Quatrième homme de l’histoire à s’être adjugé le Tour d’Émilie et les Trois Vallées Varésines en seulement quelques jours, Primoz Roglič, sur la lancée d’une Vuelta maîtrisée de bout en bout, prouve qu’il n’a pas encore décidé de prendre du repos. De quoi endosser un statut de favori inattendu pour le Tour de Lombardie, ce samedi.

Match retour contre Nibali

Entre l’ancien sauteur à ski et le requin de Messine, les relations n’ont jamais été des plus radieuses. Toujours prompt à partager son agacement lorsqu’un concurrent lui déplaît foncièrement, le Sicilien avait épinglé le leader de la Jumbo-Visma sur les routes du Giro, comme il avait pu le faire avec Quintana et Dumoulin en 2017. Une façon symbolique de rappeler qui est le patron, quand la réalité du bitume semble différente. “Rogla” a dominé partout où il est passé cette année, à l’exception de ce fameux Tour d’Italie, et a encore passé un cap, aussi bien en montagne que sur les forts pourcentages. Démonstration a été faite cette semaine, avec les victoires du Slovène au Tour d’Emilie et sur les Trois Vallées Varésines. Il y a quelques années, Nibali aurait bien volontiers fait le show à sa manière, en s’adjugeant ces épreuves historiques du patrimoine italien pour capitaliser avant les grands événements, mais à bientôt 35 ans, le Transalpin n’est plus en mesure de gaspiller de l’énergie à quelques jours des Monuments.

Tous se souviennent, au mois de mai, que les deux larrons avaient pris un malin plaisir à se saborder le second week-end, sur les pentes du Nivolet et du Colle San Carlo, où ils donnèrent les clés de la course au duo Carapaz-Landa, plus entreprenant. C’est sans doute là que Vincenzo Nibali, qui dispute ce samedi sa dernière course pour la formation Bahrain-Merida, est passé à côté d’une troisième couronne à Vérone. Mais pour son homologue slave, les facteurs sont bien plus divers. En surforme avant le départ de Bologne, il avait écrasé la concurrence de la Romandie au rocher de Saint-Marin, pour s’écrouler dans les Dolomites et tenir laborieusement une troisième place à la saveur aigre-douce. Sauf que les mois ont passé, et Roglič, qui décrochait en Italie son premier podium sur trois semaines, est ressorti vainqueur de la manche espagnole. Sur sa lancée, il apparaît infatigable et inarrêtable, et il paraît hautement improbable de le voir plier dans le Mur de Sormano ou dans la descente du Civiglio.

Une épreuve cernée

Roglič semble de plus en plus apprécier l’Italie, son programme de courses et ses victoires parlent pour lui. Surtout, il a déjà montré des prédispositions sur le dernier monument de l’année. Pour sa première participation, en 2017, il décante la course dans le Sormano, à plus de quarante kilomètres de l’arrivée, et permet la sélection en compagnie de Pinot et Nibali. Adepte des montées sèches de moyenne altitude, comme en témoigne ses succès au Pays Basque, Roglič a affolé les chronos au Tour d’Émilie. Dans l’ultime ascension de la colline de San Luca, qu’il avait déjà dompté en vélo de chrono lors de la première étape du Giro, il a tout simplement avalé une pente constamment au-dessus des 10 % à 22 km/h, en 5’39’’. Record de Nibali battu pour cinq secondes. Si le succès casquette des Trois Vallées Varésine pouvait relativiser l’ensemble, sa performance athlétique témoigne d’un solide état de grâce.

Absolument pas déconcentré par son échec au contre-la-montre des Mondiaux du Yorkshire, où les conditions ne l’ont certainement pas amené à prendre le maximum de risques, Roglič sait que le niveau sera plus élevé sur le Tour de Lombardie que sur les courses préparatoires de cette semaine. Surtout, quelques autres garçons ont pris le temps de briller. Egan Bernal est le nouveau roi d’Oropa tandis que Michael Woods est devenu prophète au sommet de Superga, mais que ce soit au Tour du Piémont ou sur Milan-Turin, l’aigle slovène n’avait pas pris son envol, et ce délibérément. Impressionnant de sérénité et à l’aise dans tous les compartiments de la course, l’homme au maillot jaune finit l’année aussi fort qu’il l’a commencée. Et tous se sont cassés les dents sur lui, au moins une fois en 2019. Ajouter la Lombardie à la Vuelta ne sublimerait qu’un peu plus un exercice déjà brillant, avant une année 2020 qui le verra cohabiter avec Tom Dumoulin. C’est peut-être pour ça, d’ailleurs, qu’il souhaite à tout prix en montrer davantage.

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