Tous les deux sont nés en 1976, sont Espagnols et ont ramené le maillot blanc du Tour de France au tout début du siècle. Francisco Mancebo et Oscar Sevilla, 42 ans chacun, profitent de ce début de saison pour se mettre en évidence et nous plonger dans une flopée de souvenirs. Ils n’ont plus tout à fait les mêmes jambes, ni les mêmes aspirations. Mais penser à l’un, c’est penser à l’autre.

Du maillot blanc à l’affaire Puerto

Raconter l’histoire de Mancebo, c’est presque raconter celle de Sevilla. Et inversement. Du moins sur les dix premières années de leur carrière. La révélation, d’abord. Elle intervient sur le Tour de France 2000 pour « Paco ». A 24 ans, le Madrilène reprend chez Banesto le flambeau d’un Alex Zülle qui entame son déclin. Neuvième à Paris, maillot blanc du meilleur jeune, il est un grimpeur supplémentaire dans l’armada espagnole qui rêve de faire vaciller Lance Armstrong. Un an plus tard, il est ainsi aux premières loges pour voir éclore Oscar, qui doit jongler chez Kelme avec la présence de Santiago Botero, mais qui lui aussi, prendra le dessus sur son supposé leader. A l’Alpe d’Huez, Sevilla illumine la montée, seulement devancé par Armstrong, Ullrich, Beloki et Moreau. Et juste derrière lui se trouve Mancebo. Au palmarès du maillot blanc, Oscar succède donc à « Paco », qui n’a pas réussi à faire aussi bien que l’année précédente, mais se défend malgré tout.

Dans leurs meilleures années, Mancebo et Sevilla attrapent tout ce qui passe. Ils sont un peu justes pour remporter un grand tour mais s’en approchent tous les deux. Mancebo termine 4e du Tour et 3e de la Vuelta, Sevilla, lui, accroche même une deuxième place sur les routes espagnoles, seulement battu de 47 secondes par Angel Casero en 2001. Mais ces deux-là ne monteront pas plus haut. Et ils tomberont bien bas. En 2006 éclate l’affaire Puerto. « Paco » et Oscar sont des clients réguliers du Docteur Fuentes. Ils sont exclus du Tour quelques jours seulement avant le départ. « Si toutes les équipes devaient respecter le code éthique pour être au départ, seul Jean-Marie Leblanc y serait », s’emporte Mancebo. Mais le mal est fait. Mancebo a 30 ans, Sevilla doit les fêter dans quelques mois, et leurs carrières respectives viennent de prendre un tournant. Plus jamais on ne les reverra sur le Tour de France, ni même sur le Giro ou la Vuelta.

Chacun son exotisme

Pour les deux Espagnols, l’heure est à la reconstruction. Ils essaient de passer cette étape ensemble, en 2007, dans une équipe espagnole de deuxième division. Sur le Tour de Catalogne, ils terminent 5e et 6e. Oscar Sevilla remporte même la Route du Sud, quand Mancebo termine quatrième. Mais le climat est délétère et ils comprennent rapidement que leur nouvelle carrière ne se poursuivra qu’en s’exilant. Mancebo se perd une année au Portugal, avant de rejoindre Sevilla chez Rock Racing, une équipe américaine. Deuxième saison commune, sans grand exploit cette fois. Puis Sevilla fait le grand saut en 2010, décide de faire une croix sur le circuit européen et part courir en Colombie. « La meilleure décision de ma vie », dit-il aujourd’hui. Là-bas, il s’épanouit, gagne quelques épreuves sud-américaines, acquiert la nationalité colombienne. « J’aurais pu rester en Europe mais j’ai préféré m’en aller ici, vivre une vie plus heureuse en Colombie, même si cela supposait de tirer un trait sur un meilleur salaire », expliquait-il récemment à L’Equipe.

Même quarantenaire, il n’est pas ridicule. En 2018, il termine deuxième du Tour de San Juan, avant d’être déclaré vainqueur sur tapis vert. Sacré paradoxe. Cette année, venu pour défendre son titre, il termine troisième derrière Anacona et Alaphilippe. Pendant ces années, Francisco Mancebo a davantage eu la bougeotte. Il est allé tâter le terrain en Grèce, en République dominicaine et surtout aux Emirats arabes unis, pendant trois ans chez Skydive. Il a écumé le circuit asiatique, gagné au Japon ou en Malaisie. Il continue de venir en Europe, parfois, pour des épreuves espagnols qu’il affectionne, et au mois de janvier, il a remporté le Tour des Philippines. « A mon âge, je cherche un calendrier qui me plaise, des courses que j’aime, disait-il il y a un an à Marca. Courir des épreuves en Espagne, mais aussi dans des pays exotiques, je cherchais un peu ça. Pour ne pas oublier le niveau et profiter des voyages. » A 42 ans, les deux grimpeurs semblent donc épanouis. Chacun à leur manière. Sans frustration, juste l’amour du vélo. Et pour nous, le bonheur de se remémorer le passé.

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.