Mythique, l’enchaînement Aspin-Tourmalet-Aubisque n’a pas été escamoté, ce que beaucoup craignaient. Il faut dire qu’après le récital de Thomas en deuxième semaine, les candidats aux premières places ne pouvaient pas continuer de subir éternellement. Tous ont tenté quelque chose. Sans réussir pour autant à redessiner un classement général verrouillé.
Le Tourmalet honoré
Depuis 2010, le col du Tourmalet, peu importe le versant par lequel on l’escalade, n’a jamais été d’une quelconque utilité pour les favoris du Tour. Souvent placé en début d’étape, le géant des Pyrénées s’est construit de manière éphémère le costume du tournant de la course. Une offensive téléphonée d’Ilnur Zakarin, un contre bien plus saignant signé Mikel Landa à la sortie de Barèges, et voilà que Romain Bardet se joint à la fête. Devenu quatuor en compagnie de Rafal Majka, ce groupe a rapidement creusé l’écart sur une équipe Sky, certes gestionnaire, mais moins efficace que ces derniers jours. Poels faisant l’élastique, les tacticiens en chef du navire britannique ont savamment déplacé la pression sur les épaules d’une formation LottoNL prise au piège pour sauver ses positions, lorsque l’écart dépassa furtivement la barre des trois minutes. Le scénario de l’étape, indécis dès le départ, a plongé dans une folie relative qui n’avait pas jusqu’ici pareillement saisi les observateurs, restés sur leur faim.
Le groupe maillot jaune très rapidement écrémé, les fuyards en ligne de mire, ceux qui n’étaient pas encore entrés en scène n’ont pas eu besoin d’emprunter les coulisses pour se mêler au jeu. Tom Dumoulin, bien seul, a tenté dans le col du Soulor à deux reprises. Mais le plus fort en troisième semaine était indéniablement Primoz Roglic, qui a démarré son sprint infernal au pied de l’aérodrome de Mende. Profitant de son équipier Steven Kruijswijk pour changer de rythme, le nouvel épouvantail des courses d’une semaine – il s’est imposé au Pays Basque et en Romandie – vient de prouver qu’il était également un os lorsque l’épreuve dure quinze jours de plus. Celui qui n’aime pas courir derrière, mais s’isoler en tête de fronton, n’a pas failli à sa réputation, et s’est illustré en descente, là où il avait conquis son premier bouquet français à Serre-Chevalier, en bas du Galibier, il y a un an. Mais jamais le garçon n’aura imaginé décrocher plus que l’étape, aujourd’hui.
Thomas indétrônable
Les deuxième, quatrième, sixième et septième du général ont tenté le tout pour le tout pour faire vaciller leur bête noire, l’équipe Sky. Si Christopher Froome ressemble plus à un agneau qu’au loup prédateur du Finestre, Geraint Thomas fait l’affaire dans le rôle du tueur à sang froid. Aucune des multiples accélérations entrevues ne l’a directement mis en difficulté, au contraire du quadruple vainqueur de la Grande Boucle, bien chanceux de rester en lice pour un podium dimanche soir. Assis sur sa selle, Thomas a impeccablement suivi. Sans bondir sur ses concurrents tel un chien de berger, mais avec la patience et la confiance d’un homme sûr de ses forces et de l’insuffisance des manœuvres proposées. Le Gallois, qui maintenait « se sentir bien », n’est pas de la trempe d’un simple leader de passage. Aucune défaillance, aucun moment de flottement. Du travail rondement mené, qui n’aura pas empêché les autres d’y croire à tour de rôle.
Au classement général, Tom Dumoulin paraît plus que jamais parti pour réaliser un exploit des plus ironiques et dont il se passerait sans doute bien, à savoir aligner deux deuxièmes places de suite en lieu et place du doublé Giro-Tour visiblement moins impossible qu’on ne le pensait. Primoz Roglic, lui, a beau avoir repris régulièrement du temps depuis une semaine, son débours sur Thomas (2’24) reste trop grand pour espérer plus qu’un podium. Surtout qu’il faudrait, pour ça, qu’un Sky craque sur le Tour, maillot jaune sur le dos. C’est à dire du jamais vu. De fait, Dumoulin, probable futur dauphin de Thomas, préférait pester contre l’aide prétendument reçue par Roglic dans le sillage d’une moto, ce vendredi. Signe que l’affaire semble entendue et acceptée. Dave Brailsford est sur le point de remporter le Tour avec un troisième coureur britannique différent. “Well done”.
