Ça ne peut être que la domination d’un futur très grand. La force des images parle pour lui : ce vendredi à Tortona, Fernando Gaviria a offert un sprint invraisemblable pour décrocher sa quatrième victoire en treize étapes. A seulement 22 ans, le gamin vole sur son premier grand tour. Comme attendu, finalement.

Peta et Cippo subjugués

Ses boucles d’oreilles et son appareil dentaire sont des poids supplémentaires que ses larges cuisses doivent emmener lors des sprints. Mais ça ne gêne absolument pas Fernando Gaviria. A quatre reprises depuis le départ d’Alghero, il a pu exhiber sa dentition bientôt parfaite pour aller chercher sur le podium le bouquet du vainqueur. Chaque fois dans un style différent. André Greipel l’a battu à une reprise. Idem pour Caleb Ewan. Mais le reste du temps, le Colombien a fait un sans faute. Parfois emmené à la perfection par l’équipe Quick-Step, parfois complètement isolé à cause d’une mauvaise organisation, il a toujours su débouler et franchir la ligne d’arrivée en premier. D’ici Milan, il n’aura sans doute plus aucune opportunité de lever les bras. Qu’importe, il a déjà fait une razzia. Quatre succès en une seule édition, sur les dix dernières années, seuls deux sprinteurs ont fait aussi bien : Mark Cavendish en 2013 (cinq succès) et Alessandro Petacchi en 2007 (quatre), déclassé ensuite.

L’Italien, d’ailleurs, voue une belle admiration au nouveau phénomène du sprint mondial. « Il me fait penser à Robbie McEwen, confiait-il la semaine dernière dans L’Equipe. C’est un sprinteur de grande classe, vif, instinctif, avec le coup d’œil du pistard. Un grand virtuose. » De la part d’Ale-Jet, le compliment mérite d’être pris. Et surtout, l’ancien maillot vert du Tour n’est pas le seul à être tombé sous le charme. Mario Cipollini, celui-là même qui a fait enrager Petacchi pendant des années, y va lui aussi de ses éloges pour le sprinteur sud-américain. « Il est classieux, élégant, avec une fine musculature, un changement de rythme prodigieux, détaillait-il, lui aussi dans L’Equipe. Pour moi, c’est la photocopie de Sagan… en mieux. » Rien que ça, donc. Les deux dernières légendes du sprint italien qui adoubent le principal responsable de la disette transalpine sur ce centième Giro, ce n’était pas forcément attendu. Mais ça vous classe le bonhomme.

L’envol du gamin

D’ailleurs, il y a deux sortes de sprinteurs. Ceux qui, comme André Greipel, vont quitter le Giro ce vendredi soir, parce qu’il n’y a plus d’étape à leur convenance d’ici Milan. Et puis les autres, comme les Italiens ou bien Fernando Gaviria, qui vont se coltiner la monstrueuse troisième semaine juste pour goûter à l’arrivée finale. Question de défi, et de respect pour l’épreuve. Joli symbole, aussi, pour celui qui s’est imposé comme le patron des sprints de ce mois de mai. Quand on lui pose la question de savoir qui est le meilleur sprinteur de ce Tour d’Italie, pourtant, le Colombien la joue modeste : « Ce n’est pas moi mais André Greipel, assurait-il jeudi, après sa victoire à Reggio Emilia. Il a gagné énormément de courses, c’est un modèle pour nous tous. Je suis simplement dans une meilleure forme que lui, mais c’est le meilleur sprinteur de ce Giro. »

L’Allemand appréciera sans doute le respect de son cadet, mais il n’est pas dupe : depuis deux semaines, le maître est incontestablement Fernando Gaviria. Au classement par points, le garçon compte plus de 120 points d’avance sur son actuel dauphin, Jasper Stuyven. Autant dire que son objectif, ramener le maillot cyclamen à Milan, est presque atteint. Le Colombien n’a plus qu’à arriver chaque jour dans les délais, et du haut de ses 22 ans, il y prête une attention toute particulière. « Si je termine ce Giro, je serais un autre Fernando, confie-t-il. Le gamin se sera transformé en homme. » Et qui sait, alors, de quoi serait capable l’homme quand on voit ce que fait déjà le gamin.

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