« Alejandro Valverde est un champion. Et un champion, c’est capable de tout, tout le temps », nous professait Ivan Basso il y a quelques jours. Cette saison, l’Espagnol lui donne raison. Les Tours d’Andalousie et de Murcie en poche, il s’est permis de dominer Contador sur ceux de Catalogne et du Pays-Basque. Hier, il a décroché sa quatrième Flèche Wallonne de suite. Phénoménal pour un coureur de 36 ans.

Et ce n’est que le début d’une saison qui durera certainement, comme chaque année pour lui, jusqu’en novembre. Valverde ne prend pas de repos et domine le cyclisme depuis près de quinze ans. Nous avons cherché à comprendre qui était cet extraterrestre et comment il arrivait à dominer. Son ami et ancien équipier Christophe Moreau a accepté de dévoiler quelques secrets d’El Imbatido pour la Chronique du Vélo. Et d’après lui, cette domination n’est pas prête de s’arrêter.

Astarloa, Vuelta et triplé

Cinq Flèches, quatre classements UCI, trois Liège, deux classiques San Sebastian et une Vuelta… Le palmarès d’Alejandro Valverde est long comme un bras. Six podiums aux championnats du monde, trois sur l’Amstel Gold Race, deux sur le Tour de Lombardie et un sur le Tour de France… Le décompte de ses places d’honneurs aussi. Tout a commencé en 2003. Pour sa deuxième année pro, l’Espagnol, 23 ans alors, termine deuxième des Mondiaux. « C’est là qu’on l’a découvert, tout jeune. Il était encore inconnu à ce moment-là et il termine derrière un autre Espagnol, Astarloa. À ses tous débuts, il frappait déjà un grand coup sur la scène internationale », se souvient Christophe Moreau, huitième du Tour de France la même année.

« Il travaille beaucoup certes, mais à travail égal on n’a pas tous les mêmes résultats. »

Christophe Moreau

Ce jour-là, le jeune Murcian règle le sprint du groupe des poursuivants, échouant à quelques secondes du moins prestigieux maillot arc-en-ciel du siècle. Quelques semaines plus tôt, Alejandro Valverde avait déjà fait imprimer son nom sur tous les journaux du pays. Troisième de la Vuelta, il avait impressionné par sa capacité à être l’un des meilleurs sur tous les terrains, terminant douze des vingt-et-une étapes dans les dix premiers. Un prodige était né. Quatorze ans plus tard, l’Ibère est toujours aussi fringuant. Son début de saison tend même à prouver que, comme le bon vin, Alejandro Valverde s’améliore avec le temps : Tour d’Andalousie, Tour de Catalogne et Tour du Pays-Basque. Un triplé inédit jusque-là.

« A l’entraînement, il joue les sprints à chaque pancartes »

Alors quel est le secret du coureur le plus abouti du XXIe siècle ? « C’est un garçon qui est joueur », entame Christophe Moreau, « dans sa tête c’est un enfant. Même à l’entraînement il joue les sprints à chaque pancartes, en haut des cols… Il ne lâche jamais rien de janvier à décembre. Il donne l’impression d’être toujours en forme, il n’a pas de creux, il est toujours en haut de la vague. C’est incroyable. » L’insatiable Valverde couple cet amour du vélo avec un talent hors norme qui impressionne Moreau : « C’est un véritable champion avec cette facilité inée. Il travaille beaucoup certes, mais à travail égal on n’a pas tous les mêmes résultats, il faut aussi un gros moteur et un gros mental. » Son métabolisme avantageux l’aiderait également : Valverde est de ceux qui ne prennent pas de poids, même l’hiver. Une chance quand d’autres doivent sans cesse surveiller la balance.

Quand l’ancien leader du Crédit Agricole a rejoint la Caisse d’Epargne en 2010, il ne connaissait pas encore personnellement Valverde. Mais il venait pour l’aider : « J’ai signé là bas grâce à Yvon Ledanois qui voulait l’entourer d’hommes expérimentés, solides, capables de l’épauler partout. » Le Nordiste en fin de carrière, plusieurs fois dans le top 10 du Tour et qui partage avec Valverde la particularité d’être un double vainqueur du Dauphiné Libéré, était parfait pour le job.

