Dans un Tour de Lombardie particulier, dépeuplé de nombreux favoris habituels, placé en plein milieu du mois d’août et face à une chute terrifiante de Remco Evenepoel, Jakob Fuglsang est allé conquérir le deuxième monument de sa carrière. Drôle d’ambiance.
Souffle coupé
Il manquait, au départ de Bergame, une poignée de cadors qui avaient fait la course, ces dernières années. Mais Pinot, Bernal, Alaphilippe ou Valverde sont occupés sur le Dauphiné, alors le Tour de Lombardie a dû faire sans eux. Une liste d’absents longue comme le bras compensée ou presque par la présence d’un seul homme, Remco Evenepoel. Le phénomène belge, 20 ans seulement mais déjà présenté comme le grandissime favori d’un monument, attire la lumière chaque semaine un peu plus. Mais il vient de nous offrir une incroyable frayeur. Dix jours seulement après l’horrible accident de Fabio Jakobsen sur le Tour de Pologne, Remco Evenepoel, à son tour, nous a glacé le sang. Une descente dans le groupe de tête, un virage pris un peu trop large et voilà que le Belge bascule au-dessus du muret. La rencontre avec le vide a dû être terrifiante pour lui. Elle l’était finalement pour tous ceux qui ont posé leur regard, l’espace de quelques secondes, sur l’instant critique.
Les premières nouvelles, assez rassurantes, ont mis du temps à arriver. Mais devant, six hommes avaient une course à terminer. Ils étaient trois coéquipiers avec un maillot gris et rouge. Tout semblait écrit pour eux, surtout avec Vincenzo Nibali et Bauke Mollema, deux anciens vainqueurs de l’épreuve, pour mener la barque. Ils ont finalement subi la loi du duo Fuglsang-Vlasov, qui a porté les maillots Astana en tête de la course, seulement accompagné par le fringant George Bennett, habituel élément de la fusée Jumbo-Visma au service de Primoz Roglic, détaché le temps d’une semaine, pendant que son leader marche sur le Dauphiné. A Côme, les Trek terminent donc quatrième, cinquième et sixième. Joli loupé. Nibali n’aura pas eu droit à un troisième Tour de Lombardie et à bientôt 36 ans, ce n’est pas dit que la prochaine édition lui laisse une autre opportunité. Surtout si Evenepoel vient prendre sa revanche, d’ici là, ce qu’on espère tous.
Fuglsang ne vieillit pas
Un autre, en revanche, montre une nouvelle fois que les années qui passent le subliment. Non pas que Jakob Fuglsang s’embellisse particulièrement, parce qu’il avait déjà une belle gueule il y a dix ans, mais son palmarès, lui, prend de l’allure à un moment où on l’aurait imaginé se figer. Après Liège-Bastogne-Liège, au printemps 2019, le voilà vainqueur du Tour de Lombardie, en solitaire et après avoir lâché Bennett dans la dernière difficulté du jour. Un deuxième monument, à 35 ans, qui s’ajoute à deux victoires finales dans le Dauphiné, qu’il n’a pas disputé cette saison, comme s’il y avait déjà assez brillé.
Le Danois est surprenant. Le Tour de France continue de se refuser à lui, et on ne peut pas dire que la malchance n’y soit pour rien. A chaque fois qu’il a remporté le Dauphiné, il a dû abandonner le Tour sur blessure quelques semaines plus tard. Peut-être que traverser les Alpes était la bonne option. Il ne sera pas au départ de Nice, cette année, mais disputera le Giro. Un doublé Lombardie-Giro, cela a déjà été fait. La dernière fois, c’était en 2004 avec Damiano Cunego. Mais le Petit Prince avait remporté le Giro avant la Lombardie, bien sûr. Et ça tombe bien, finalement, tant Fuglsang ne fait jamais comme les autres.
Robin, toujours aussi excellent, sans verbiage mais non sans verve.
Que ce fut dur d’apprécier cette fin de classique, belle victoire néanmoins d’un coureur rarement mis en avant mais dont le palmarès ne cesse de s’étoffer. Je ne crois pas en ses capacités de briller sur une course de plus d’une semaine, mais qu’importe, entre l’année derniere et ses joutes avaec alaphilippe et cette année, il a trouvé son terrain de chasse, aux commentateurs de lui rendre grace.
Alleluia ..
Oh la chute (!) : “Mais ça tombe bien, finalement”.
Robin, j’espère que vous avez des talents de devin et que le “petit jeune” s’en remettra aussi vite et bien que son compatriote Wout.
Bel article qui est très bien écrit !
