Rendez-vous a été pris dans trois semaines, au Japon. Lors du Critérium de Saitama, Chris Froome réapparaîtra sur un vélo en public, plus de quatre mois après sa grave chute survenue au Dauphiné. Le Britannique, sans aucune ambition sportive, veut retrouver à l’autre bout du monde un peloton qui lui manque. Avant de se lancer à la quête d’un cinquième Tour de France, à bientôt 35 ans.

Ne jamais perdre de temps

Chris Froome s’est fait très rare, depuis cette grave chute au cœur d’une journée pluvieuse du mois de juin, lors de la reconnaissance du chrono du Dauphiné. Quelques tweets pour tenir au courant de sa guérison progressive, et une interview accordée au Telegraph, il y a quelques semaines, pour revenir sur ces multiples blessures qui auraient pu mettre un terme à sa carrière. Le Britannique a enfin mis des mots sur les évènements. Il reconnaît avoir un trou de cinq minutes, où il ne se rappelle de rien. « Ça me rend fou », dit-il. Mais il raconte surtout les heures et les jours qui ont suivi son arrivée à l’hôpital, avec tous les doutes qui planaient autour de sa capacité à remonter sur un vélo. « J’avais besoin de savoir si tout était réparable, si j’allais être capable de retrouver tous mes moyens, explique-t-il. Le docteur me l’a dit au bout de quelques minutes (lors de son réveil après l’opération, ndlr). A partir de là, j’ai accepté tout ce qui se passait et il n’était question que d’aller de l’avant. »

On commence à connaître le personnage. Un gamin né en Afrique, que rien ne prédestinait à remporter un jour le Tour de France mais qui l’a fait à quatre reprises, en faisant face, toujours, à un public qui le regarde de travers. Alors bien qu’amoché, touché aux côtes, aux vertèbres et au poumon, en plus d’avoir le fémur, la hanche et le coude cassés, Chris Froome comptait forcément se relever. Il a fallu prendre le temps, passer trois semaines à l’hôpital, d’abord à Saint-Etienne, puis à Monaco, avant une rééducation démarrée à Saint-Raphaël. Mais tout est allé très vite, comme souvent chez « Froomey ». Pas de perte de temps. Les marginals gains toujours intégrés à sa philosophie de vie. On n’imaginait pas le revoir en tenue de coureur cette année, mais lui y tenait. Il ne voulait pas attendre le début de la saison prochaine, alors il a coché le Critérium de Saitama, où il a désormais ses habitudes depuis son premier maillot jaune, en 2013.

Le Tour, toujours

Il n’y sera pas pour la compétition, seulement pour retrouver cette atmosphère qui lui manque tant. Il a regardé le Tour à la télé, heureux de pouvoir passer du temps en famille mais frustré de ne pas être sur la route. « Je suis reconnaissant d’être en vie, dit-il honnêtement, avant de poursuivre, inéluctablement. Je suis reconnaissant d’être sur la voie de la guérison, d’être capable de récupérer… » Comme si refaire du vélo ne comptait pas s’il n’était plus question de gagner. Le Britannique pense aux JO de Tokyo, difficiles et programmés à la fin de l’été. Mais à part ça, le Tour semble occuper tout l’espace. La quête d’une cinquième victoire qui le mettrait au niveau d’Anquetil, Merckx, Hinault et Indurain est plus forte que tout. C’est aussi un défi encore plus grandiose après son accident, qui le rapprocherait davantage du Belge et des Français que de l’Espagnol, plus robotique et moins enthousiasmant.

Chris Froome, malgré lui, a créé un nouveau chapitre, un brin dramatique, à une histoire déjà chargé. « Gagner un cinquième Tour est déjà quelque chose d’énorme en soi. Mais gagner un cinquième Tour après une chute qui aurait pu mettre un terme à ma carrière, ce serait encore plus grand. Il y a eu beaucoup de gens pour dire après ma chute ‘Il est fini. Il ne gagnera jamais un autre Tour.’ Ils ne font que me motiver davantage. » En son absence, le bonhomme a pu observer l’avènement d’Egan Bernal et le mercato actif d’une équipe comme Jumbo-Visma. On lui prédisait un sacré défi en 2019, ce sera encore pire en 2020. « L’histoire n’est pas de mon côté », reconnaît d’ailleurs Froome. Mais la clé de sa confiance est enfouie plus profondément. Elle ne tient pas compte de la concurrence, seulement de lui. « Le mot limite implique qu’il y ait une barrière à ce qui est réalisable. Je ne pense pas en termes de limites. » Il l’a déjà prouvé.

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