Tous les épisodes :
Coppi et Bianchi, le mariage éternel (1/6)
Gimondi, puissant comme Salvarani (2/6)
« M » comme Merckx et Molteni (3/6)
Mercatone Uno, avec Pantani sinon rien (4/6)
Saeco amène Cipollini jusqu’au trône (5/6)
Cunego, prince sans couronne chez Lampre (6/6)
Remporter le Giro à 22 ans est signe de précocité. C’est aussi, généralement, une promesse de grands succès à venir. Sauf que la suite n’est pas forcément aussi rose que certains espoirs. Cela pourrait être un rapide résumé de la carrière de Damiano Cunego, qui a toutefois réussi à se forger un solide palmarès et restera surtout, dans les mémoires, comme le fer de lance de l’équipe Lampre.
Simoni, le frère ennemi
La formation Lampre n’a pourtant pas attendu d’avoir « le Petit Prince » dans ses rangs pour briller dans les pelotons. Arrivée au cyclisme au début des années 1990 afin de renforcer sa visibilité à l’international, la marque italienne, spécialisée dans les revêtements en acier, a rapidement rencontré le succès grâce à Maurizio Fondriest ou Djamolidine Abdoujaparov. Seulement, la relation entre ces grands leaders et Lampre reste chaque fois éphémère et aucun ne reste assez longtemps pour que de solides fondations s’établissent. Tout change à la fin de l’année 2004, quand l’équipe Saeco est absorbée par Lampre. Damiano Cunego, son visage d’ange et son surnom de « Petit Prince », va alors incarner l’équipe au maillot rose. Il est le coureur dont Lampre avait besoin.
Au début de cette histoire commune, pourtant, rien ne dit que cela va durer. Gilberto Simoni, frère ennemi de Cunego, comme aime le rappeler la presse italienne, est également de la partie. L’expérimenté coureur italien n’a pas quitté le navire qui lui a permis de remporter son premier Giro, en 2001. Sauf que la relation entre Simoni et Cunego est glaciale depuis plusieurs mois et le Tour d’Italie 2004. A l’époque, sous le maillot de Saeco, Cunego doit être le lieutenant de Simoni, mais il va lui voler le leadership et ramener lui-même le maillot rose. Surtout, pendant l’épreuve, alors qu’il est le leader de l’épreuve, le « Petit Prince » roule derrière Simoni pour éviter de lui laisser le maillot rose.
Après l’arrivée, les déclarations de Simoni ne sont pas tendre à l’égard de son jeune équipier. Le vaincu parle de « traître », allant jusqu’à lui dire, dans un moment de colère : « Tu es un bâtard, tu es vraiment stupide. » Cunego remporte le Giro, Simoni termine troisième et la collaboration entre les deux garçons devient un supplice autant pour l’un que pour l’autre. La cohabitation chez Lampre semble alors impossible, pas arrangée par une mononucléose qui empêche Cunego de jouer sa carte sur le Giro 2005. Simoni, lui, monte de nouveau sur le podium et relance le débat du leadership. En fin de saison, la discussion sera close par Simoni lui-même, annonçant qu’il part rejoindre les fabricants de chaudières de la Saunier-Duval. La relation Lampre-Cunego peut alors sereinement démarrer.
L’idylle toute relative
S’il échoue au pied du podium du Giro en 2006, Cunego se rattrapera sur le Tour de France. Pour sa première participation à la Grande Boucle, il ne termine que onzième, mais le Vénitien est très en vue en montagne. Surtout, il porte pendant plusieurs jours le maillot blanc du meilleur jeune avant de le ramener à Paris. Le sponsor est ravi car le Tour de France, même pour une équipe italienne, reste la meilleure vitrine. Cependant, les mois et les années passent sans que jamais l’Italien ne retrouve l’éclat qui lui avait permis de remporter le Giro, quelques années plus tôt. Les classiques vont lui redonner une raison de sourire, avec deux victoires successives sur le Tour de Lombardie, en 2007 et 2008 (qui s’ajoutent à une première victoire en 2004), et une autre sur l’Amstel Gold Race.
Cunego, plus qu’un grimpeur, est alors vu comme un puncheur capable de succéder à Paolo Bettini. Certains lui suggèrent de mettre de côté les courses par étapes et de se concentrer sur les ardennaises, notamment. Ce n’est pas du goût de Lampre, qui entend bien profiter de son joyau le plus possible, refusant ainsi de réduire son champ d’action. Le rayonnement international de la marque passe par les grands tours, et même plus, par le Tour de France. Sauf qu’à courir tous les lièvres à la fois, Damiano Cunego se contente de collectionner les places d’honneur. Les succès, eux, se font rares. Ils se comptent chaque année sur les doigts d’une main, bien loin des treize bouquets de 2004.
Une fin sans relief
En 2010, pour la première fois, l’Italien connaît sa première année vierge de succès, et le retour de Gilbert Simoni dans la maison Lampre, pour ses derniers tours de roue, n’y est pour rien. Les frères ennemis de nouveau réunis, l’histoire fera couler beaucoup d’encre de l’autre côté des Alpes, mais le duel n’a plus lieu d’être. Quand Cunego est censé connaître ses meilleures années, Simoni est au crépuscule de sa carrière. Ce coup d’arrêt, pourtant, ne semble pas encore rédhibitoire pour le « Petit Prince ». En fin de contrat avec Lampre, il est sollicité par de nombreuses formations, dont Astana ou Liquigas. Giuseppe Saronni, manager de Lampre, convainc alors son leader de prolonger l’aventure dans son équipe de presque toujours.
