Cette première étape pyrénéenne n’avait rien de monstrueuse sur le papier. Moyennement difficile, elle était même promise à un baroudeur en forme. Mais derrière l’échappée victorieuse, personne n’a daigné opérer le moindre mouvement dans la course au général. Un attentisme incompréhensible, qui rabat l’entièreté du suspense sur l’étape de 65 kilomètres. Une attraction aux allures de quitte ou double.

La bonne étoile du champion

Vainqueur pour la deuxième fois sur ce mois de juillet, « Alaf » a pourtant longtemps navigué dans une position inconfortable. Théoriquement inférieur aux nombreux grimpeurs présents dans le groupe de tête, le Français aurait pu être rempli de doute après la chute terrifiante de son coéquipier Philippe Gilbert dans la descente du maudit Portet-d’Aspet. Puis, quand Warren Barguil a tenté de le piéger sur les deux tableaux, l’étape et le maillot à pois, en se découvrant de loin. Coup d’épée dans l’eau, puisque le Breton goûta également au bitume. Néanmoins coincé dans un groupe de poursuivants qui a dû s’arracher dans le col de Menté pour reprendre Gesink et Caruso, Alaphilippe a subi au pied du Portillon lorsque Yates et Pozzovivo ont joué leur va-tout. Plus frais au sommet sur des pentes plus roulantes, la star du « Wolfpack » belge a placé une banderille dont lui seul a le secret pour s’installer dans la peau du chasseur.

Comme pour symboliser une journée remplie de réussite, le leader provisoire est parti à la faute dans les lacets descendants. Un malheureux coup du sort qui sourit à un battant décidément loin d’être rassasié après son récital de la dixième étape, au Grand-Bornand. De toute manière, soyons clair, le spécialiste des classiques est dans un état de transe depuis qu’il étrenne la tunique la plus populaire du Tour. Bien plus décidé à prendre des risques contrôlés dans une descente annoncée piégeuse mais sèche, il aurait vraisemblablement fondu sur le Britannique avant la flamme rouge si la chance n’était pas venue lui donner un coup de pouce. Pour le caractère indécis du final et la réaffirmation de son statut de finisseur hors-pair, Alaphilippe a ainsi sauvé la dernière heure de course d’un ennui navrant. Arrivés groupés dans cette vallée thermale, les favoris prolongent leur générale depuis dimanche.

Des calculs dangereux

À Bagnères, personne n’a voulu faire sauter le bouchon. Ilnur Zakarin et Jakob Fuglsang, très loin des espérances depuis la Vendée, ont tout au plus demandé à un équipier de prendre un relais appuyé. Pour le reste, il n’y a bel et bien rien à signaler. Insuffisantes pour créer des différences, les ascensions du jour n’avaient pas de quoi phagocyter les esprits. Mais après quasiment deux journées de repos, tenter quelque chose dans la descente du Portillon n’avait rien de déglingué. Bernard Thévenet revenait sur la difficulté d’attaquer dans ce col, mais sur la possibilité de prendre une vingtaine de secondes dans la descente. Que nenni. Des virages dévalés à une allure modérée, conviviale pourrait-on dire, quand les coéquipiers respectifs se contentent d’imprimer l’allure. S’ils guettaient de près l’orage, seront-ils servis demain ? Le temps changeant pourrait pimenter une étape crainte dans ses moindres recoins, format inédit agrémenté d’un départ séparé selon les positions du général.

Concentrant toutes ses forces pour la bataille du mercredi, les coureurs se reportent sur un dangereux jeu de poker qui pourrait se payer extrêmement cher, et rapporter moins qu’escompté. Consulté ce matin au départ de Carcassonne, Nicolas Portal nous avouait que si ses forçats de la route partiraient en groupes détachés, « nous essayerons de nous grouper comme on a l’habitude de le faire » le plus tôt possible. Les Dumoulin, Bardet, Roglic leur serviront-ils cet avantage sur un plateau ? La formation Movistar, qui voudra regrouper un trio en panne d’essence, a de fortes de chances de converger. Certes, impossible de tirer des plans sur la comète, et tous les ingrédients restent quand même réunis pour assister à l’une des étapes les plus folles du Tour de France au vingt-et-unième siècle. Mais dans une configuration de « sprint de fond », pour reprendre les mots de Guillaume Martin au soir de la quinzième étape, rappelons que les écarts ne sont cette fois pas neutralisés au départ. Ce soir, Thomas possède toujours 1’39’’ sur Froome, et 1’50’’ sur Dumoulin. Sans avoir été testé sur ses facultés de récupération. Une journée de bouclée, une de plus.

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