Deux ans après le Tour des Flandres, Philippe Gilbert a accroché pour la première fois Paris-Roubaix à son palmarès. En lançant les hostilités à près de 70 kilomètres de l’arrivée, le puncheur devenu flandrien a tout fait exploser avant de conclure plein de sang-froid. Il a désormais remporté quatre des cinq monuments.
A la Gilbert
C’est pour ça qu’il était venu, qu’il avait quitté le confort de BMC pour rejoindre une armada Quick-Step où il n’aurait pas les pleins pouvoirs. C’est pour ça qu’il avait aussi accepté de baisser son salaire et de revoir sa préparation. Philippe Gilbert, il y a deux ans et demi, s’était mis en tête d’enfin dominer les flandriennes, d’accrocher ce Tour des Flandres qu’il aime tant, et pourquoi pas Paris-Roubaix, ensuite. Il a coché toutes les cases. On ne sait pas vraiment dire si ce dimanche, le vélodrome roubaisien est devenu le théâtre de son plus grand exploit. Parce qu’il y en a eu d’autres et que tenter de faire un classement relèverait du casse-tête. En revanche, il y a une dizaine d’années, s’il y avait une classique qu’on ne lui aurait pas prédit, c’était bien celle-là. En une décennie, le bonhomme est passé de monstre des ardennaises, auteur du triplé en 2011, à une machine tout-terrain qui a remporté les deux monuments pavés, comme Sagan ou Terpstra dans le peloton actuel.
Les flandriennes étaient son premier amour, il l’a souvent dit. Le Tour des Flandres, pour le Wallon, représentait une parenthèse enchantée dans sa saison, lorsqu’il y mettait les pieds. Paris-Roubaix était un peu plus à part, encore. Philippe Gilbert a découvert l’Enfer du Nord en 2007 avant de n’y revenir qu’en 2018, un an après avoir conquis le Ronde. Il était fasciné, mais drôlement inexpérimenté. Il avait terminé quinzième l’an passé et visiblement, cela lui avait suffit pour tout comprendre. Certains courent après toute une carrière, le Belge, lui, a dompté la Reine pour sa troisième tentative. A la Gilbert, comprenez une attaque lointaine, à plus de soixante-cinq kilomètres de l’arrivée, pour lancer une bagarre dont, généralement, il sort vainqueur. C’est comme ça, déjà, qu’il avait connu le succès sur le Tour des Flandres et l’Amstel, il y a deux ans. A 36 ans, le garçon est devenu un coureur différent, plus forcément le meilleur sur des efforts courts, mais quasiment intouchables sur la durée.
Le plus fort et le plus malin
« Je me suis lancé dans le boulot », disait le Belge à Roubaix, au moment de refaire le fil de la course et d’aborder le moment de son offensive. Chez Deceuninck-Quick Step, c’est souvent le premier qui attaque qui devient le leader, et le dicton s’est encore vérifié. Yves Lampaert s’est alors mué en lieutenant de luxe, parfois peut-être à contrecœur, pendant que Zdenek Stybar passait la journée au chaud dans le peloton des battus. A l’entrée du vélodrome, Gilbert jetait un dernier coup d’œil derrière lui : son plan avait fonctionné, au gré de décisions tactiques qu’il a semblé prendre seul, il a fait en sorte que son équipe travaille pour lui et que, surtout, la supériorité numérique de l’armada de Patrick Lefevere ne joue pas contre ses ambitions personnelles. Sa science de la course a fait la différence, encore, et au sprint, le valeureux Nils Politt, auteur d’une journée fantastique, n’a pu que s’incliner face à la justesse du Belge.
