La mort est toujours tragique. Encore plus lorsqu’elle intervient à 29 ans. Un jour de mars, en voulant régler une oreillette défaillante au cœur du peloton, Andrei Kivilev tomba violemment sur un bitume habitué à le voir rouler pendant ses entraînements. Avant de décéder quelques heures plus tard à l’hôpital de Saint-Etienne. C’était il y a 15 ans, sur Paris-Nice.

Honnête grimpeur et homme discret

Avant ce drame, le nom du Kazakh revenait le plus souvent dès que la pente devenait abrupte. Et c’est sur les routes françaises, celles qui ont mis fin à sa vie, que Kivilev a fait ses premières armes. Son passage chez les professionnels en 1998 fit peu de bruit, tout juste entend-on parler le timide garçon de l’est, qui tient autant à réaliser ses rêves de victoire qu’à faire preuve de discrétion. Sa saison la plus aboutie interviendra trois ans plus tard, lorsque la machine médiatique du Tour de France nous fait découvrir les yeux d’acier bleu du champion. Au pied du podium final grâce à l’échappée fleuve de Pontarlier, l’homme de la Cofidis avait trouvé les ressources suffisantes pour perdre le moins de temps possible en haute montagne. La suite de son histoire avec l’Hexagone puisque ses plus beaux succès, Kivilev les avait conquit quelques semaines auparavant sur la Route du Sud et le Dauphiné, en remportant le général de l’épreuve pyrénéenne et la cinquième étape de la course iséroise.

S’il était kazakh, le garçon couru d’ailleurs toute sa carrière pour des équipes tricolores. Passé pro chez Festina, pour la pire année de la célèbre formation de Richard Virenque, il resta l’année suivante avant de partir chez AG2R puis de rejoindre Cofidis. Moment où tout allait s’enchaîner à merveille et pendant lequel son potentiel se révéla enfin au niveau mondial. Cependant, Paris-Nice 2002 se terminait par une nouvelle quatrième place et ces podiums manqués commençaient à faire naître un léger sentiment de coureur talentueux et offensif mais dont la culture de la gagne, au contraire de son compatriote Vinokourov, manquait. C’est donc dans un esprit plus conquérant que Kivilev s’engagea sur la Course au Soleil en 2003. Avant la fin cruelle que l’on connaît.

Vinokourov, un grand frère

Le déclic de la carrière d’Andrei Kivilev date alors de six ans plus tôt, lors de son arrivée à l’ECSEL, le club de Saint-Etienne. L’envie de progresser encore un peu plus le fait quitter l’Espagne où il ne trouva jamais son rythme et à 23 ans, il s’installe dans l’équipe du Forez. Son colocataire, avec qui il partage une maison, n’est autre qu’Alexander Vinokourov, son ami depuis les rangs des Juniors soviétiques au début des années 1990. Le futur manager d’Astana lui fait profiter de son expérience sur les routes tricolores pour que les alentours de Saint-Etienne n’aient plus de secrets pour les deux garçons. Un grand frère et un mentor qui aura toujours été un exemple à suivre pour Kivilev. Cette véritable histoire d’amitié se sera embellie dans les jours qui suivirent le décès du coureur de la Cofidis, où l’hommage de Vino fera monter les larmes du peloton.

Paris-Nice 2003 devait se jouer sur le Mont Faron, dont la fine route promettait une foire d’empoigne entre leaders. Mais trois jours après la terrible chute de Saint-Chamond, Alexander Vinokourov allait survoler les débats. La pente menant au sommet qui surplombe Toulon lui permit de lâcher les chevaux et de célébrer, les doigts pointés vers le ciel, sa victoire la plus émouvante. Vainqueur final à Nice, c’est les yeux humides, une photo de son frère de cœur entre ses mains, que Vino célébra ce succès. Le meilleur hommage à faire à son ami. « C’est la force d’Andrei qui est avec moi », ajoutait quelques mois plus tard celui qui venait de remporter à Gap sa première étape sur le Tour. Continuer à se dépasser, malgré le deuil qui vient parfois frapper à la porte. Tel est parfois le défi des champions.

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