Jambon, bière et dopage

Si Christophe Moreau n’a finalement passé qu’une saison aux côtés de Valverde, elle a été suffisante pour le séduire par « sa fraîcheur, sa spontanéité, sa gentillesse, sa générosité et son talent incroyable. » Une véritable hagiographie. Il faut dire qu’à en croire l’ancien champion de France, Valverde cajole ses équipiers : « On s’est vite lié d’amitié car il est attachant et il n’oublie jamais ses partenaires. L’hiver, il envoie un jambon Pata negra ou Serrano à ses coéquipiers pour les remercier de l’avoir aidé à décrocher de grandes victoires. C’est un grand leader. »

Et Christophe Moreau de nous dévoiler le pêché mignon de son ami : « Il prenait toujours une bière après les courses ou le soir avant le repas. Il adore la bière ! Ça peut sembler contre-nature dans un monde où la diététique a pris une telle importance, mais, avec lui, il y avait plus de San Miguel que de Coca dans le bus ! Et puis il en offrait à tout le monde. » Jamais d’excès non-plus : « Il n’en buvait pas deux », tempère Moreau.

« Lui ne m’a pas déçu, j’ai juste regretté le timing car il venait de gagner en Romandie et j’avais travaillé dur toute la semaine pour rien finalement. »

Christophe Moreau

Ce portrait flatteur du parfait coéquipier a parfois été troublé par les supputations sur ses relations avec Joaquim Rodriguez quand celui-ci était à la Caisse d’Epargne. En champion, Valverde n’aimerait pas l’ombre. Difficile de l’affirmer, d’autant que son comportement avec Quintana, d’abord craint, a finalement été plutôt bienveillant. Côté critiques, les plus septiques rappellent aussi souvent les affaires qui ont parfois rattrapé le Murcian, finalement toutes issues de ses liens présumés avec le Docteur Fuentes.

Christophe Moreau, qui a vécu la suspension de Valverde au sein de la Caisse d’Epargne en 2010, a tendance à le défendre : « C’était des affaires en suspens depuis longtemps qui traînaient depuis 2006… Mais ses performances de l’époque ne peuvent être mises en doute. D’ailleurs on voit aujourd’hui qu’il est même peut-être meilleur qu’en 2010. Lui ne m’a pas déçu, j’ai juste regretté le timing car il venait de gagner en Romandie et j’avais travaillé dur toute la semaine pour rien finalement. »

Jusqu’à la quarantaine ?

« Quand je vois Rebellin qui court encore cette année, je me dis que Valverde peut facilement dépasser les 40 ans. »

Christophe Moreau

Depuis son retour de suspension en 2012, Valverde semble effectivement encore plus fort. Sa victoire à Huy hier, la quatrième de suite, n’en est qu’un exemple de plus. Christophe Moreau en était déjà convaincu la veille (lors de l’entretien) : « Il va encore gagner la Flèche Wallonne. Il est imbattable quand il est dans les 200 derniers mètres en montée car dans la tête il est plus fort que tout le monde. » Plus pessimiste pour Liège, « moins facile à contrôler que la Flèche », Moreau voit néanmoins Valverde s’offrir des bouquets encore longtemps.

« Pour durer, il faut surtout avoir une santé. Il faut passer à côté des soucis aux genoux, aux tendons… Lui a cette santé à toute épreuve, détaille t-il. La chance rentre aussi en ligne de compte. On a vu des carrières s’arrêter du jour au lendemain avec des chutes mais Alejandro est toujours bien placé à l’avant, entouré de bonnes équipes, ça joue. » Valverde va fêter ses 37 ans dans quelques jours et a prolongé cet hiver jusqu’en 2019 chez Movistar. Alors pour son ancien coéquipier, sa carrière est loin d’être finie : « Quand je vois Rebellin qui court encore cette année, je me dis que Valverde peut facilement dépasser les 40 ans. Pour lui le vélo est plus un jeu qu’un métier. » Un jeu auquel Valverde n’arrête jamais de gagner.

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