Au milieu d’un beau plateau, deux hommes sont sortis du lot dès que la route s’élevait durant ce Tour de Suisse, même s’il ne faut pas clore l’affaire par précipitation. Il reste bien un contre-la-montre d’une trentaine de kilomètres demain, autour de Bellinzone, mais la hiérarchie s’est dessinée durant les trois étapes les plus difficiles. Parmi les hommes en évidence, un duo d’adversaires qui s’est rappelé à notre bon souvenir trois semaines avant le départ de la Grande Boucle. Porte, probable vainqueur de l’épreuve helvète, et Quintana, son dauphin actuel.

Discrétion et ponctualité

Nous les avions quitté en pleine année 2017 sur des déconvenues. Richie Porte, mal en point après une terrible chute lors de la neuvième étape du Tour lui ayant occasionné une fracture de la clavicule ainsi que du bassin, tandis que Nairo Quintana sombrait sportivement après un retentissant échec sur son doublé Giro – Tour de France. Par conséquent, les projecteurs se sont logiquement braqué sur Christopher Froome, Romain Bardet, Vincenzo Nibali, Tom Dumoulin, voire Alejandro Valverde et Mikel Landa pour les comparaisons de première moitié de saison. Il faut dire que pour revenir au plus haut niveau, leitmotiv qui vaut davantage pour l’Australien, les deux rivaux ont choisi de ne pas tirer des plans sur la comète trop tôt. Dimanche soir, le Colombien aura seulement 28 jours de courses dans les jambes, soit dix de moins que le récent vainqueur du Giro.

À chaque fois dans les temps, sans claquer de victoire pour autant retentissante, l’enfant de Tunja a attendu ce vendredi pour lever les bras en 2018, dans la station d’Arosa. Richie Porte, lui, s’était déjà imposé à domicile sur les pentes de la colline de Willunga, pour la cinquième année consécutive. Mais pour un champion de sa trempe, le besoin de tout reconstruire après une sortie de route n’est pas forcément évident. S’il n’a pas l’expérience d’un Valverde, il avait pu se rassurer à minima sur le Tour de Romandie, en montant sur la troisième marche du podium. Propulsé en haut de la feuille des temps grâce un chrono par équipes magistral de sa formation BMC, son contrôle sur le Tour de Suisse a résisté aux assauts de l’équipe Movistar, qui peut se targuer d’avoir réussi la coordination entre son grimpeur basque et sa star latino-américaine.

Favoris ou outsiders ?

D’ici le grand départ en Vendée, plein de choses peuvent évidemment se passer. Il serait bien utopique d’attendre une stricte reproduction des rapports de force entrevus sur le Dauphiné ou en Suisse dans la traversée alpine, qui démarrera entre Annecy et le Grand-Bornand. Mais la question risque de devenir de plus en plus insistante au fil des jours. Ces Porte et Quintana-là sont-ils des favoris à part entière du 102ème Tour de France, où des outsiders de luxe, au vu de leur standing ? Vainqueur à deux reprises sur trois semaines et deux fois deuxième du Tour en 2013 et 2015, Quintana ne pourra pas se permettre un nouvel échec, un an après une douzième place indigne de sa valeur réelle. Épaulé par Landa et Valverde, il rêve sans doute de mater les armadas collectives qui se dresseront en face de lui, au premier rang desquelles Sky, AG2R, et BMC.

Sur trente kilomètres d’ascension, dont douze possédant des pourcentages suffisants pour créer une différence, Quintana n’a repris que vingt-deux secondes à l’ancien gregario de Contador, Wiggins et Froome. La faute au vent de face, à des jambes pas encore au top, et à un Greg van Avermaet que l’on n’avait jamais vu à ce niveau dans des cols en haute altitude. Porte lui, s’est testé là où Quintana pensait vivre une journée tranquille, à Gommiswald. Dans ce final pour puncheurs long de trois kilomètres avec une pente avoisinant les 10 % à mi-montée, le requin de Tasmanie s’est levé de sa selle pendant plus d’une minute, dynamitant tout le peloton pour se créer un matelas de secondes conséquent d’ici la conclusion du Tour de Suisse. L’impression visuelle et physique, du côté des watts, était bel et bien au rendez-vous. Sérieux jusqu’au bout, le garçon a sans doute prévu de rééditer pareille performance en juillet. Il faudra alors s’accrocher.

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