Et si la “Doyenne” était pour lui ? Aérien depuis sa reprise au Tour de Murcie, Jakob Fuglsang a touché du doigt la gagne sur les Strade Bianche, l’Amstel Gold Race et la Flèche Wallonne. Que se serait-il passé si un certain Julian Alaphilippe ne s’était pas dressé en travers de sa route ? Nul ne le sait, mais les progrès du Danois sur les Ardennaises impressionnent.

La chance d’une vie ?

Jamais Jakob Fuglsang n’aura semblé aussi proche d’inscrire son nom au palmarès d’un Monument. Plutôt attiré par les grands tours que par les classiques d’un jour, cet ex-espoir du cyclisme mondial possède désormais une expérience du mois d’avril longue comme le bras. Ainsi, sur Liège-Bastogne-Liège, il a toujours été aligné au départ depuis ses débuts professionnels, sauf en 2012 à cause de blessure. C’était aussi l’une de ses moins bonnes saisons. Car que ce soit sous les couleurs de Saxo Bank, Leopard, Radioshack ou Astana, le garçon a toujours joué un rôle prépondérant tout au long des 250 kilomètres de course. Équipier de luxe des frères Schleck pendant quatre saisons, il n’a cessé de côtoyer d’autres coureurs d’importance chez les Kazakhs. Scarponi, Gasparotto, Nibali, Iglinskiy, tous ont pu compter sur un grand Fuglsang à un moment où un autre. Et dans une formation venant de réaliser un début de saison tonitruant avec pas moins de 22 victoires, le vainqueur du Critérium du Dauphiné a réussi l’exploit d’endosser le leadership interne.

Regardons la composition de l’équipe aux tuniques bleu ciel pour dimanche. Tous peuvent légitimement réclamer un bon de sortie, et nul doute qu’Alexandre Vinokourov, lauréat en 2005 et 2010, saura trouver les mots justes pour motiver ses troupes. Mais quand Deceuninck-Quick Step a systématiquement favorisé le premier qui attaque sur les dernières flandriennes, Astana a choisi de consacrer le plus fort à la pédale, et rien que ça. En 23 jours de course, Fuglsang n’a terminé que neuf fois en dehors des dix premiers – dont un chrono par équipes -, sans compter les classements généraux qui lui réussissent sans distinction. Vainqueur de la Ruta del Sol et de la cinquième étape de Tirreno-Adriatico, son bilan sur les trois seules classiques disputées est encore plus élogieux. Deuxième des Strade Bianche, troisième de l’Amstel Gold Race et encore second sur la Flèche Wallonne mercredi. Il ne lui manque qu’une victoire pour conclure une première partie de saison presque parfaite.

Une conclusion logique

Si personne n’attendait Bettiol à l’arrivée du Tour des Flandres, ou n’osait croire à un succès de Mathieu Van der Poel dimanche dernier, le sacre hypothétique du Danois sur les quais de Meuse n’aurait rien d’une surprise. Quatrième du Tour de Lombardie en 2010 et de l’Amstel en 2011 lors de sa première partie de carrière, il a depuis terminé à deux reprises dans le top 10 de la plus ancienne des classiques. Le nouveau tracé peut également lui ravir. La côte de Saint-Nicolas et le mur d’Ans supprimés, l’ascension de la Roche-aux-Faucons fera office de juge de paix, avant quinze derniers kilomètres en faux-plat descendant. Passer à l’attaque plus tôt qu’à l’accoutumée semble un point de passage obligé pour éviter un fâcheux retour de l’arrière.

Et même après l’escapade néerlandaise où l’on a vu Fuglsang et Alaphilippe passablement frustrés, les deux larrons ont continué de se respecter. L’un et l’autre sont sans doute les meilleurs alliés qui soient, tant ils paraissent une jambe au-dessus de la concurrence. Certes, la réalité du Mur de Huy n’est pas celle de Liège, mais sauf circonstances de course exceptionnelles, personne ne semble en mesure de leur disputer la gagne en un contre un. Une finale qui fait déjà saliver. À moins que le battu d’hier ne se décide à poignarder son sympathique bourreau, et n’aille s’imposer en solitaire. Pointé du doigt après son Critérium du Dauphiné 2017 pour son manque d’ambition supposé, Fuglsang semble s’être enfin métamorphosé pour enterrer le personnage mal à l’aise avec son monde que l’on avait pu décrire. S’il ne gagnera probablement jamais un grand tour, la Doyenne lui fait de l’œil. Et c’est déjà une sacrée performance.

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