Longtemps, pourtant, on a cru que le duel final aurait lieu avec Peter Sagan. Tout aurait sans doute été plus difficile, au moins dans la tête. Dans le Carrefour de l’Arbre, d’ailleurs, le Belge et le Slovaque, épaule contre épaule, semblaient rentrer dans une bataille psychologique à l’approche d’une conclusion indécise. Finalement, l’ancien triple champion du monde a craqué juste après, dans le secteur de Gruson, à la surprise de ses adversaires, sans doute, tant il semblait facile un peu plus tôt. Les attaques de Philippe Gilbert auront été trop nombreuses et trop tranchantes pour un Sagan qui n’a fait que répondre, tant qu’il a pu, sans jamais essayer de contrer. Le Belge, en vérité, était simplement plus fort que le tenant du titre. Après une campagne discrète, à faire le lieutenant ou à jouer de malchance, parfois, Gilbert a répondu présent le jour où il fallait. Depuis qu’il a signé chez Quick-Step, il n’a d’ailleurs remporté que deux classiques pavées : le Tour des Flandres et Paris-Roubaix.
J attends l article sur la mauvaise strategie des Quick step qui ne font que 1,3,6 et 8 .. ahaha
Bah il me semble qu’on peut se rater une semaine et réussir celle qui suit, non ? Gagner Roubaix, ça ne leur rend pas le Tour des Flandres.
Donc si Gilbert avait fait 2eme de la course, ils auraient raté également paris Roubaix .. et leur saison !!! Ouf l honneur est sauf
Vous admettrez qu’aujourd’hui la Deceuninck a complètement maîtrisé sa course. Ce n’était pas le cas dimanche dernier. La deuxième place d’Asgreen est le petit bonsaï qui cache la forêt, là où une deuxième place de Gilbert aurait entraîné une autre forme de déception, celle de ne l’avoir pas mis au fond alors qu’ils avaient archidominé la course. Mais ce n’est que Science Fiction puisque Philippe Gilbert a gagné.
Si Deceuninck-Quick Step n’avait pas gagné, en effet, ce Paris-Roubaix n’aurait pas été une réussite pour eux. Quand on a leur collectif, leur savoir-faire, leur expérience sur les pavés, on prend le départ du Tour des Flandres et de Paris-Roubaix pour s’imposer, pas pour faire une place. Certaines équipes peuvent se satisfaire d’un podium, chez Katusha on a sûrement le sourire ce soir et il y a dû avoir un peu de champagne à l’hôtel. En revanche, si vous pensez que Gilbert aurait fêté une deuxième place, vous vous trompez franchement.
Mais ce n’est surtout pas comparable au Tour des Flandres. Asgreen n’était pas un des coureurs sur qui l’équipe comptait pour s’imposer. Il s’est retrouvé à faire une place parce que les autres ne roulaient plus dans le groupe des battus. Alors oui c’était bien vu et tant mieux pour lui. Mais la faillite était réelle, quand aucun des leaders n’est capable de peser sur la course et d’être dans la bagarre pour la victoire.
La où je ne suis pas d’accord avec votre analyse de la semaine dernière, c’est quand vous dites que Quick step a raté sa course! Tactiquement elle ne l’a pas raté, aucun de ses coureur n’avait les jambes pour suivre au tour des Flandres. L’équipe a même fort bien réussi en accrochant une 2e place. On peut recourir 100 fois la courses les coureurs dans la forme qu’ils avaient dimanche passé, ils ne la gagnent JAMAIS!
Gilbert c’était le chaînon manquant sur le ronde la tous les chainons sont en place la tactique marche et gagne. Stybar n était pas au chaud il faisait son job derrière. On dirait tu comprends pas la tactique des Deceuninck
Justement, Stybar son Job c’était de rester au chaud
Chez Deceuninck on Ne reste pas au chaud sur les flandriennes
Bah la preuve que si … Stybar on ne l’a pas vu de la course
Celui qui m’a le plus déçu sur les deux monuments flandriens, c’est Greg Van Avermaet, il a fait un bon début de saison (notamment sur le podium du Circuit Het Nieuwsblad et du GP E3), j’en avais fait mon favoris pour les deux monuments. Aujourd’hui, je ne sais pas s’il manquait de jambe, mais si ce n’est pas le cas c’est dommage, parce que vu la faiblesse de son équipe il devait suivre les offensives lointaines (le bon coup est en plus parti en trois temps, avec les attaques succesives de Gilbert, Van Aert et Sagan). Après, peut-être qu’il n’avait juste pas les jambes pour suivre
(Philippe Gilbert avait couru Roubaix en 2007 – ou 2009 – mais ne l’a pas découvert en 2018)
C’est bien 2007 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Paris-Roubaix_2007 (avec la Française des Jeux)
Je suis allé trop vite, merci de l’avoir noté.
