Il n’est pas dit que les nuits de Chris Froome et Geraint Thomas soient troublées par quoi que ce soit. Mais si un coureur doit les empêcher de dormir, c’est Tom Dumoulin. A la sortie des Alpes, le Néerlandais est troisième du général, à seulement onze secondes de Froome. Soit une vraie menace pour l’équipe Sky.

Prise de confiance

« Pour le moment, Tom est au top niveau, se félicite Iwan Spekenbrink, manager général de Sunweb. Il est un candidat pour la victoire, c’est certain. » Sans les cinquante-trois secondes perdues à Mûr-de-Bretagne à cause d’une crevaison au pire des moments, le garçon serait même intercalé entre les deux coureurs de Sky, plus proche encore du maillot jaune Geraint Thomas. Quand on sait les questions qui se posent concernant la capacité de l’actuel leader à tenir en troisième semaine, la position eut été idéale. Mais celle qu’il occupe aujourd’hui n’est pas si mauvaise. « Troisième, je pense que c’est ma place, disait-il après la montée de l’Alpe d’Huez. Aujourd’hui (hier), j’étais plus fort que Froome, mais Thomas était encore le plus costaud. » C’est d’ailleurs le Gallois qui a battu Dumoulin pour le gain de l’étape, et le principal intéressé s’en voulait de ne pas avoir su être assez malin pour franchir la ligne en premier.

Un détail dans cette lutte pour le général. Ce qu’il faut retenir, avant tout, c’est que la Sky, même avec deux leaders qui pouvaient se relayer dans leurs attaques, n’a pas été capable de lâcher le Néerlandais sur les rampes de l’Alpe d’Huez, loin d’être taillées pour le gabarit du bonhomme. « C’est le troisième homme, dit clairement Laurent Jalabert. Il est vraiment la menace pour Sky. Je ne mets pas Bardet au même niveau parce que Dumoulin a l’avantage d’être plus rapide dans le chrono. Il peut même le gagner. » Dans les jours qui vont venir, cet ultime contre-la-montre à Espelette sera en effet au centre des discussions. Dumoulin peut-il y arriver avec un peu de retard et le remporter ? Si oui, combien est-il capable de reprendre au monstre à deux têtes de la formation britannique ? Des projections que du côté de Sunweb, on juge bien trop lointaines.

Installer le doute

« Il y a une chose que les gens oublient souvent, pointe Iwan Spekenbrink. Ils regardent une étape, ou plusieurs, voient quelle est la hiérarchie, et pensent pouvoir l’étendre à la course entière. Mais ça ne marche pas comme ça. » Surtout dans les circonstances actuelles. Geraint Thomas n’a jamais joué la gagne jusqu’au bout sur un grand tour. Et surtout, Tom Dumoulin comme Chris Froome sortent du Giro. « Le point d’interrogation, c’est la troisième semaine, assume le manager néerlandais. Ce Tour de France est un objectif, mais aussi une façon d’apprendre en vue de l’an prochain, quand on se concentrera peut-être à 100 % dessus. » Une façon, en Néerlandais, de dire qu’une troisième place à Paris, dans un peu plus d’une semaine, ne serait pas un échec ? Pas vraiment. Sur son home-trainer, en haut de l’Alpe d’Huez, Tom Dumoulin semblait déjà se projeter sur les Pyrénées, preuve qu’il ne se contente pas de ce qu’il a.

« Dans la montée, les Sky ont tenté de garder leurs deux coureurs pour le général, disait-il. Ils n’ont pas roulé l’un sur l’autre. Froome avait la possibilité d’attaquer, pas Thomas. C’est bon à savoir pour le futur. » Dumoulin analyse et prépare ses cartes. Face à la domination des deux Britanniques et de leur équipe, le vainqueur du Giro 2017 ne se formalise pas. Il se satisfait d’avoir aussi bien passé les Alpes et sait qu’il aura d’autres opportunités – peut-être même dès demain, à Mende. Parce que tout se jouera à coup de secondes, jusqu’au bout. Mais surtout parce que la Sky pourrait s’inquiéter et courir à l’envers à force de le voir dans le coup. Jusqu’ici, à chaque fois que la formation britannique a remporté le Tour, elle a profité du dernier chrono pour enfoncer le clou. Pour la première fois, elle pourrait l’aborder avec un meilleur rouleur sur les talons. A Dumoulin, donc, de faire douter ceux qui ne doutent jamais.

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.