« Ce n’est pas exagéré de dire que ce choix était le plus important de ma carrière, à un carrefour où je ne savais pas quelle voie prendre, déclara-t-il à l’époque. J’ai songé à quitter la Lampre car je suis arrivé à un point où je sens que j’ai besoin d’autres motivations, de quelque chose de nouveau, de différent. » Au moment où il estime avoir besoin de nouveauté, Cunego choisit donc la continuité. Sa fin de sa carrière lui montrera qu’il a alors fait le mauvais choix.
Les quatre saisons suivantes accompagnent lentement Cunego vers une fin de carrière qui n’atteindra plus jamais les sommets. Sa sixième place sur le Tour de France 2011 sonne comme un ultime rebond, mais l’Italien ne gagne plus. Lors de ses cinq dernières années avec Lampre, il ne rapporte que six bouquets, avant la fin de l’histoire avec Lampre, fin 2014. L’équipe transalpine décide de ne pas proposer de nouveau contrat à son plus fidèle leader. Cunego va alors conclure sa carrière chez Nippo-Vini Fantini, qui l’accompagnera jusqu’à sa retraite en 2018. De son coté, Lampre se retire du cyclisme fin 2016. L’histoire se termine comme elle avait commencé, dans le flou.
Né le 19 septembre 1981 (38 ans).
Coureur professionnel de 2002 à 2018.
Chez Lampre de 2005 à 2014.
Principales victoires avec Lampre :
Tour de Lombardie (2007, 2008)
Amstel Gold Race (2008)
2 étapes du Tour d’Espagne (2009)
Meilleur jeune du Tour de France (2006)
Petite coquille : le Vénétien -> Vénitien
Bel article sinon, sur un coureur à la trajectoire de carrière vraiment atypique (tout au début, rien à la fin)
J’adorais ce coureur. Il était très agréable à voir sur un vélo. Carrière certes décevante par rapport aux attentes légitimes que l’on pouvait avoir après son Giro 2004 mais ça reste un coureur qui c’est fait un palmarès très solide. Il a eu une carrière atypique avec plusieurs phases. La première, 2004-2007, un coureur très solide en grand tour, capable de briller sur les classiques. La deuxième, 2008-2009, l’un des tout meilleurs coureurs de classiques vallonnés, sans doute le plus fort en 2008 mais avec de grosse désillusion en grand tour. Le Tour en 2008 et le Giro en 2009 ont été calamiteux pour lui alors qu’il était annoncé parmis les favoris. Et puis celle de 2010-2012 ou petit à petit il a délaissé les classiques pour de nouveau réussir en Grand Tour. 2010 il n’est pas dans le top 10 du Giro mais sans cette fameuse échappée il y aurait été sans problème. D’ailleurs dans l’article je trouve que vous sous-estimez ses années post 2010. En 2011 il est vraiment fort. Sur le Tour de France, il est très proche d’un top 5, c’est peut-être son meilleur grand tour depuis sa victoire sur le Giro. Et surtout il nous… Lire la suite »
belle rétrospective hier dans l’étape alpestre où il ne prend plus un seul relais dans le final et se fait quand même taper par Casar… Tant mieux
Cunego me parait faire partie de ces champions Italiens dont le palmarès semble inachevé par rapport aux attentes qu’ils susciterent, les Bugno, Basso, Bartoli mais il est à classer au dessus des Simoni, Garzelli,Salvodelli,Di Luca, Casagrande ou Scarponi.
Le plus du petit prince était la sympathie que le public italien lui portait, à l”instar des français pour Virenque ou Voeckler.
J’aurais tendance à retirer Bugno de votre liste. Un des coureurs les + élégants sur le vélo qui doit se farcir la génération Indurain après un Giro gagnant (mais avec 2 podiums quand même sur le Tour), des victoires d’étapes sur les 3 GT (9 en Italie dont des chronos, 2 en Espagne et 4 en France dont 2 fois la mythique Alpe d’Huez), 1 Milan San Remo, 1 tour des Flandres en tapant Museeuw au sprint en 94 et surtout double champion du monde 91-92 avec un succès au sprint devant Jalabert en 92.
Oui Bugno a un très beau palmarès mais il lui manque le Tour de France et pour un coureur de sa classe, c’est pour moi le gros regret, sinon il aurait été comparable à Gimondi. C’est pour ça que je le classe subjectivement dans cette catégorie mais il est évident qu’il était nettement un cran en dessus de Cunego ou de Basso.
J’adore cette phrase: “la discussion sera close par Simoni lui-même, annonçant qu’il part rejoindre les fabricants de chaudières de la Saunier-Duval.”
Au sens propre comme au figuré…
Parce que Simoni et Cunego n’en étaient pas (des chaudières j’entends) ?
Soyons sérieux…
Je me demande si Aru n’est pas en train de suivre un peu le même chemin : un début de carrière brillant et une lente agonie ensuite. Souhaitons qu’il redresse la barre.
Rien a voir avec Cunego mais pour en revenir à l’actualité l’UCI essaie de sauver les meubles en tentant de mettre un calendrier permettant le retour au travail des 600 pros et de leur encadrement sur les 3 mois restant disponibles, ce n’est pas gagné et bien que je sois souvent plutôt critique avec elle, si le programme prévu se réalise, je lui tirerai mon chapeau.