Les Jumbo-Visma ont couru n’importe comment, je ne comprends toujours pas pourquoi il n’ont pas attendu Van Aert. Parce qu’il était sacrement fort aujourd’hui, à mon avis s’il avait été attendu il aurait clairement pu figurer sur le podium
Ils ne l’ont pas attendu peut-être parce qu’il était tellement fort qu’il ne voulait pas griller ses coéquipiers et les garder pour le final. J’ai bien du mal à trouver un autre argument possible…
un autre argument possible c’est des conflits graves dans l’equipe
Selon moi, c’est un peu dans l’ADN de l’équipe, ok pour protéger mais il n’y a pas vraiment de sens du sacrifice. Ils préfèrent assurer un résultat honorable que tenter le All-in. C’était assez flagrant sur le dernier Tour, Roglič et Kruijswijk ont chacun fait leur course sans se préoccuper de l’autre. Sur je ne sais plus quelle étape, je me souviens de Jalabert surpris de voir Kruijswijk rouler avec Froome dans sa roue alors que Roglič était devant.
La veille du CLM final il me semble.
Heureusement, Roglič avait gagné l’étape.
“la deceuninck quick step monstre sans tête” hahaha j’en ri encore ! Bravo à Gilbert pour cette grande victoire ! Lampaert fait aussi une très belle course et fini sur le podium . Sagan confirme qu’il n’est pas dans sa forme optimale , il lui manque un petit quelque chose .
La vérité d’une semaine n’est pas forcément celle de la suivante, on le savait. Sinon, on n’écrit pas du printemps et on publie seulement un bilan après Paris-Roubaix.
Je pense qu’aujourd’hui, Pat a de quoi savourer et je comprends le petit chambrage. Le monstre s’est divinement réveillé aujourd’hui.
En relisant l’article de Robin, je trouve que son but n’était pas de dézinguer la QuickStep (comme certains ont pu le faire ailleurs) mais plutôt de comprendre comment ils avaient pu autant se louper sur le Ronde, malgré la qualité des coureurs et du collectif.
Donc le commentaire de Pat est peut-être excessif dans la mesure où il ne devrait pas s’adresser à Robin, mais plutôt à tous les grincheux qui enterrent un coureur (ou une équipe) sitôt il rate une course (ou plutôt qu’il n’est pas à la hauteur des attentes qu’on avait en lui).
Et l’analyse de Robin reste toujours valide ce soir puisque le monstre n’a toujours pas de tête (au sens de l’article), malgré sa victoire aujourd’hui !
Deceuninck c est un monstre avec plusieurs têtes
Plutôt une hydre.
Certes, mais on a le droit de trouver votre analyse un peu trop sévère.
Là où je suis d’accord avec vous, c’est que, avant ce matin, leur leader avait failli dans le final des deux principales flandriennes jusque là (Viviani sur Gand-Wevelgem, puis Stybar sur le Ronde. Au passage, j’aimerais beaucoup revoir Gand-Wevelgem entre les deux monuments pavés, c’était mieux comme ça), donc en effet votre analyse n’était pas complètement fausse.
Maintenant, il y a plusieurs points sur lesquels je ne suis pas d’accord :
1) je trouve que, même pour Quick Step, un podium sur un monument, ça ne se balaye pas d’un revers de main, du coup dire que leur Ronde est un échec, vous allez un peu loin à mon goût
2) quoiqu’on puisse reprocher aux Quick-Step sur G-W et le Ronde (à nuancer), ça ne doit pas balayer leur excellent printemps : ils ont quand même gagner le week-end d’ouverture, le GP E3, les Strade Bianche et surtout MSR !
C’est de bonne guerre, nous savons tous que Robin a un petit faible pour Sagan et il ne s’en cache pas trop. Le titre de la semaine dernière, bien que bien trouvé, est assez dur pour les fans dont Pat fait partie et j’aurais été déçu si il n’en avait pas été fait référence aujourd’hui après cette maestria.
