Une première saison complète sur la route, 24 ans seulement et déjà un statut de favori à assumer sur les championnats du monde. On a compris depuis un moment que Mathieu Van der Poel était un phénomène pas comme les autres, mais la course en ligne des Mondiaux pourrait venir souligner encore plus l’exception qu’il est.

Un adulte avec des enfants

Il est une machine à gagner qu’on n’arrête plus. Après avoir roulé sur la concurrence en cyclo-cross, Mathieu Van der Poel voulait voir ce qui se faisait sur la route. Il n’a pas mis longtemps à prendre la mesure de la chose, vainqueur de l’Amstel Gold Race dès sa première saison pleine. Mais comme le bonhomme a la bougeotte, alors qu’on lui promet une énorme pancarte sur les Mondiaux, il a décidé de quitter le bitume le temps de l’été pour aller se frotter aux cadors du VTT. Résultat, trois victoires sur des manches de Coupe du monde, devant la référence Nino Schurter. L’ogre est multifonctions, un aimant à superlatifs pour qui personne ne veut plus se risquer à fixer de limites. C’est comme si le Néerlandais était en fait capable de gagner tout ce qu’il voulait, à condition de le vouloir assez fort. Voilà comment on devient à 24 ans un favori, si ce n’est le grandissime favori, de son premier Mondial sur la route.

A bien y réfléchir, tout est réuni. Le parcours est taillé pour les puncheurs, mais peut-être faudra-t-il être rapide au sprint pour aligner un petit groupe à l’arrivée. Parfait pour Van der Poel. Là où d’autres comme la Belgique devront gérer plusieurs leaders, les Pays-Bas sont dévoués à leur prodige. Encore un bon point. Enfin, la préparation du « VDP » a été optimale, sur le papier. Des victoires en pagaille, sur l’Arctic Race au mois d’août, sur le Tour de Grande-Bretagne en septembre – trois étapes et le classement général. « Il nous a fait passer pour des juniors », soulignait avec admiration Matteo Trentin sur les routes britanniques. Partout où il passe, Van der Poel donne le vertige. On annonce deux hommes pour l’empêcher d’être sacré champion du monde : Sagan et Alaphilippe. Mais les deux ont été battus par le Néerlandais cette saison.

Jamais rassasié

Pour Alaphilippe, c’était au printemps. Sur la Flèche Brabançonne, d’abord, puis surtout lors de l’Amstel. On n’oubliera pas que le Français s’est sabordé, offrant à Van der Poel une opportunité qui n’aurait jamais dû se présenter. Mais on retiendra surtout, quoi qu’il arrive, les derniers 1500 mètres ahurissants de celui qui avait alors des airs de hollandais volant. Avec Sagan, le duel a été plus insidieux, moins frontal. Sur le Tour des Flandres, le Slovaque n’avait pas vraiment disputé le sprint des battus pour le podium, quand le Néerlandais avait pris la quatrième place, revenant d’une chute malheureuse à 60 kilomètres de l’arrivée. Mais la Primus Classic, il y a une semaine, a livré d’autres enseignements. Sur les routes belges, même s’il n’a pas gagné, c’est Van der Poel qui a fait mal à Sagan, et pas l’inverse. Le bonhomme voulait seulement se tester et il a mis tout le monde dans le dur. Il s’est forcément rassurer. Mais ce n’était pas suffisant, alors après la course, il a fait du rab, cent kilomètres d’entraînement, pour se préparer aux 285 kilomètres de dimanche.

Alors il reste des interrogations. Van der Poel a prouvé cette année qu’il tenait la distance, il a prouvé depuis plusieurs saisons qu’il supportait la pression, y compris lors de championnats du monde. Mais il lui manque encore l’expérience d’un tel rendez-vous et la science tactique, aussi. Il y a fort à parier qu’il aura les meilleures jambes, dans le Yorkshire ce week-end. Mais ce qui est souvent suffisant en cyclo-cross ne l’est pas sur la route. Sagan et Alaphilippe, pour ne citer qu’eux, ont payé pour apprendre, parfois sur des Mondiaux, parfois ailleurs. Le Néerlandais n’est pas encore passé par cette étape. Alors il doit considérer l’échec. Son détachement, son amour pour d’autres disciplines, devraient l’aider à ne pas avoir peur de ne pas être champion du monde. Et ce sera même, sans doute, sa meilleure arme pour le devenir. Parce que chez lui tout semble si simple. Il pourrait presque être champion du monde chaque année. Mais finalement, pourquoi attendre ?

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