Premier coureur à conserver sa couronne sur le Tour d’Oman depuis Christopher Froome en 2014, Alexey Lutsenko a fait forte impression au Moyen-Orient. La faible adversité ne doit pas conduire à sous-estimer ses performances ni le caractère du Kazakh, qui continue de s’affirmer comme un élément incontournable de son équipe. Ses limites restent encore inexplorées.

Une semaine euphorique

Pour sa reprise, il était bien difficile de savoir dans quelle condition figurait l’homme des steppes. Très attendu en sa qualité de tenant du titre, les observateurs ne manquaient pas de rappeler que son succès était partiellement dû à la bonne conduite collective durant l’ascension de la Green Mountain en 2018. Son leader, Miguel Angel Lopez, ne l’avait pas attaqué, et lui avait laissé la victoire au général, le Colombien se contentant de l’étape. Cette année, le natif de Petropavl ne souffrait d’aucune concurrence interne, mais d’aucune aide, non plus, du coup. Et il n’a pas attendu l’étape reine pour faire la différence. En remportant trois des six étapes, toutes en solitaire, et le classement par points, il a survolé l’épreuve et logiquement ramené le maillot rouge. Le pauvre Fabien Grellier, échappé lors de l’étape qui menait à Green Mountain, pourra témoigner du coup de pédale insatiable de celui qui a très vite endossé le costume du patron.

Transcendé à l’idée de rendre hommage aux deux fausses couches de sa femme ? Galvanisé par l’excellent début de saison d’Astana, qui compte déjà dix victoires avec six coureurs différents ? Il y a certainement un peu de tout ça chez Lutsenko, en plus d’un talent naturel indiscutable. Chaque année, le puncheur-baroudeur progresse et se teste dès qu’il en a l’occasion. Parti au pied de la Montagne Verte pour rattraper les fuyards qui ouvraient la route, le maillot rouge de l’épreuve a battu de six secondes le temps de son coéquipier sud-américain de l’an dernier. C’est malgré tout une minute de moins que Froome en 2014, et 1’05’’ plus lent que Rafael Valls, recordman en 2015. Mais intéressant dans l’optique de ses prochains objectifs.

Sera t-il le nouveau Vinokourov ?

Inévitablement, la comparaison entre le champion du Kazakhstan et son illustre aîné et manager Alexandre Vinokourov est ressortie dans la semaine. Champion du monde espoirs à Valkenburg en 2012, Lutsenko a fait ses armes et agrandi son palmarès en ne ménageant pas les offensives, dignes des baroudeurs les plus expérimentés. Victoire d’étape sur le Tour de Suisse, en Autriche, sur Paris-Nice, sacré aussi bien dans le contre-la-montre que dans la course en ligne des Jeux Asiatiques de Jakarta, son succès le plus parlant pour le grand public reste cette cinquième étape du Tour d’Espagne 2017, à Alcossebre, en piégeant notamment Marc Soler et Matej Mohoric. Mais il reste du boulot : à 26 ans, “Vino” gagnait le Critérium du Dauphiné. Lutsenko pourrait d’ailleurs prendre un chemin différent : explosif dans les ascensions sèches et brèves comme Alcossebre ou Qurayyat, Lutsenko semble taillé pour les classiques ardennaises.

« J’aime vraiment l’Amstel Gold Race , déclare-t-il à Cyclingnews. J’adore la dernière ascension de l’Amstel, c’est mon point fort. Je pense que Liège-Bastogne-Liège est aussi une bonne course pour moi. » C’est sur les pentes du Cauberg qu’il avait décroché son sacre chez les U23, et il faut dire que la maison Astana ne manque pas de savoir-faire pour triompher sur la montée néerlandaise. S’ils ont changé d’équipe ces dernières saisons, Michael Valgren et Enrico Gasparotto lui ont montré la voie. Et Vinokourov, vainqueur en 2003, n’est pas en reste. Miguel Angel Lopez concentré sur les grands tours, Lutsenko pourrait être propulsé leader sur ses courses favorites s’il venait à signer de nouveaux résultats sur Tirreno-Adriatico. Les organisateurs sont revenus à l’ancienne formule, sans arrivée au sommet, tout en conservant la même part de contre-la-montre. « Il n’y a pas trop de côtes, il y a un contre-la-montre. Pour moi, c’est parfait », a t-il annoncé après avoir été invité à décliner ses prochaines échéances, qui comportent les Mondiaux du Yorkshire. Lars Michaelsen, son directeur sportif, le voit toutefois plus sur ces courses d’une semaine que sur les classiques, où il a encore à travailler la science du placement. Nul doute qu’il saura trouver le terrain le plus adapté pour exprimer l’étendue de ses qualités.

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