On peut débattre de tout. Mais il ne faut pas modifier l’analyse publiée lundi après le Tour des Flandres. Il n’était question que des flandriennes, donc pas des Strade Bianche et surtout Milan-Sanremo, qui sont évidemment de grandes réussites pour Deceuninck-Quick Step.
Vous avez raison mais je vous charrie un peu ! Quand on voit la course aujourd’hui on peut penser que si Gilbert avait été dans la forme d’aujourd’hui sur le Ronde la course des deceunink aurait été tout autre . Il y avait plusieurs leader mais pas vraiment un homme au dessus du lot . Ce dimanche le wallon était au top du top et cela a fait toute la différence .
il y a un vrai soucis Sagan, on se croirait revenu 4 ans en arrière quand la course faisait plus de 250 bornes , et qu’il ne pouvait conclure. je le voyais gagnant dans l’échappée de 6.
Quand a mon camarade EBH il court toujours ? jour de tristesse pour moi .
C’est différent d’il y a quatre ans à mon sens. Il y a quatre ans, ce qui lui manquait, c’était l’intelligence tactique. C’est un garçon qui a énormément de corde à son arc, et il avait un don pour utiliser systématiquement la mauvaise. Il avait également un problème de mental (cf milan san remo 2015 ou il panique et se met inexplicablement à rouler alors que la Katusha de Kristoff était prête à faire le taff)
Aujourd’hui, il n’avait juste pas les jambes.
Belle victoire de Gilbert mais je ne pensais pas si bien dire en prévoyant un Politt rejouer le coup de Dilier de l’an dernier. En voyant comment il était sur les flandriennes et sur le Tour des Flandres, pas difficile de prévoir que vu son gabarit et son style, Paris Roubaix allait lui convenir.
Sarreau et Laporte avaient vu le bon coup mais n’ont pas eu les jambes.Il y a une marge entre les Coupe de France et les World Tour! Quand on voit un Sénéchal 6ème,on se dit que ces deux là feraient mieux de signer chez Deceuninck rapidement.
Bon comportement des français dans l’ensemble mais Groupama et AG2R bien qu’en nombre n’ont pas réussi grand chose: la faute à Demare trop juste et Naesen trop passif?
Il n’y a pas non plus de place pour tout le monde chez QuickStep. Sénéchal a réussi à faire son trou (sa perf de l’année va l’encourager, et encourager ses DS, à persévérer dans cette direction), mais Sarreau et Laporte ont plutôt intérêt à continuer à progresser là où ils sont. Ils peuvent espérer avoir de plus en plus de responsabilités. Surtout Sarreau, qui a plus de marge de progression à mon avis et pourrait étendre son domaine d’action (d’autant plus si Démare continue à plafonner).
Un peu déçu par Naesen aussi, sur l’ensemble de la campagne flandrienne (MSR est à part). Il fait des placettes, mais il semblait avoir le potentiel pour peser davantage sur les courses.
Pour Sarreau (et la FDJ), il n’y a pas que Démare, mais aussi Küng (également né en 1993, par ailleurs) qui peut peser sur un Paris-Roubaix (ou les Flandriennes en général)
Sinon pour la petite histoire sympathique, le Car Podium, asso lilloise, sort chaque année une bière au pavé pour Paris Roubaix (Pat a sûrement goûté la Tommeke ;)). En 2019, ils ont baptisé leur bière “Edvaldas” après avoir vu le reportage avec Siskevicius qui roule au milieu des voitures pour finir coûte que coûte la course, même hors délais. Et bim, le lituanien fait top10 !
Gilbert fait un très beau vainqueur ! J’avais un peu de mal à croire que sa signature chez Quick Step et sa spécialisation dans les flandriennes seraient couronnées de succès. Il me semblait être sur une pente descendante depuis son apothéose en 2011, même s’il continuait de briller épisodiquement. Mais ce garçon a du caractère et Lefévère est un manager hors pair. Son expérience (en général, pas sur Paris-Roubaix, comme vous l’avez très justement rappelé), son endurance et sa finesse tactique ont fait la différence. Il se rapproche un peu plus de son rêve fou de gagner les cinq monuments.