À trois étapes de la conclusion madrilène, la Vuelta est toujours des plus indécises. Le podium provisoire se tient en effet en moins d’une minute 30, et au sein du trio, un sacré néophyte. Enric Mas, virtuel troisième, réalise une course époustouflante, et semble encore monter en puissance. Mais qui est-ce ?

Un éclair alors qu’on promettait le désert

Qui disait que l’Espagne manquait de grimpeurs pour prendre succéder à une génération dorée qui a dominé le cyclisme des dix dernières années ? Là où une majorité d’observateurs s’alarmaient de l’absence présumée d’une relève aux Contador, Rodriguez, Sastre et Sanchez, Enric Mas surgit pour leur donner tort. Ce qui est sûr, c’est qu’un pays comme l’Italie s’arracherait pour posséder dans ses rangs un profil de son genre. Adoubé par Alberto Contador au fur et à mesure de ses échappées quotidiennes sur le Tour d’Espagne 2017, Mas possède d’abord des traits communs avec Alejandro Valverde. Tout comme l’actuel dauphin de Simon Yates, le garçon a gagné, beaucoup, chez les juniors. Et dès sa toute première course, à treize ans. Un contre-la-montre auquel son club, l’un des meilleurs de la communauté de Valence, l’inscrit. Installé sur sa selle, l’Espagnol n’a jamais peiné pour obtenir des résultats.

Fan de basketball, l’enfant des Baléares a découvert le vélo lors d’une banale sortie entre amis. Un coup de foudre payant qui convainc rapidement ses parents, prêts à d’importants sacrifices pour permettre à leur gamin d’atteindre les sommets. Doté d’une semi-indépendance dans sa vie quotidienne, Mas sillonne le pays et dispute la quasi-intégralité des trophées amateurs de la Couronne. La suite est brillante, avec une promotion dans la prestigieuse fondation Contador, avant de s’illustrer sous les couleurs de Klein Constantia, la réserve de Quick-Step. Il y remporte Tour d’Alentejo et le Tour de la Vallée d’Aoste, devançant nettement d’autres talents comme Pavel Sivakov, Tao Geoghegan Hart ou ses actuel coéquipiers Maximilian Schachmann et Jhonathan Narvaez, loin d’être manches. Alors c’est tout naturellement qu’en vue de la saison dernière, il signe son premier contrat chez les grands, avec Quick-Step.

Une ascension vertigineuse

Perçu comme le futur leader ibère sur trois semaines, loué pour ses qualités de récupération et son agilité sur le vélo, Enric Mas a pourtant connu une première saison en World Tour difficile. Le fameux temps d’adaptation, avec toutefois pour meilleur résultat une deuxième place au général du Tour de Burgos, derrière Mikel Landa. Troisième d’une étape de la Vuelta en baroudeur dans la foulée, Mas n’avait pas la caisse pour jouer le général. Un bilan somme toute très correct, mais le natif d’Artà n’est pas né sans ambition. Il en « attendait plus », d’après ses propres mots. Et s’il avouait être légèrement anxieux à l’idée de porter le flambeau du retraité Contador, l’ancien champion d’Espagne espoir du contre-la-montre s’accordait sur l’idée de courir pour offrir du spectacle aux fans. À 23 ans, il est toutefois difficile de se lancer dans des numéros improbables. Et c’est un Enric Mas défensif, suiveur, qui impressionne.

Vainqueur de l’étape reine du Tour du Pays Basque au sommet d’Arrate, il s’adjuge dans la foulée les Hammer Classic avant de s’emparer de la quatrième place d’un Tour de Suisse relevé, dominé par Richie Porte et Nairo Quintana. Et sur la Vuelta, il s’améliore de jour en jour, perdant très peu de temps. Bon rouleur, comme l’attestent ses références à l’adolescence, ce poids plume de 61 kilos calque sa course sur celle d’Alejandro Valverde. Très solide dans la rampe finale du Monte Oiz, en pleine Biscaye, Enric Mas est devenu un candidat plus que crédible pour le podium à Madrid. Des prouesses que la Vuelta facilitent généralement. S’il n’affichait pas d’ambitions particulières au départ, humilité oblige, l’intéressé déclare désormais viser le podium « au minimum ». Peut-il encore faire mieux et franchir une barrière supplémentaire en soixante-douze heures ? Dans le pire des cas, Patrick Lefevere pourra toujours se consoler en se disant que sa formation compte déjà soixante-trois succès cette année. Et surtout, qu’il tient un homme capable, peut-être, de lui apporter à l’avenir une première victoire sur trois semaines.

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