C’est désormais une habitude. Une anomalie dont on s’accommode. Alejandro Valverde prend de l’âge mais reste aussi fort. Il y a une semaine, il décrochait sa dixième victoire d’étape sur le Tour d’Espagne et frustrait encore une fois tous ses adversaires. Les mêmes qui, gamins, ont certainement découvert devant leur télévision les exploits du Murcian, il y a de cela déjà quinze ans. Retour sur la Vuelta 2003, là où le phénomène a explosé aux yeux de la planète cyclisme.

D’emblée dans le match

En septembre 2003 à Madrid, un jeune homme prend la troisième place de la Vuelta. Mais aucun observateur ne peut s’imaginer qu’il sera encore là, à truster les victoires, quinze ans plus tard. Derrière le vainqueur, Roberto Heras, et son second, Isidro Nozal, Alejandro Valverde sait qu’il a tout l’avenir devant lui. Un avenir radieux, qui le verra notamment triompher sur le Tour d’Espagne en 2009. Le reste du temps, il sera toujours dans le coup, pour les étapes comme pour le général. Une histoire d’amour avec une épreuve qui lui va comme un gant, où ses qualités de coureur complet peuvent s’exprimer sans entrave. Après une première expérience avortée en 2002 (abandon lors de la 15e étape, sur les routes de l’Angliru), le coureur de la Kelme se met en évidence lors de sa deuxième saison professionnelle. Sur le calendrier espagnol, déjà, il répond présent : vainqueur sur le Challenge de Majorque, de la Klassika Primavera et de la Prueba Villafranca de Ordizia, 3e du Tour d’Andalousie, 5e du Tour du Pays-Basque… Le jeune Alejandro impressionne et pense déjà à la Vuelta.

Bien avant la naissance du Pro Tour, le Tour d’Espagne se révèle encore, comme le Tour d’Italie, très centré sur lui-même. Six équipes espagnoles y prennent part, plus la formation colombienne Café Baqué. Le classement général final atteste de cette omniprésence, avec huit espagnols parmi les dix premiers. Au milieu de ces forces vives, la formation Kelme est l’une des vétéranes. Présents dans les pelotons depuis 1980, les célèbres maillots vert-bleu-blanc envoient sur les routes de cette Vuelta 2003 une équipe solide. Avec pour leader Oscar Sevilla, l’une des révélations du début de la décennie. Celui-ci sort pourtant d’une saison blanche et sa participation à la Vuelta suscite de nombreuses interrogations. Il devra composer avec Valverde, un coéquipier aux dents longues qui ne tarde pas à faire parler la poudre. Troisième de la 3e étape arrivant à Cangas de Onis, huitième de l’étape arrivant à Cauterets, Valverde est dans le coup. Mais loin du leader Isidro Nozal, vainqueur écrasant du chrono de Saragosse. La course se dirige alors vers l’Andorre.

Irrésistible Alejandro

Tout au long de cette neuvième étape, longue de 175 kilomètres, les favoris tentent de déstabiliser le leader de la ONCE, Isidro Nozal, tout de jaune vêtu. Au terme de l’ascension vers le Port d’Envalira, balayé par le vent, personne n’arrive à se départager malgré les tentatives des Fassa Bortolo ou des Banesto. En embuscade, Valverde effectue un dernier jump sans véritablement s’employer pour venir à bout du groupe des favoris. Une bonne nouvelle ne venant jamais seule, le voici qui se retrouve leader unique de la Kelme, Oscar Sevilla ayant cédé plus de deux minutes dans la montée. Le Murcian est en pleine forme et n’hésite à se mesurer aux sprinteurs les jours suivants, terminant respectivement 6e et 4e de deux étapes remportées par Erik Zabel. De son côté, Isidro Nozal continue sa domination en remportant son deuxième contre-la-montre du côté d’Albacete. Jusqu’à présent, cette édition de la Vuelta se révèle morne. Tout va changer sur les pentes de Sierra de la Pandera, dans la province de Jaen.

Dans cet environnement qui n’est pas sans rappeler le Mont Ventoux, la course s’emballe enfin. Dès le pied de la montée finale, les US Postal de Heras impriment un gros tempo par l’intermédiaire de Manuel Beltran. Felix Cardenas, leader de l’équipe Café Baqué, à la recherche d’un succès d’étape, s’envole. Puis c’est au tour de Roberto Heras de partir à quatre kilomètres du sommet. Nozal vacille. Valverde, lui, s’accroche. Bien secondé par Sevilla, il finit par rattraper le duo Cardenas – Heras dans les ultimes mètres avant de les aligner au sprint. Deuxième victoire, maillot bleu du classement par points, le garçon rayonne. Quatrième le lendemain au sommet de la Sierra Nevada, c’est surtout lors de l’avant-dernier jour que le leader des Kelme va marquer les esprits.

Sur les pentes de l’Alto Abantos, dans un chrono en cote dévastateur, Valverde vient mourir à quatorze secondes du vainqueur du jour Roberto Heras, qui par la même occasion réussit lui à renverser un Isidro Nozal aux abois. En remontant à la troisième place du général, le jeune loup réussit un coup de maître, assorti d’une victoire au classement du combiné. L’Espagne se découvre alors un nouveau chouchou, offensif, complet et sans complexe. Qui décrochera quelques semaines plus tard une belle médaille d’argent lors des Mondiaux de Hamilton, favorisant qui plus la victoire de son compatriote Igor Astarloa. La conclusion d’un automne de feu. Au printemps d’une carrière hors normes.

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