Gagnante de cinq des six dernières éditions de Paris-Nice, la Sky avait pris pour habitude de nous surprendre, année après année, par sa capacité à sublimer les lieutenants traditionnels, devenus leaders décomplexés en l’espace d’une semaine. Mais en 2018, la sauce n’a pour l’instant pas pris. Empêtrée dans des scandales au parfum de plus en plus répulsif, elle vient de subir en deux jours une faillite inhabituelle en France, mais également de l’autre côté des Alpes, sur Tirreno-Adriatico.

Poels hors-course

Impressionnant dans son début de saison, wout Poels, en bien meilleure condition que le tenant du titre, Sergio Henao, réalisait jusqu’à ce vendredi la course parfaite. Placé les premiers jours, la chance était même de son côté après une crevaison sans suite sur la route de Châtel-Guyon. Frappant un grand coup en remportant le contre-la-montre de Saint-Etienne, le Néerlandais montait en puissance et pouvait espérer détrôner Luis Leon Sanchez dans les dernières étapes. Aux avants-postes dans le final tortueux de vendredi, ses espoirs se sont brutalement arrêtés à l’intérieur d’un grand virage détrempé négocié à toute allure. Fracture de la clavicule, traumatisme thoracique, nul ne sait encore quand Poels pourra reprendre l’entraînement. S’il dédramatise sur le site de son équipe, en répétant qu’il avait prévu une période de repos après la Course au Soleil, le choc est dur à encaisser, et les maillots blancs faisaient bien pâle figure dans l’ascension de la Colmiane ce samedi après-midi.

Henao huitième, De La Cruz quatorzième, la victoire finale est quasiment inatteignable, tandis qu’un podium semble tout aussi illusoire. Une malchance qui n’avait pas pour coutume de toucher à ce point une équipe caractérisée par un état d’esprit parfois fanfaronnant. Lors de l’avant-course, Poels s’était même porté candidat au leadership pour un Giro déjà sous haute-tension outre-Manche, quand on connaît l’épée de Damoclès qui accompagne Christopher Froome. Déjà contraint de revoir ses ambitions et sa préparation pour les Ardennaises, le garçon est dans l’expectative pour le mois de mai. De quoi désorganiser un petit plus la maison mère Sky. Poussé à la démission aussi bien par les grandes gueules du peloton que par les rapporteurs de la commission parlementaire britannique sur le dopage, Dave Brailsford gaspille de l’énergie à se débattre sur tous les terrains. Sa patte de fer sur le collectif s’érodant, voire contestée, les dynamiques sportives en ressentent logiquement les erreurs.

Le goulot d’étranglement sur Tirreno

En Italie, la course avait elle aussi bien débuté. Un bon chrono par équipes puis la prise du maillot bleu au terme de la première étape vallonnée par Geraint Thomas, tous les voyants semblaient au vert. Sauf que, là encore, Sky a du se battre contre le cours des événements. Comme sur Paris-Nice hier, il se pourrait bien que le général se soit envolé, cette fois dans le final de la montée vers Sarnano Sassotetto. Froome n’a pu suivre le tempo de son coéquipier Kwiatkowski, et sur une offensive de George Bennett, Geraint Thomas a été victime d’un saut de chaîne fatal. Sur la ligne d’arrivée, le débours est conséquent. Voici le britannique repoussé à vingt-six secondes de Damiano Caruso, et devancé par des rouleurs équivalents, comme Kwiatkowski et Kelderman. Le Polonais, à une seconde de la tête du général, représente la meilleure option, mais pourra t-il conserver sa position dimanche sur les terres du regretté Michele Scarponi ?

Ce final est révélateur à plus d’un titre d’un quotidien déréglé pour la Sky, qui n’avait jamais dû puiser à ce point dans des stratégies alternatives. Enfin, pour Froome se pose la question du spectre médiatique inévitable en cas de grosse performance de sa part. Etait-il vraiment décroché, où ne voulait-il pas trop en faire pour conserver un peu de tranquillité avant les grosses échéances ? Aussi ambitieux que Poels, Thomas n’aura pas pu montrer sa vraie valeur en vue du Tour, qu’il convoite officiellement. Simple retournement de situation, ou conséquence des nombreuses externalités négatives qui plombent l’équipe Sky depuis près de quatre mois, nul ne le sait vraiment. À Nice demain soir, la tête des mauvais jours primera. Et à San Benedetto del Tronto, l’éventuel sourire de “Kwiatko” ne pourra effacer la déception des leaders attitrés. Et rien que ça tranche avec le refrain machinal imposé au cyclisme mondial depuis six années.

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