La question se pose avec un peu plus d’insistance chaque jour. Chris Froome ou Geraint Thomas ? La hiérarchie se veut claire depuis le départ : le quadruple vainqueur du Tour est un leader incontestable. Ça, c’est dans la théorie. Mais en filigrane, tout semble devenir un peu plus flou au fil des jours.

Un discours en mouvement

Au moment où il prenait le maillot jaune, à La Rosière, Geraint Thomas la jouait sobre, sans ambiguïté. « Evidemment, Froome est notre leader. Si je dois rouler pour lui, je le ferais sans problème », disait-il. Le lendemain, après une montée impressionnante de l’Alpe d’Huez, il insistait : « Je le pense honnêtement quand je dis que Froome est notre leader. Il sait comment gagner une course de trois semaines. Pour moi, qui sait ?, tout peut arriver. Je peux avoir un mauvais jour et perdre dix minutes. » Le Gallois rejetait ainsi, en partie, la pression qui accompagne le maillot jaune. Lui ne serait qu’un leader éphémère, voué à rendre le costume tôt ou tard au vrai patron, celui qui a remporté six grands tours dont quatre des cinq dernières éditions de la Grande Boucle. Pourtant, depuis la fin de l’épopée alpestre, dans ses mots que l’on imagine forcément choisis, Geraint Thomas n’a pas vraiment gardé une ligne de conduite aussi limpide.

Chaque jour, le bonhomme passe en conférence de presse, maillot jaune oblige. Et chaque jour, on a comme l’impression qu’il s’affirme un peu plus comme un leader de la course qui pourrait le rester. « Si quelque chose venait à m’arriver, alors on aurait toujours Chris dans la course », soulignait-il samedi soir à Mende, après une montée où une nouvelle fois, il n’a pas montré le moindre signe de faiblesse. Vingt-quatre heures plus tard, après l’étape de Carcassonne, il en remettait une couche. Perdre le maillot jaune ? « Il faudrait que j’ai un mauvais jour, concède-t-il. Je ne voudrais pas le donner contre tout l’argent du monde. […] J’aimerais le porter le plus longtemps possible, mais comme je le dis depuis le début, qui sait ce qui va arriver ? » Face à la presse, il n’est plus question de rappeler que « Froome est le leader », comme il s’appliquait à le faire quelques jours plus tôt, seulement d’affirmer que la situation est idéale.

Une semaine bourrée d’interrogations

Alors, les choses seraient-elles différentes désormais ? Il y a une semaine, nous demandions à Nicolas Portal, directeur sportif de l’équipe britannique, combien de temps il était possible de continuer sans faire de véritable choix entre les deux larrons. « Cela dépendra de comment les autres vont courir, répondait-il. Et ensuite, si on voit que l’un des deux commence à avoir une défaillance, on pourra favoriser l’autre. » En analysant la position des vélos de « G » et « Froomey » sur la galerie de la voiture Sky, L’Equipe a expliqué que la priorité était actuellement donnée au vainqueur sortant. Dans les faits, aussi, on a vu ces derniers jours Geraint Thomas rouler en tête du groupe de favoris quand Chris Froome restait dans les roues. Sauf qu’il n’y a pas une étape, depuis le départ, où l’actuel maillot jaune ait perdu du temps sur son supposé leader. Alors si même en jouant au gregario de luxe, Thomas conserve le paletot, que décidera Sky ?

On aimerait beaucoup savoir, mais on en vient à se demander si l’équipe britannique elle-même sait. Chris Froome, lui, continue en attendant de la jouer collectif. « Tant qu’un coureur de l’équipe Sky est sur la première marche du podium à Paris, je suis heureux », disait-il ce lundi matin, sur la terrasse de l’hôtel de son équipe à Carcassonne. La meute de journalistes présente devra se contenter de ces quelques mots. Le reste du temps, les deux Britanniques ont préféré botter en touche et éviter de répondre vraiment. Cyrille Guimard, dans L’Equipe ce week-end, ne croyait cependant pas à la bonne entente entre les deux hommes. « Froome n’acceptera pas de perdre, d’abandonner la victoire à Thomas, son équipier, alors qu’on lui avait refusé ce droit face à Wiggins, il y a six ans, dans les mêmes conditions », assure-t-il. Mais Thomas, maillot jaune sur le dos, acceptera-t-il de se coucher alors qu’il semble jusqu’ici le plus fort ? Dans ce qu’il dit, depuis quelques jours, il ne semble pas (ou plus) l’envisager, en tout cas.

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