Bravo à Fuglsang qui remporte une belle victoire . Quel frayeur pour Remco les nouvelles ont tardé à venir ce qui a rajouté de l’angoisse . Il est vivant c’est bien là le principal . Il s’en remettra et reviendra la saison prochaine plus motivé que jamais . Il n’a que 20 ans et toute la vie et sa carrière devant lui pour remporter un tas de grandes courses . Et comme on dit tout ce qui ne tue pas rend plus fort !
“Fuglsang ne vieillit pas…”
On a même l’impression qu’il rajeunit, vous ne trouvez pas ?
Quelle progression depuis quelques années pour un coureur qui a aujourd’hui 35 ans !
https://cqranking.com/men/asp/gen/rider.asp?riderid=3828
Surtout depuis qu’il a pris l’habitude de s’entraîner sur les pentes du Teide aux Canaries.
http://www.carton-rouge.ch/2019/05/29/jakob-fuglsang-la-gloire-sur-le-tard/
Le Teide ? Mais ne serait-ce pas là justement que sévit encore le célèbre professeur Ferrari ?
https://www.cyclismactu.net/news-route-pevenage-ma-relation-avec-jan-ullrich-ne-mourra-jamais-91151.html
Rappelez-vous la polémique en début d’année à propos des relations entre Ferrari et certains coureurs de l’équipe Astana. L’affaire a été rapidement étouffée. Mais on dit qu’il n’y a pas de fumée sans feu…
Donc, désolé, mais moi, je n’y crois pas à Fuglsang.
Je veux pourtant croire à un cyclisme propre.
Mais je sais aussi, hélas, que dans chaque troupeau il y a des brebis galeuses…
Je ne vois pas vraiment ce qu’il y a de si étonnant à le voir devancer Benett, Vlasov, Mollema, Ciccone et un Nibali encore très juste. Fuglsang a toujours été très fort, il faut se souvenir de lui aux JO de Rio ou sur l’étape pavée du Tour 2014. Dès ses premières années professionnelles, il allait chercher des top 10 sur l’Amstel, le Lombardia ou le Tour de Suisse. Mais il a ensuite surtout fait carrière comme lieutenant de luxe, notamment pour Nibali, ce qui l’a longtemps empêché d’avoir les résultats auxquels il aurait pu prétendre s’il avait couru pour lui. Certes il court dans une équipe sulfureuse, mais d’une part on peut en dire autant d’une bonne moitié du peloton, et d’autre part, je ne trouve pas sa trajectoire si folle. Surtout, j’ai des doutes sa capacité à jouer la gagne sur trois semaines, je pense qu’il lui manquera toujours un petit quelque chose (après Kruijswijk en 2016, Quintana en 2017, Yates en 2018 et Roglic en 2019, je le vois bien être le maillot rose à qui tout le monde donne déjà course gagnée mais qui flanche du prochain Giro). En revanche, j’aimerais beaucoup le voir sur le… Lire la suite »
Merci pour ta réponse. Je ne veux pas donner l’impression de m’entêter, parce que visiblement la majorité d’entre vous n’est pas d’accord avec moi. Je dis simplement que Fuglsang a toujours été un bon coureur (capable dès ses premières années pro de gagner le Tour du Danemark, 7ème du Tour de France en 2013, auteur d’une grosse course aux JO de Rio, etc.) Mais c’est sa progression depuis trois ans qui m’étonne (à plus de 32 ans) : vainqueur de 2 Dauphinés et surtout… Qui l’aurait cru capable de faire ce qu’il a fait lors du printemps 2019 ? Je suis certain que vous avez tous été aussi étonnés que moi ! Rappelez-vous ses duels avec Alaphilippe sur les classiques (Strade, la Flèche, l’Amstel pour finalement gagner LBL). Mais pas seulement : ses résultats dans les courses d’une semaine sont extraordinaires (1er en Andalousie, 3ème à Tirreno, 4ème du Pays Basque puis encore vainqueur du Dauphiné). Ses progrès dans les classiques ardennaises sont fulgurants ! Et sur ces courses, il n’est plus le lieutenant de personne depuis longtemps… Qu’aurait-il fait cette année sans la pose Corona ? Il avait juste eu le temps d’écraser le Tour d’Andalousie. Et les grands… Lire la suite »
Sur le Giro cette année, si Fuglsang l’emportait ce serait certes une très grosse performance, mais s’il arrive au podium ça n’aura rien d’un scandale vu le plateau prévu pour le moment, en sachant que Nibali est davantage dans la gestion en haute montagne depuis déjà un bout de temps et que ses victoires sont davantage dues à ses grandes capacités pour emballer la course lorsque les cols s’enchaînent ou qu’une descente raide se profile à l’horizon qu’à une domination outrageuse sur les grands cols. Fuglsang a très souvent été au rendez-vous sur les classiques ardennaises, mais son manque de pointe de vitesse explique aussi qu’il n’a jamais émergé des groupes qui se jouaient la victoire sur LBL pendant de nombreuses années. Même chose sur l’Amstel où tout se jouait presque sur un sprint au sommet du Cauberg pendant de nombreuses saisons. Ajouté à cela qu’on le programmait davantage pour épauler Nibali sur les GT que pour en faire une machine à victoires sur les Ardennaises. Il a toujours manqué quelque chose au coureur danois pour dompter les plus hauts sommets au côté des plus grands favoris et il semble que la durée d’un grand tour soit rédhibitoire pour lui.… Lire la suite »
N´ayons pas peur des mots; essayer de suivre un Nibali déchainé dans ce type de descente est une enorme prise de risque. Ca peut faire très mal ..
