Sixième de ce Tour de France, Romain Bardet réussit une belle prouesse en se classant pour la cinquième année d’affilée dans les dix premiers de la plus grande course du monde. Mais le public l’attendait un peu plus haut. Auteur de deux podiums sur les deux dernières éditions, l’Auvergnat a reculé dans la hiérarchie.

Le train allait trop vite

Bousculé dès la première semaine qui fut un long chemin de croix, Bardet pensait avoir outrepassé les obstacles les plus démoniaques qui se sont posés en travers de sa route. Dix-septième du général à 1’49’’ de Geraint Thomas au soir de la première journée de repos, la meilleure chance française a rapidement vu que la gagne était inatteignable. Accusant le coup dès les pentes de la Rosière, le leader d’AG2R la Mondiale a confirmé ses difficultés dans la côte de la Croix-Neuve, à Mende. Malgré une très belle ascension de l’Alpe d’Huez, l’interminable col du Portet a mis définitivement fin à ses illusions, suite à une défaillance aussi soudaine qu’inattendue. Penaud, Vincent Lavenu n’en disait pas moins au soir de la dix-septième étape : « C’est peut-être la plus grande déception qu’il connaît depuis son début de carrière car jusqu’ici il a plutôt une progression linéaire, toujours dans l’amélioration. »

Alors qu’on le pensait plus fort que jamais, et psychologiquement débarrassé de sa déception marseillaise survenue l’an dernier, Bardet paraît avoir baissé pavillon au moment où l’adversité s’est révélée à son pic de pugnacité. Impérial au Dauphiné, Thomas a surpris son monde en rééditant pareil exploit sur trois semaines, tandis que les Dumoulin et Roglic ont rapidement mis la main sur sa poursuite. Il n’y avait alors plus vraiment de place pour que Bardet s’exprime, en compagnie des Movistar, perdus dans la pagaille et défaillants dans l’exécution de leur plan. Porté par un esprit de conquête reconnu, le Français est resté fidèle au tempérament que lui prêtait son manager général, à savoir une « capacité de rebondir vite et de se refaire un moral très rapidement ». Parti dans le Tourmalet à 100 bornes de Laruns vendredi, plus qu’au niveau sur le chrono samedi, Bardet a confirmé une allure somme toute correcte, chipant la sixième place à Espelette. Sans plus.

Un grain de sable et des cailloux dans le porte-bagage

Coureur très performant sur les six premiers mois de l’année, un peu plus émoussé après les Champs-Elysées, Bardet avait jusqu’à présent toujours répondu à des attentes de plus en plus élevées. Mettant de côté le facteur chance et « l’extrême densité qui amène à relativiser cette sixième place » , dixit Julien Jurdie, il est temps de tirer les leçons de cet échec timoré pour repartir du bon pied. En commençant par éloigner toute spirale de stagnation, potentiellement destructrice. « Ça fait partie du parcours d’un athlète de haut niveau, il faut savoir l’accepter, comprendre, rebondir derrière… », justifiait Lavenu, qui ne précise pas pour autant ce qu’impliquera ce travail de réflexion. L’interdiction de tirer des bilans « à la volée » et de s’emballer dans un sens ou dans l’autre ne peut faire obstruction.

« Je pense que beaucoup de coureurs auraient signé pour obtenir cette place à ParisEt avec des si, je serais premier ministre. » Pierre Latour, maillot blanc sur les Champs-Elysées, préfère retenir que « cela se joue à pas grand-chose », et la prédominance « d’aléas ». Mais ces aléas sont bien plus que des détails, et pour espérer au minimum remonter sur le podium, Bardet devra à nouveau combler l’écart qui le sépare des tout meilleurs sur les courses par étapes. Malicieux et coursier dans l’âme, il n’a pas réussi à renouveler son exploit de Peyragudes, où il lâcha ses rivaux à la pédale sans anticipation. Car même sans scénarios animés et débarrassé de toute poisse, les différences continueront à se creuser dans les tous derniers hectomètres. S’il « voulait finir le Tour la tête haute », et qu’il ne le clôt en effet pas trop mal, le garçon est obligé de progresser encore et encore. La dure loi d’un sport qui ne pardonne rien. Et d’un Tour qui ne fait pas de cadeau aux grimpeurs.

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