Champion du monde du chrono et vainqueur de Paris-Roubaix dans les catégories jeunes, concentré sur les grands tours depuis qu’il est professionnel, Bob Jungels semble encore se chercher, à 26 ans, et sa victoire sur Liège-Bastogne-Liège, l’an dernier, vient sauver deux années mitigées chez Quick-Step. Mais ce succès vient aussi semer le doute dans les objectifs du Luxembourgeois, qui à vouloir gagner partout, prend le risque de terminer les mains vides.

Des limites évidentes

Après avoir fait ses armes chez RadioShack et Trek, Bob Jungels signe fin 2015 dans l’armada de Patrick Lefevere. En rejoignant une équipe totalement tournée vers les classiques, il s’assure alors une liberté dans les grands tours. Mais, revers de la médaille, il paye également le désintérêt de son manager pour les courses de trois semaines en étant très peu entouré lorsque la route s’élève. Pourtant, sa première saison est plus que prometteuse. Il se hisse sur le podium de Tirreno-Adriatico puis enchaîne avec une sixième place sur le Giro. En 2017, il termine également dans les dix premiers de la course rose (8e) avant une anecdotique 11e place l’été dernier, sur son premier Tour de France. Des accessits intéressants, mais rien ou presque qui laisse envisager que le Luxembourgeois puisse aller titiller les habituels protagonistes pour la victoire finale, en Italie, en France ou même en Espagne.

Parce que le constat est limpide : certes, Jungels n’a que 26 ans, mais il stagne en montagne. Pire encore, beaucoup de coureurs qui au profil de rouleur-grimpeur similaire au sien lui sont aujourd’hui supérieurs quand il s’agit de grimper, mais surtout dans le contre-la-montre. Un exercice qui à l’origine était son point fort sur trois semaines et qui devait lui permettre de faire des différences pour s’approcher du podium. Enfin, un dernier obstacle a fait son apparition lors de la dernière Vuelta : Enric Mas. En terminant deuxième du classement général dès sa deuxième participation à un grand tour et à seulement 23 ans, l’Espagnol a frappé un grand coup et il apparaît logique que Deceunick – Quick Step mise sur lui davantage que sur le Luxembourgeois.

L’ambition de gagner presque partout

Mais au milieu de cette analyse plus que mitigée, Jungels ne répond pas tout à fait au stéréotype de l’espoir qui peine à franchir un cap. Sa victoire l’an passé sur Liège-Bastogne-Liège a rappelé ses énormes qualités et surtout rouvert le débat quant à l’orientation de sa carrière. « Dans sa jeunesse, il était l’un des meilleurs talents dans les courses d’un jour, rappelait à l’époque son manager Patrick Lefevere. Il a perdu un peu en passant pro chez Trek, mais avec nous, il revient à la surface. Il rêve des courses wallonnes. » La satisfaction d’un manager qui aimerait voir son poulain se consacrer un peu plus aux classiques ? Sans doute. Et les ambitions du Luxembourgeois évoluent petit à petit. « J’ai beaucoup parlé avec Tom Steels (directeur sportif de Deceuninck – Quick Step, ndlr) et il m’a convaincu que je pouvais faire de belles choses sur les flandriennes, racontait récemment Jungels à Cyclingnews. Quand un directeur sportif comme Tom vous convainc de courir ces courses, c’est qu’il a quelque chose en tête. »

Reste un défi à relever : celui de ne pas s’éparpiller. Plus qu’une remise en question de ses objectifs, Jungels, avec sa victoire à Liège, a simplement élargi ses horizons. Avec le risque de se manquer partout. « Je n’ai pas perdu mon ambition de jouer les classements généraux, même si je suis un peu plus concentré sur les courses d’un jour, précise-t-il. Je suis convaincu qu’il est possible de combiner les deux. On l’a vu avec Geraint Thomas. Il a gagné le GP E3, a performé sur Paris-Roubaix, puis il a gagné le Tour. » La comparaison peut sembler bancale, mais Jungels n’a pas l’air de vouloir en démordre. Cette saison, il cumulera classiques flandriennes (jusqu’au Tour des Flandres), puis sans doute Liège, pour défendre son titre, et Giro. Un sacré bloc de courses, qui devrait en dire un peu plus sur ce qu’il est vraiment à même de viser.

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