Que de chutes graves en si peu de temps pour les cadors; à ce rytme il ne va plus rester grand monde en 3iém semaine du Tour ..
Je suis impressionné par le nombre et la gravité des chutes depuis la reprise des courses. Un carnage!
Je peux me tromper complètement mais j’ai l’impression que:
1. La fréquence des chutes violentes est nettement plus importante qu’il y a par exemple dix ans en arrière
2. Ces chutes sont plus nombreuses et plus graves dans les courses world tour que dans les épreuves moins cotées.
Est ce une impression partagée? L’UCI ne devrait elle pas faire une étude statistique sur la question sur les dernières années ?
Les chutes et les chutes graves ne datent pas d’hier.
Va s´en dire.. Il n´en reste pas moins que leur volume est actuelement remarquable ..
Vu la densité du calendrier et la faim des coureurs, cela ne me surprend pas trop…
C´est evidement une face du problème. Une autre me semble etre la sécurité insufisante dans certains cas; quand tu vois l´entrée du pont en Lombardie oú á plongé le prodige belge; il y manque clairement un securitas avec siflet et drapeau.
L´arrivée en Pologne oú les mecs sont tous en survitesse à zigzager au milieu des barrières en carton avec, en bonus, le marquage au sol qui fait une chicane á 20 metres de la ligne; du coupe gorge..
Quelle superbe étape aujourd’hui sur le Dauphiné. Quel dommage qu’il faille attendre que les leaders de Jumbo-Visma et d’Ineos abandonnent pour voir du spectacle
Oui quelle étape incroyable, on en serait presque réconcilié avec ces étapes de montagnes, trop insipide et soporifique ces dernières années. Mais oui toujours, il aura fallu attendre des abandons, non départ, pour vibrer sur une course n’étant plus cadenassée. Finalement moins, et c’est un lieu commun, les équipes sont fortes plus le spectacle se renforcent. A souligner la belle alliance tricolore, de circonstance pour martin pas pour les autres.
n’empêche cette abnégation ultime de pinot, la bouche grande ouverte, s’arrachant jusqu’au bout; sans vouloir faire de lyrisme, ca change un peu de la froideur calculé, méthodique et froide d’un froome ou d’un skyneos de ces derniers tours….Encore!!!
Quelle tristesse pour un moment de faiblesse…
Je ne comprends pas trop ce qu’il s’est passé pour Pinot. A t-il lâché mentalement pendant quelques minutes ? A t-il attrapé un coup de chaud au pied de la montée ? Parce qu’on avait l’impression qu’il était une jambe en dessous des autres au pied et il a finalement repris Lopez et du temps à tous les coureurs échappés dans le final. J’apprécie ce coureur pour son côté humain mais je dois bien reconnaître qu’il est souvent terriblement frustrant de suivre ses courses.
Par ailleurs, une autre interrogation concerne la forme d’Alaphilippe qui souffle le chaud et le froid depuis le début de la saison et sur cette course. Le plus surprenant est que sa forme semble même fluctuer au cours d’une étape. Hier, Il a lâché ses compagnons d’échappés dans la montée de Bisanne avant de les attendre sur la fin de l’ascension puis de voir les mêmes le dominer nettement dans la montée suivante. Je ne sais pas si je suis le seul à me poser la question mais je suis bien incapable de dire ce qu’il peut viser sur le TDF…
Alaphilippe finit deuxième de MSR donc je ne suis pas trop inquiet pour lui.
Alaphilippe vise des victoires d’étape. Il l’a annoncé.
Ce n’est pas un coureur de grand tour, mais un fantastique classic man. Et c’est très bien. Il n’y a pas que le TDF..