Mine de rien, c’est un podium que j’aurais eu du mal à prédire. En dépit d’une domination Sky en tant que collectif, j’aurais jamais misé sur Geraint Thomas malgré son ambition. Pour la simple et bonne raison que Froome semblait désigner leader ET pouvait réaliser 2 exploits : le doublé Giro-Tour + 5ème Tour. Pour Tom Dumoulin, qui sortait aussi du Giro, je le voyais au mieux 6ème avec un craquage en 3ème semaine. Au final, si il arrive à conserver sa place demain, il aura réalisé une année exceptionnelle et le plus souvent seul, sans équipe. Sans compter le petit débours de 50 secondes qu’il se prend en première semaine. Avec une équipe (enfin) forte, il pourrait en gagner un. Primoz Roglic, j’en parle même pas. Il a réussi sa transition entre les courses d’une semaine et un Grand Tour. Malgré le bloc Sky qui a tué le suspense, j’aurais jamais vu Froome hors du podium. Et Romain Bardet n’aura rien à se reprocher. Il reste incroyablement régulier et va finir dans un top 10 qu’il n’a jamais quitté depuis 5 éditions successives ! 6ème en 2014, 9ème en 2015, 2ème en 2016, 3ème en 2017 et sans doute… Lire la suite »
Je n’aurais pas non plus parié sur un podium Thomas – Dumoulin – Roglic. Ça reste reste quand même une petite surprise de voir ces trois devants…
En effet, cette étape valait le détour ! Probablement la plus mouvementée du Tour ! Roglic m’a émerveillée. Toujours à l’attaque, de toutes les manières possibles, c’est un beau vainqueur d’étape. Il mériterait une deuxième place. Dumoulin me plaît moins mais il a quand même fait une très bonne étape, un très bon Tour. Le pauvre, que ça soit sur le Giro ou ici, il a toujours un Sky devant… Et Froome ! Je n’arrive pas y croire. J’étais persuadée qu’il allait renverser la table ! C’est vraiment inhabituel de le voir dominé comme ça. Est-ce la fin d’un cycle ? Certainement pas. Un enchaînement Giro-Tour difficile ? Dumoulin s’en est pourtant bien sorti. Une volontaire mise en retrait pour se faire “oublier” ? Voilà que je vire parano. Mais quand un Sky n’est pas bien, il y en a un autre : Thomas est impressionnant. Difficile d’imaginer en le voyant courir aujourd’hui qu’il n’a jamais fait de Top 10 sur un GT. Attention ! Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit ! Je n’ai pas envie de rentrer dans le débat stérile du dopage, je pense plutôt que l’explication tient dans le fait que la… Lire la suite »
Si Froome avait gagné ce Tour, il aurait remporté 4 grands tours de suite en l’espace de 13 mois (Tour-Vuelta-Giro-Tour), ce qui aurait été un exploit monstrueux. Il est donc humain, et ça reste logique qu’il soit un poil moins bien.
Bien sûr, mais vu le talent du bonhomme, on en vient parfois à oublier qu’il n’est pas invincible.
A la Rosière, par exemple, je le voyais d’une facilité déconcertante. Ou même sur l’ensemble réussi jusqu’au Portet.
Eh ho ! Vous trois ! Vous êtes le “french fan club” de la Sky ou quoi ?! Je plaisante ! ;)
Non non, pas de fan club. J’essaie d’être objective : Froome connaît sa première vraie faiblesse depuis des années sur le tdf mais ça reste un immense coureur.
Et je ne pense pas que dire que la Sky est à des années-lumière de tout le monde est dénué de sens.
Ils ont un gros budget et donc d’excellents coureurs, une stratégie infaillible, une préparation minutieuse et efficace.
Et ils utilisent à merveille la technologie disponible (les capteurs puissance… )
Alors bien sûr, ça donne un Tour de France verrouillé mais on ne peut pas leur reprocher d’être meilleurs que les autres. :-)
Mon trio gagnant pour ce Tour ( voir commentaire d’avant Tour) : 1 Roglic, 2 Dumoulin, 3 Bardet. (J’éliminais d’office tous les Sky, ce qui était téméraire, mais j’espérais naïvement un petit sursaut d’honnêteté de leur part ;-) Par contre, comment s’étonner de la présence de Dumoulin ?! Et Roglic n’est une surprise que pour ceux qui ne suivent pas vraiment le vélo (voir, entre autres, les excellents articles de “Chronique du Vélo” qui lui sont consacrés :-)
Quant à moi, mon pronostic était Bardet ( sentimentalement) Dumoulin et Roglic. Même raisonnement que pour les Sky. Je faisais aussi la croix sur le contre la montre, point faible difficilement surmontable pour Bardet, hélas.
Le titre est excellent. Vraiment bien trouvé :)