Cette première semaine, au sens large, n’est pas encore terminée. Gare, donc, aux jugements hâtifs, surtout qu’arrivent les pavés, dimanche. Mais jusqu’à maintenant, malgré quelques petits rebondissements, le constat est unanime : loin de l’emballement attendu, les premiers coups de pédales auront été on ne peut plus ennuyeux. Comme si tout était écrit à l’avance.

La dure loi du plus fort

Pour rester honnête, nous ne nous attendions pas vraiment à ce qu’une échappée parvienne à tromper la vigilance des sprinteurs ou des équipes de leaders, que ce soit en Vendée ou en Bretagne. Mais en attendre un petit peu plus, avec à la clé un spectacle alléchant pour la suite des événements, n’avait rien d’un comportement indigent. Systématiquement, les échappées n’auront eu aucun mal à se former, quand échappée il y eut. Régulièrement composées de coureurs issus des équipes invitées, à l’exception du valeureux letton Tom Skujins, maillot à pois pour Trek-Segafredo, ces dernières n’auront guère réussi à dépasser trois intérêts convenus. Montrer le maillot et occuper l’antenne pour ravir les sponsors, se disputer et conserver quelques jours la tunique de meilleur grimpeur, et décrocher les primes des sprints intermédiaires. Le seul frisson, et encore, le terme est relatif, s’est fait ressentir dans les trente derniers kilomètres de l’étape de Sarzeau, où quatre hommes ont cru endormir un peloton bloqué en pilotage automatique.

Frustration, déception, et sentiment d’observateur privilégié d’une mécanique savamment huilée pour les quelques courageux des kilomètres zéro, citons Yoann Offredo et Sylvain Chavanel. Pour les téléspectateurs les moins avertis, ce début de Grande Boucle confère un triste spectacle comme peu d’éditions de la dernière décennie nous y avaient habitué. Prendre le maillot jaune en baroudeur à la manière d’un Romain Feillu il y a dix ans semble hors de portée. Mais si la victoire et la bonne affaire semblent inaccessibles, c’est bien la résignation qui l’emporte, lorsque l’on voit désespérément les uniques attaquants se retourner en direction d’une muraille en arlequin ayant décidé de faire rideau. Malgré une certaine variété de profils, entre étapes de plaine et semi-classiques s’achevant à Quimper puis Mûr-de-Bretagne, les grands noms ont verrouillé la course avant même de signer la feuille de départ. De là à parler de main invisible, il n’y a qu’un pas.

Qui a éteint la lumière ?

Heureusement, compte tenu du menu qui se profile, les choses ne devraient pas durer bien au-delà de l’étape du 14 juillet, ce samedi, dernière journée d’ennui assuré. Les pavés de Roubaix puis l’attaque des sommets alpins nous plongeront dans un environnement radicalement différent, où la course se gagnera tous les jours. Cette fois, il ne sera plus possible de voir Tim Declercq et Julien Vermote rouler seuls en tête de peloton jusqu’au portillon d’arrivée. Fini ce scénario où la quasi-majorité s’auto persuade à coup de méthode Coué qu’il vaut mieux garder des forces pour le lendemain plutôt que de se découvrir inutilement, avant, au choix, d’embrayer dans les dix dernières bornes d’un final ultra-rapide où les corps tendus peuvent s’entrechoquer le long du bas côté, ou de se relever sagement. Terminé ce long défilé à travers champs, forêts et clochers, où l’âme de la France du Tour ne parvient pas à ressusciter son peloton désenchanté.

Désormais, il n’est plus tabou de reconnaître que l’on peut s’ennuyer, parfois sévèrement, sur une longue étape plate. Peter Sagan fait partie des premiers à le concéder, et pourtant, ces nouvelles manières lui facilitent le terrain, au même titre qu’un Gaviria ou le Kittel de l’an passé. Réduites à huit coureurs au lieu de neuf, les équipes parviennent toujours à assigner des rôles de plus en plus précis à l’intégralité de leur troupe, avec comme leitmotiv la protection permanente du chef de file. Apparue depuis quelques saisons, la mode qui consiste à apercevoir les Sky, BMC et Movistar s’intercaler dans les trains des formations de sprinteurs jusqu’à l’arche des trois kilomètres n’est pas bien perçue. Au même titre que rouler quand le huitième du général est distancé, pour consolider une septième position. Les intérêts boutiquiers et particuliers n’ont jamais été aussi conséquents, et leur addition contribue inexorablement au verrouillage du tout. Un faux-rythme déroutant.

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