Cette première étape était promise aux sprinteurs et aux amateurs des anecdotes traditionnelles d’un grand départ. Le folklore, presque redondant, a cédé sa place comme prévu aux ambitieux dans les dix derniers kilomètres. Mais sur un terrain qui n’avait en l’apparence rien de piégeux, une pléiade de favoris a déjà commencé son aventure du mauvais pied. Tout le contraire de Fernando Gaviria, deuxième maillot jaune colombien de l’histoire.

Sans round d’observation

Même tunique, même fusée, mais un finisseur différent à la clé. La recette Quick-Step se porte toujours aussi bien sur les plaines du Tour de France, et Fernando Gaviria en est la parfaite illustration. Récupérant les habits sur-mesure précédemment confiés à Marcel Kittel, l’ancien pistard est venu donner une leçon à son ancien coéquipier dans la ligne droite de Fontenay-le-Comte. Fumant la pipe pendant que la majorité du peloton écrasait les dents sur le guidon, le vainqueur du jour n’a pas eu besoin d’un quelconque temps d’adaptation sur la Grande Boucle. Pour son premier Giro, il avait déjà réalisé une mini-razzia, s’offrant quatre bouquets et le classement par points, marchant sur les pas de Mark Cavendish. Les vingt prochaines étapes nous diront si l’intéressé file vers pareil chemin, mais il semble d’ores et déjà avoir fait le plus dur. À savoir gagner, et prendre l’ascendant psychologique sur des concurrents qui tiraient la langue avant même de lancer leur sprint.

Cet instinct de tueur qui règne dans la formation aux 45 victoires en une demi-saison, ne pouvait pas être mis en avant sans faire preuve d’autorité au préalable. Les premières portions en ligne, redoutées et craintes pour la nervosité suscitée, nécessitent une vigilance constante. Là où l’on ne s’y attendait pas, loin du littoral venteux, les favoris sont allés un par un au tapis, à force de s’accrocher aux premières positions du paquet. En plus de Chris Froome visitant le pré situé de l’autre côté de la banderole publicitaire dans une courbe gauche, et de Nairo Quintana crevant juste avant l’aire de sécurité des trois kilomètres, c’est Richie Porte et Adam Yates qui ont décroché dans l’éparpillement généralisé. Le condor de Tunja, concédant 1’15’ sur la tête, s’est même retrouvé totalement isolé, à l’image de son compatriote néophyte Egan Bernal.

À la recherche du temps perdu

Relevée, la première semaine allait forcément décanter tout ce beau monde et dresser une hiérarchie moins éphémère que par le passé. Les projections n’ont désormais plus lieu d’être, puisque la remontée infernale commence dès maintenant pour les coureurs piégés ce samedi. Déconcentration momentanée pour Chris Froome, où vrai signe de tension ? Le Kenyan Blanc n’est pas le plus à plaindre. Déjà victime d’une chute plus sévère au warm-up du prologue israélien en mai, le quadruple vainqueur du Tour avait remporté son Giro malgré une première semaine calamiteuse. Pour Nairo Quintana et l’équipe Movistar, il y a déjà le feu. Trois années plutôt, son débours final sur les Champs-Elysées était dû à une bordure néerlandaise. Et d’ici le Grand-Bornand, on ne voit pas trop comment le frêle grimpeur pourrait grappiller des secondes précieuses. Que ce soit au contre-la-montre par équipes ou sur les pavés, il est plus probable qu’il en perde de nouveau. Une bonne affaire, au final, pour les rescapés du samedi. Bardet et Nibali s’en tirent à bon compte.

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