Les pavés des dernières semaines n’ont pas complètement balayé la hiérarchie des dernières années, mais ils ont laissé émerger de nouvelles têtes qui devraient durer. Peter Sagan et Greg van Avermaet, notamment, sont restés discrets, et la lumière s’est posée avec insistance sur Mathieu Van der Poel et Wout Van Aert.

Hiérarchie redessinée

Février 2017, nous titrions « On prend les mêmes et on repart ». Au soir du Het Nieuwsblad, comme un an plus tôt, Peter Sagan, Greg van Avermaet et Sep Vanmarcke s’étaient joués la victoire. Cela allait durer tout le printemps, puis encore celui d’après, en compagnie, le plus souvent, des Quick-Step. Le scénario était comme immuable, depuis trois saisons, et les fauteurs de troubles, qu’ils s’appellent Kwiatkowski, Hayman ou Valgren, n’ont jamais su s’imposer dans la durée. Alors, comme un paradoxe, on pourrait dire que tout n’a pas été si différent, cette année. A la seule lecture du palmarès, on a le sentiment que la bande à Patrick Lefevere a marché sur les classiques, encore une fois, et que si peu de choses ont changé. Bettiol était un nouveau venu, bien sûr, mais même Kristoff, dont la victoire était inattendue, est en fait un ancien de retour aux affaires. Un bilan en trompe-l’œil car ces trois dernières semaines, les lignes ont sacrément bougé.

Peter Sagan et Greg van Avermaet, trois monuments pavés à eux deux, ont comme laissé la place, courant après des victoires que leur statut demandait mais que leurs jambes ne savaient leur offrir. Le Slovaque a été malchanceux, au début, entretenant le suspense, et il est revenu à un niveau plus que correct, dimanche sur Paris-Roubaix. Mais ça n’a pas suffi et il a dit au revoir aux pavés avec un zéro pointé. Le Belge, de son côté, a impressionné lors de son numéro au GP E3, et il peut se cacher derrière une équipe défaillante, pour le reste. Mais son bilan n’est pas meilleur que celui de son grand rival. Surtout, d’autres garçons, pour certains au moins aussi isolés, et dans tous les cas bien moins expérimentés que le duo belgo-slovaque, ont fait la course avec flamboyance, pendant que les cadors annoncés étaient rendus au rôle d’observateur ou de chasseur vain, souvent occupés à prendre des relais inutiles dans le groupe des battus.

Chasser l’ancien monde

Mathieu Van der Poel et Wout Van Aert, 24 ans, ont volé sur les pavés comme ils le font habituellement sur les labourés, parfois ensemble, parfois chacun leur tour, évoluant à un niveau qu’on n’osait pas espérer, ou du moins pas tout de suite. Ils n’avaient pas tout à fait le même statut ni la même équipe, parce que le Néerlandais disputait sa première campagne de classiques et que le Belge, lui, avait déjà prouvé il y a un an qu’il faudrait compter sur lui. Mais ils ont été les deux sensations de ces flandriennes, et même encore privés de grandes victoires, ils ont assez démontré, en si peu de temps, pour que l’on ne s’inquiète pas de savoir si on les retrouvera véritablement au rendez-vous dans un an. On sait déjà que oui, comme Sagan et Van Avermaet savent désormais qu’ils ont de nouveaux challengers, plus jeunes que les autres, aux palmarès encore dégarnis sur la route, mais qui savent gagner, ils l’ont montré depuis plusieurs hivers.

Les deux cyclo-crossmen, qui ont vampirisé les cinq derniers titres mondiaux de la discipline, apprennent encore. Mais ils le font vite, et les galères qu’ils ont connu durant le printemps n’ont pas été un frein à leur éclosion – ou peut-être devrait-on dire explosion. Mathieu Van der Poel a sévèrement chuté sur le Tour des Flandres, ce qui ne l’a pas empêché de revenir avec les leaders et de prendre une impressionnante quatrième place à Audenarde. Wout Van Aert, une semaine plus tard sur Paris-Roubaix, a subi le jeu des crevaisons et des chutes, lui aussi, mais a su revenir à l’avant pour jouer la victoire, se disait-on, jusqu’à ce qu’il surchauffe et mette le clignotant, d’un coup, dans le final. Gagner tout de suite, pour ces deux-là, aurait de toute façon été un peu trop facile. Mais dans un monde où Philippe Gilbert remporte encore des monuments à 36 ans, ils sont l’autre versant. Ils sont le nouveau monde, qui n’a pas encore complètement chassé l’ancien mais qui compte bien s’y mettre rapidement.

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