À l’annonce de la composition de l’équipe Mitchelton-Scott pour le Tour de France, amateurs et avertis se sont étonnés à juste titre de l’absence du sprinteur numéro un de la formation australienne, Caleb Ewan. Etoile montante parmi les spécialistes de la dernière ligne droite, le Sidnéen se retrouve embarqué dans une bien drôle d’aventure, avant même d’atteindre le cap de la mi-saison. Préjudiciable et annonciateur d’autres mouvements ?

L’encombrant facteur sportif

Au mois de juillet cette année, les sprinteurs pourront légitimement viser la victoire à sept reprises. Neuf, si l’on vise large. Dans un cyclisme moderne où les scénarios peuvent facilement être à double tranchant, robotiques ou débridés, emmener un sprinteur dans son équipe ne semble pas une si mauvaise option que cela. Et Caleb Ewan, s’il n’avait jamais encore mis les pieds sur la Grande Boucle, n’est pas le premier venu, malgré ses 23 ans. Certes, sur ses deux participations au Tour d’Italie, il n’a jamais franchi le second week-end montagneux, abandonnant successivement aux portes des Dolomites et à Bergame. Mais le contrat était déjà rempli, avec un succès dans les rues d’Alberobello, en mai 2017. Quand bien même ses lacunes sur trois semaines existent sûrement, faut-il rappeler que Marcel Kittel n’a pas vu les Champs-Elysées l’an dernier, ce qui ne l’a pas empêché de claquer cinq bouquets en dix-sept journées ? Quid des Cavendish, Greipel et McEwen plus jeunes, sauvés à de bien nombreuses reprises du hors-délai par des commissaires généreux ?

Non, ce n’était décidément pas un souci. À moins que, premièrement, l’objectif attitré soit de remporter le maillot vert. Totalement utopique. Ou bien, seconde hypothèse, Mitchelton a pris confiance en elle après le fabuleux Giro de Simon Yates, et souhaite rééditer pareille performance en juillet. Le jumeau du Britannique, Adam, est d’ailleurs en grande forme, en témoigne son podium sur le Dauphiné. Alors, l’éviction d’un sprinteur peut faciliter sur le papier les schémas tactiques, et concentrer sept équipiers autour d’un leader unique. Sauf que ce n’est pas vraiment le cas. Mathew White a beau justifier l’éviction de Caleb Ewan par la fameux critère sportif, et l’inexpérience du principal concerné, l’ex-Orica n’a pas convoqué les meilleurs grimpeurs de son effectif. Seul Mikel Nieve, qui sort du Tour d’Italie, possède le niveau pour épauler Yates dans les grands cols. Bauer, Durbridge, Hayman, Hepburn et Howson sont de bons capitaines de route pour les étapes de transition, sans plus. Daryl Impey apparaît alors comme la solution de rechange en cas d’arrivée en petit comité. Certainement pas la grosse équipe prévue pour un évènement du calibre du Tour.

Des dissensions internes qui rappellent le cas Coquard

Alors, n’y aurait-il pas un peu de mauvaise foi derrière la machine de communication habituellement très bien huilée des Océaniens ? Vainqueur du sprint de Milan-Sanremo, échouant sur les talons de Vincenzo Nibali, Ewan n’a pas raté son printemps. S’il a statistiquement moins gagné que les années précédentes, où il avait l’habitude de tout rafler sur le Tour Down Under et l’Herald Sun Tour, le bolide au gabarit atypique a même fait des progrès dans les arrivées en bosse, battant les puncheurs sur le traditionnel circuit de Stirling. Conséquences d’un talent déjà admiré de tous depuis ses débuts professionnels, les offres de contrat ne manquent pas. Au moment où les courbes des résultats semblent se croiser entre un Ewan ascendant et un Greipel déclinant, filant sur ses 36 ans, Lotto-Soudal en aurait même fait sa priorité, à en croire le Het Nieuwsblad.

Les surprises sur le marché des transferts sont dernièrement à la mode, et les retours de bâton légion. Demandez-donc à Julen Lopetegui, tout heureux de reprendre les clés de la Maison Blanche du côté de Santiago Bernabeu, ainsi qu’à Fernando Hierro, nommé chef d’orchestre du onze footballistique espagnol pour la Coupe du Monde en Russie. Pour revenir à notre sport, l’an passé déjà, Direct Energie avait sanctionné les négociations en catimini menées par Bryan Coquard pour trouver une nouvelle destination. La punition, d’un autre temps diront certains, était rude. Non-sélection sur le Tour de France, et prise en grippe pour toutes les épreuves s’étalant d’août à octobre.

Il y a des signes qui parfois font écho, et la mise sur le carreau de Caleb Ewan pourrait bien révéler un malaise similaire. Les deux sprinteurs, intégralement formés dans chacune des deux maisons, ont pu froisser l’ego de certains managers, interprétant les envies de départ pour un manque de gratitude vis-à-vis de l’encadrement apporté. Mais si cette spéculation s’avérait réelle, c’est une clause récente du marché cycliste qu’il serait bon d’invoquer, pour éviter de freiner des parcours. Les transferts prenant effectivité dès le 1er août ou le 1er septembre, sont de plus en plus courants. Pourquoi Ewan n’en ferait-il alors pas de même ?

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