La Rosière, les deux larrons ont mis un coup de massue à la concurrence. Thomas, vainqueur d’étape et en jaune, Froome juste derrière au général, l’équipe britannique avance avec un monstre à deux têtes comme leader.

Le choix du riche

Ce mercredi matin au départ d’Albertville, Nicolas Portal restait énigmatique. Jusqu’à quand la Sky peut-elle continuer sans véritablement choisir le cheval sur lequel miser ? « Cela dépendra de comment les autres vont courir, dit-il en préambule. Et ensuite, si on voit que l’un des deux commence à avoir une défaillance, on pourra favoriser l’autre. » Quelques heures plus tard, après l’étape, il n’y avait pas de raison que la ligne de conduite soit différente. La situation est simplement encore plus parfaite. Impressionnant, Geraint Thomas est en train de passer le test alpestre. Il ne lui a fallu qu’une attaque, dans l’ascension finale, pour distancer tous les autres favoris, puis une seconde pour aller récupérer et finalement déposer Mikel Nieve, ultime échappée qui a cru un long moment qu’il filerait jusqu’à la victoire. Une efficacité clinique, pendant que derrière, Chris Froome continuait de faire le ménage sans états d’âme.

Le quadruple vainqueur du Tour, comme pour confirmer que non, il ne s’était pas mué en équipier de Thomas, a attaqué, roulé et finalement lâché Bardet, Nibali, Quintana, Roglic ou Martin, celui qui s’est accroché le plus longtemps. Thomas, d’ailleurs, dont les dents ont rayé le parquet tout l’hiver et une bonne partie du printemps, la joue pourtant éternel équipier, comme si le Dauphiné et ces dix premiers jours sur le Tour n’avaient rien changé. « Je n’ai pas plus de pression que d’habitude, dit-il malgré sa prise de pouvoir. Froome est le leader, de toute façon. » Depuis le départ de Vendée, pas question de sortir du cadre. Même avec le maillot jaune sur le dos, le Gallois doit rester un lieutenant de grand luxe, qui profite du marquage sur son leader pour semer la zizanie. Mais la question de savoir si cette situation peut réellement durer se reposera à chaque étape de montagne.

Plus fort que Landa ?

« A la sortie des Alpes, il faudra choisir », dit Bernard Thévenet. Mais si la situation reste en l’état, avec les deux Sky aux deux premières places, séparés de seulement une minute et vingt-cinq secondes, le choix n’aura pas grand-chose d’une évidence. Les limites de Thomas en troisième semaine, déjà entrevues, jouent contre lui. L’atmosphère qui règne autour de Froome, à l’opposé, pourrait jouer en sa faveur. Voir le tenant du titre maillot jaune, c’est s’assurer que tout tourne autour de la procédure – désormais entérinée – de son contrôle anormal. Mais tant que Thomas conservera le paletot, l’attention des journalistes comme des spectateurs sera captée par ce duel interne dont on ne sait pas grand-chose, finalement, et qui intrigue aussi pour ça. C’est déjà, un peu, ce qui avait animé la course il y a un an, avec Landa dans le rôle du semeur de troubles.

L’Espagnol, en revanche, n’avait pas été jusqu’à porter le maillot jaune ou terminer devant son leader dans une étape de montagne. « Je me demande si Thomas, ce n’est pas mieux que Landa, interroge Thévenet. A la fin du Dauphiné, je suis allé le voir et je lui ai dit qu’il était le nouveau Wiggins. Je pense que si Froome venait à connaître des problèmes, Thomas pourrait le remplacer. » Nicolas Portal, lui, ne veut pas faire de hiérarchie. « Ce sont deux coureurs complètement différents, insiste-t-il. Geraint est moins punchy dans sa façon de faire, alors que ce qui rendait Landa dangereux, c’est qu’on ne savait pas à quoi s’attendre, quand il allait attaquer. » Le Gallois est aussi davantage un rouleur-grimpeur, qui monte au train, quand l’Espagnol préfère les à-coups. Désigner le meilleur est donc compliqué. Mais à 32 ans, en tout cas, Thomas est plus que jamais la plus belle alternative que Sky ait eue sous la main depuis le début du règne de Froome.

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