On ne peut plus vraiment jouer les surpris. Parce qu’Alejandro Valverde nous fait le coup depuis bien trop longtemps maintenant. On se pose des questions sur sa capacité à être toujours au top malgré les années, puis on s’étonne qu’il réponde encore présent. En réalité, c’est quand il commencera à réellement décliner qu’on fera les gros yeux.

L’état d’esprit d’un néo-pro

Passer en huit mois d’un abandon sur le Tour, genou en vrac, à coureur le plus prolifique du peloton avec huit victoires à la fin du mois de mars, est retentissant. Et pourtant, c’est comme s’il y avait là une forme d’évidence qui venait nous rappeler qu’encore une fois, on avait eu tort de douter de l’Espagnol. « Je ne suis pas surpris par ce qu’il fait cette saison, nous a confié Yvon Ledanois, son directeur sportif de 2008 à 2012. Je serais surpris le jour où il aura une approche différente, qu’il ne sera plus ce gamin de 18 ans qui veut tout révolutionner, tout casser. » Le secret, bien sûr, est dans la tête. Où pour lui, il n’y a aucune place pour le doute. Ledanois, pourtant, s’est posé quelques questions lorsqu’il a vu le Murcian à terre, à Düsseldorf. Avant d’être rassuré. « J’ai vite compris qu’il allait revenir quand je l’ai eu au téléphone, raconte-t-il. Il voulait déjà remonter sur le vélo. Parce qu’il est comme ça. Il est heureux quand il part de chez lui pour mettre un dossard au cul. »

Quand s’organisent les stages en équipe, Alejandro Valverde en veut toujours plus. Dix jours sont prévus, mais lui a tendance à passer un coup de téléphone pour voir s’il est possible de rallonger de quelques jours. « Pour lui, le vélo est un jeu plus qu’un métier, nous confiait Christophe Moreau en avril dernier, après la cinquième victoire de l’Espagnol sur la Flèche Wallonne. Quand je vois Rebellin qui court encore, je me dis qu’Alejandro peut facilement dépasser les 40 ans. » Il a d’ailleurs prolongé jusqu’à fin 2019, date à laquelle il aura 39 ans. La quarantaine approche vite. Et l’envie demeure. « Je commence à me faire vieux, mais j’ai toujours le même plaisir qu’à mes débuts », lâchait le principal intéressé la semaine dernière, en Catalogne. « Mentalement, il ne lâche rien, reprend Yvon Ledanois. Il faut vraiment qu’il soit à bout physiquement pour qu’il admette qu’on le mette au repos. »

Favori à sa propre succession

Il suffit de voir comment il est revenu de sa blessure au genou. La rééducation s’annonçait longue, mais lui ne voulait pas perdre de temps. « Il faisait toujours plus que ce qui était nécessaire, rapportait cet hiver le médecin de Movistar, Jesus Hoyos, pour le journal El Mundo. Si on lui demandait de bouger son genou à 45 degrés, il atteignait 60. Si on lui demandait 15 pompes, il en faisait le double. […] Il a fait en un mois ce que les autres font en trois. » En pleine Vuelta, alors que les autres bataillaient pour le maillot rouge, lui reprenait doucement en pensant déjà à 2018. « Il aurait pu se dire que sa saison était terminée, note justement Ledanois. Mais non, il s’est imposé une grosse charge de travail en sachant que ça allait lui servir pour la saison prochaine. Il a déjoué les pronostics de ceux qui le voyaient à la retraite ou incapable de rejouer la gagne. »

Il n’y a pourtant là rien de bien nouveau. Alejandro Valverde a toujours eu l’habitude de revenir plus fort après ce qui aurait pu stopper sa carrière, que ce soit les chutes ou les affaires de dopage. « A 30 ans, les gars vous parlent de reconversion, mais lui vous parle de plan de carrière, souligne Yvon Ledanois. Tant qu’il aura cette fraîcheur et cet état d’esprit, il peut durer. Mais ce n’est à personne de dire si ce sera un, deux, trois ou quatre ans. » A moins d’un mois de la Flèche Wallonne et Liège-Bastogne-Liège, l’Espagnol a donc rappelé à tous qu’il sera là pour défendre ses titres. « Il est imbattable quand il est dans les 200 derniers mètres en montée, assurait Moreau l’an passé, car dans la tête il est plus fort que tout le monde. » « Pour lui faire perdre la Flèche, il faut s’appeler Julian Alaphilippe et être en pleine forme », prédit de son côté Ledanois. C’est dire la tâche qui attend le Français.

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