Longtemps frères ennemis du sprint mondial, Mark Cavendish et André Greipel possèdent tous les deux des palmarès à faire frémir l’immense majorité du peloton. Détenteurs à eux deux de 303 succès en seize ans de carrière, les ogres déchus entament une saison 2020 qui devrait être, sauf surprise, celle de la dernière chance. Peut-on vraiment les imaginer réoccuper le devant de la scène ?
Des paris aventureux
Sorti du bourbier breton dans lequel il était pourtant allé de son plein gré, le Gorille de Rostock a choisi une nouvelle destination surprise en rejoignant l’Israël Start-Up Nation Cycling Team. Promue sur le tard en World Tour après avoir racheté la licence de l’ancienne formation Katusha-Alpecin reléguée aux archives, la compagnie du milliardaire canadien Sylvain Adams s’est offert quelques stars dans un but bien précis, celui de les relancer. Dans des registres bien opposés, Greipel évoluera avec Dan Martin, lui aussi auteur d’une mauvaise saison 2019. Si l’écart philosophique qui séparait Lotto-Soudal d’Arkéa-Samsic est probablement aussi grand entre l’équipe d’Emmanuel Hubert et le nouveau venu israélien, Greipel semble avoir retrouvé du jour au lendemain une motivation sans pareille.
Mark Cavendish, lui, n’avait pas quitté le World Tour et a décidé d’y rester, pour devenir un pilier symbolique de la refondation du projet Bahrain-Merida, marquée à l’intersaison par le départ de la diaspora italienne autour de Vincenzo Nibali. Entouré de nouvelles recrues anglo-saxonnes et d’un manager général qu’il connaît bien, en la personne de Rod Ellingworth, le ManxExpress se prend à rêver de retrouver un niveau qui l’avait conduit à porter la maillot jaune sur les plages d’Utah Beach, en ouverture du Tour de France 2016. Celui qui fut le sélectionneur de l’équipe de Grande-Bretagne l’avait aussi recruté chez Sky en 2012 afin d’honorer un maillot arc-en-ciel conquis de haute lutte à Copenhague. Et il y croit dur comme du bois : « Je crois toujours que Mark est l’un des meilleurs dans son domaine. Lorsqu’il est en bonne condition, lorsqu’il est vraiment motivé, c’est techniquement le meilleur du monde. ».
Des reprises décisives
Chez Greipel, son ancien coéquipier de la T-Mobile, ensuite devenue HTC-Columbia, le son de cloche est identique. Celui qui cohabita tant bien que mal avec Cavendish de 2006 à 2010 s’est empressé de rappeler : « Mes succès en carrière sont toujours arrivés lorsque j’avais un bon rapport avec mes coéquipiers, et je vois déjà qu’ici, chacun est très respectueux vis-à-vis de l’autre. […] J’ai confiance dans l’équipe, dans les directeurs sportifs et les coureurs, tout autant qu’en moi pour retourner au plus haut niveau. » Contrairement à un leader sur trois semaines qui peut se permettre de faire l’impasse sur le printemps, ou de se manquer sur des épreuves préparatoires comme Paris-Nice, le Tour de Romandie voire le Dauphiné, les sprinteurs n’ont que trop peu de temps pour se mettre dans le bon tempo.
Greipel et Cavendish en savent quelque chose. Double vainqueur du Tour Down Under avant l’introduction de la colline de Willunga, en 2008 et 2010, l’Allemand y a remporté dix-huit victoires, dont la dernière en 2018. L’Anglais y a moins ses habitudes, et ne prendra pas le départ de l’épreuve australe. Les obligations collectives l’emmèneront en Arabie Saoudite pour effectuer sa reprise, avant la tournée des Émirats devenue le grand classique des sprinteurs et des flahutes pour le mois de février. Ne pas impressionner à cette période conduit souvent à faire gamberger davantage, déstabiliser les poissons-pilotes, et solidifier un cercle dépressif duquel nombre de professionnels n’ont jamais pu s’extirper.
On devrait donc vite savoir si André Greipel, le coureur le plus victorieux du peloton professionnel, jouera un rôle dans la hiérarchie du sprint en 2020, et si Mark Cavendish pourrait être en mesure de titiller le record de victoires d’Eddy Merckx sur le Tour de France. Auréolé du soutien de la marque automobile McLaren, grillera t-il la politesse aux pilotes officiels de l’écurie orange avant le Grand Prix d’Australie ? La surprise vaudrait celle du titre mondial de Jenson Button il y a un peu plus de dix ans.
Ce sont les 2 transferts les plus étonnants. Je ne pensais pas qu’ils retrouveraient une équipes en 2020…
la retraite de Mark Renshaw n´arrange rien pour le Cav; sans l´australien, son palmares ne serait probablement pas aussi impressionnant . Un duo parfait pendant un paquet de saison .
Cavendish réussira à laisser simultanément l’image d’un des meilleurs sprinteurs de tous les temps, peut-être le meilleur, et d’un énorme gâchis. Sans ce choix d’aller s’enterrer chez la sky en 2012, sans les chutes et les maladies, il aurait probablement explosé le record de Merckx.
Je ne partage pas cet avis. D’abord, il n’a passé qu’une seule saison chez la Sky : trop court pour qu’on puisse parler d’un “enterrement”, comme vous dites, surtout que cette année n’a pas été non plus dénuée de succès. Ensuite, dès la saison suivante, 2013, à son arrivée chez Quickstep, il retrouve son rang : certes, il y a moins de victoires sur le Tour (quoiqu’il y remporte la meilleure étape de plaine de la décennie, celle de Saint-Amand-Montrond), mais cela tient au fait qu’il manquait de fraîcheur car sortant d’un Giro exténuant où il avait décroché le classement par point (rejoignant ainsi Merckx, Abdoujaparov, Jalabert et Petacchi dans le cercle fermé des coureurs vainqueurs des classements par points des trois GT), celui de la combativité et cinq étapes, et faisait face à une concurrence qui, elle, s’était focalisée sur le Tour (ni Kittel, ni Greipel n’étaient allés en Italie cette année-là). C’est également en 2013 qu’il est sacré champion de Grande-Bretagne sur route pour la seule fois de sa carrière, point d’orgue d’une saison à vingt victoires (l’une de ses plus prolifiques). L’année charnière, pour moi, est 2014, avec cette chute et cet abandon dès la première étape… Lire la suite »
Je n’ai rien contre Cavendish, bien au contraire,je lui souhaite de remporter encore des victoires et de toute façon il possède un splendide palmarès.
Mais je suis heureux que le record de victoires d’étape dans le Tour reste l’apanage d’Eddy Merckx,le plus grand champion de l’histoire du cyclisme.