À l’heure des Pyrénées, ils sont encore six, voire sept, à pouvoir rêver du maillot jaune ou d’un podium : Froome et Thomas, bien sûr, Dumoulin, Roglic, Bardet et Landa derrière, et Quintana pour les plus optimistes. Bernard Thévenet, vainqueur de deux Tours de France en 1975 et 1977, donne son expertise sur les quatre étapes décisives.

16ème étape : Carcassonne – Bagnères de Luchon (218 km)

« Il faut absolument que Romain Bardet tente quelque chose, il pourrait tenter un truc dans le col du Portillon et faire la descente à bloc, comme il sait si bien le faire. S’il a un petit avantage au sommet, il peut non seulement le garder mais encore l’augmenter dans la descente. […] Je pense que c’est le meilleur descendeur des six de devant. C’est le mieux placé pour faire une différence à la fois en montée et en descente. Il faudrait qu’il puisse assurer un avantage de vingt secondes au sommet.

Avec ça, dans la descente qui est très sinueuse, les autres ne l’auraient pas en point de mire. S’il y a Dumoulin et Roglic derrière lui, qui va s’entendre pour rouler ? Il faudrait qu’il passe seul au sommet, car derrière ils pourraient se regarder. Mais Bardet se trouve dans une situation assez embarrassante car il a pas mal d’adversaires à cause du fait qu’il est dangereux pour le podium. Et puis dans les finals de course, il est gêné par le manque d’équipiers. À moins qu’il y ait un coup de Trafalgar plus tôt dans l’étape, les Sky ne le laisseront pas partir, et les autres non plus car il risque de leur piquer le podium. »

17ème étape : Bagnères de Luchon – Col du Portet (65 km)

« Je pense que c’est une étape qui serait bien pour Quintana. Il faudrait quand même qu’il se remue. Il n’a pas fait grand-chose jusqu’ici. J’ai l’impression qu’il n’a pas une bonne préparation pour le Tour. S’il veut faire quelque chose dans le Tour, ce serait alors son étape. Pour garder son rang, il a besoin de montrer quelque chose. Pour l’instant on ne va pas dire qu’il est inexistant, mais guère plus. Dans une étape comme ça, pas longue, qui alterne les montées et les descentes, il devrait être avec les meilleurs, d’autant que tous les favoris partiront en premier.

Il y en a qui aimeraient bien voir revenir des équipiers derrière, mais si tout le monde fait ça et laisse revenir trop de coureurs, ils ne profiteront plus de l’avantage qu’ils avaient. Pour moi, Froome n’a pas les moyens pour lancer une échappée comme il l’avait fait sur Giro, vu comment il était dans l’Alpe d’Huez et à Mende. Attention aussi, le départ sera un peu compliqué d’un point de vue tactique. Et surtout, il faudra être bien échauffé car ça monte tout de suite ! En revanche, je pense que partir depuis le premier col, c’est vraiment trop loin. »

19ème étape : Lourdes – Laruns (200 km)

« On a la descente de l’Aubisque qui est un peu moins abrupte que celle du Portillon. Ici, tu devras pédaler car il reste vingt bornes. Seul c’est compliqué. Je verrais bien les Sky rouler dans le Tourmalet pour empêcher les attaques, mais après difficile pour eux de contrôler la course. Le Col des Bordères c’est 9 kilomètres à 6 %. Le Soulor, c’est costaud, bien qu’il y ait une petite descente pour rejoindre l’Aubisque. Je pense que si quelqu’un passe en solo au Soulor, il lui faudra bien une bonne minute pour tenir jusqu’au sommet de l’Aubisque. Il faudrait idéalement qu’ils partent à deux ou trois et s’entendent très bien.

Ou alors il faut qu’il y ait les favoris à l’avant, puis qu’un ou deux craquent pour inciter les autres à aller jusqu’au bout. Les Sky ont un gros problème de choix à résoudre. Est-ce qu’on mise sur Froome ou est-ce qu’on mise sur Thomas ? À mon avis, Thomas est plus fort que Froome, sans doute le plus fort du Tour, mais on ne connaît pas ses capacité de récupération en troisième semaine. Sans doute l’étape de la veille lui aura permis de souffler, mais on a l’exemple de Simon Yates sur le dernier Tour d’Italie… »

20ème étape : Saint Pée sur Nivelle – Espelette (31 km, CLM)

« C’est pas vraiment un parcours qui est fait pour Dumoulin, il ne creusera pas de gros écarts. Ça part en bosse pendant quatre kilomètres, puis des grands faux plats, un petit talus, et ce petit col sur la fin, 900 mètres à 10 %. Il faudra bien savoir le gérer. Avec son gabarit, je pense qu’il sera un peu handicapé. Ça reste le favori du chrono mais je pense qu’il prendra moins de trente secondes à Froome, ou Thomas s’il reste présent en bonne condition. Les deux qui sortent du Giro ont bien récupéré. Logiquement, ils ne devaient pas être à 100 % au départ du Tour, et quand on voit comment Dumoulin marchait ces derniers jours, il est en très bonne condition physique.

Ça m’étonnerait que le Néerlandais s’écroule comme ça du jour au lendemain. C’est différent de Yates sur le Giro, qui était pour la première fois dans cette configuration, avec le maillot de leader sur le dos. Tu es un peu grisé, tu vois que tu domines, tu as tendance à faire plus d’efforts que d’habitude. Un gars comme Thomas s’expose un petit peu à ça. Mais il faut dire aussi que la Sky a quand même plus l’habitude que Mitchelton de défendre un maillot de leader. Thomas a un regard clair et lucide, je le sens tranquille. Et attention à Landa qui pourrait revenir sur Bardet dans le chrono ! En fin du Tour, tu es à fond tous les jours. »

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