Sans que l’on puisse savoir quelle a été sa part de responsabilité, Cyrille Guimard a réussi son coup. En annonçant d’abord quatre noms de la sélection tricolore pour les Mondiaux d’Innsbruck, il a laissé plané le doute sur les autres pour les pousser à se dépasser. Thibaut Pinot a finalement appris qu’il serait de la partie en fin de semaine dernière, le jour où il remportait sa deuxième étape sur la Vuelta.

Plus légitime que jamais

Ce n’est pas qu’il y avait des raisons de douter du Franc-Comtois, il y a encore trois semaines, mais le garçon n’avait pas encore prouvé qu’on pouvait avec certitude compter sur lui pour la fin de saison. Les championnats du monde en Autriche, montagneux, sont dans un coin de sa tête depuis longtemps, et le sélectionneur Cyrille Guimard le savait. Mais il a sans doute voulu le titiller, lui montrer qu’il devait mériter sa place. Dans le fond, on peut se demander si Pinot méritait d’être traité différemment de Julian Alaphilippe et Romain Bardet, annoncés parmi les quatre premiers noms. Parce qu’il parait clair que Guimard n’a pas sérieusement pensé à se passer d’un garçon tout proche de décrocher un podium, au mois de mai, sur le Giro. Mais dans la forme et a posteriori, il apparaît que c’était au mieux une très bonne stratégie, au pire qu’elle a été sans effet.

Sur les hauteurs des Lacs de Covadonga ou de Naturlandia, Thibaut Pinot a sûrement eu une pensée pour l’Autriche. Lors de son premier succès, il rendait évidente sa participation au Mondial. Lors du deuxième, quelques heures seulement après l’officialisation de sa sélection, il la légitimait aux yeux de tous. S’il n’a pas été en mesure de faire partie de la bagarre pour le maillot rouge, le Français a plus que rassuré sur sa forme avec deux victoires en altitude. Tout ce dont Guimard et ses coéquipiers de l’équipe de France avaient besoin. « J’ai peut-être fait mon meilleur grand tour, celui où j’ai pris le plus de plaisir », disait-il dimanche soir à Madrid. Après un Giro terminé dramatiquement, qui succédait déjà à un Tour de France chaotique, il avait besoin de ça, de trois semaines sans pression à simplement s’amuser en montagne. Il ne pouvait y avoir meilleure préparation pour Innsbruck.

Un rôle à définir

Dans les deux semaines qui viennent, Guimard va donc pouvoir décider quoi faire de Pinot sur le parcours autrichien. Avec Alaphilippe et Bardet, il possède trois leaders capables de l’emporter, trois hommes craints par le reste du peloton et susceptibles de briller dans différents scénarios. Impossible pour le moment de connaître la stratégie des Bleus, même si Julian Alaphilippe devrait logiquement être désigné leader numéro un. Mais le Pinot que l’on a vu sur cette Vuelta, offensif et virevoltant, offre de nouvelles possibilités. Sera-t-il libéré de toute consigne pour faire sa course comme il le sent ? Ou bien missionner pour partir de loin, semer le trouble et peut-être en profiter lui-même ? Ce sera à Guimard de choisir, et si les courses d’un jour ne sont pas la spécialité du Franc-Comtois, ses performances des dernières années sur le Tour de Lombardie montrent qu’il sait y faire lorsqu’une épreuve le tient particulièrement à cœur. C’est le cas de ces Mondiaux, dont il parle depuis le début de saison.

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