Régulièrement, en début ou en fin de saison, lorsque le peloton s’aventure dans des destinations exotiques, on se demande s’il va dans la bonne direction. Le Tour de Turquie, cette semaine, a même eu droit à une promotion en intégrant le World Tour. De quoi faire grincer quelques dents.

A l’assaut du monde

La conquête des pays du Golfe ou de la Chine est-elle réellement l’enjeu du vélo d’aujourd’hui ? Certains ont un avis bien tranché. « Donc le mec qui va gagner le Tour de Turquie aura autant de points World Tour que celui qui a gagné le Dauphiné ?! Pardon, mais là j’ai du mal. » Les mots de Pierre Rolland, sur Twitter il y a quelques jours, témoignaient d’une incompréhension largement répandue. Et tant pis pour son approximation, puisqu’en réalité le barème n’est pas exactement le même (300 points à gagner en Turquie, contre 500 sur le Dauphiné) : c’est l’idée qui compte. Certaines courses historiques se retrouvent mises au même niveau ou presque que de nouvelles venus très exotiques. « Pourquoi s’arrêter aux courses en Europe, questionne malgré tout Yohann Gène. Les autres n’ont pas le droit d’intégrer le World Tour ? » Le Guadeloupéen est clairement pour cette internationalisation.

Il y a pourtant une différence nette entre le Tour Down Under, couru sous le soleil à une époque où la météo européenne est bien moins clémente et qui a surtout été capable d’offrir un réel intérêt sportif, et les épreuves turques ou chinoises, nouvelles venues dans l’élite du cyclisme. « Au niveau du rayonnement, ça se comprend, c’est certain, reconnaît Amaël Moinard. Mais pour ce qui est du spectacle et de l’intérêt, on n’y est pas… » Pourtant, le Normand ne crache pas sur la nécessité de s’ouvrir. « On peut aller loin, le Pro Tour a été créé pour ça et je suis passé pro grâce à ça. Mais cela fait des années qu’on parle de mondialisation, or on a toujours les mêmes problèmes de pérennité des équipes. » Le Tour de Turquie a gravi les échelons depuis quinze ans pour se retrouver aujourd’hui en World Tour. Sans que les investisseurs turcs se soient décidés à investir dans le cyclisme.

En attendant la cohérence

Sans que l’on sache s’il y a une relation de cause à effet, ces rookies du World Tour restent marginalisées, placées cette année au mois d’octobre, quand tout le peloton a juste envie de partir en vacances. « Ce n’est pas cadeau que de placer ces épreuves à cette période, souligne Amaël Moinard. C’est trop pour les coureurs. Est-ce que c’est soutenable de mettre des courses par étapes en octobre ? Je dis non. » Avec des saisons qui démarrent dès le mois de janvier, impossible de pousser jusqu’à l’automne, à moins d’avoir eu des coupures forcées, donc des pépins physiques, au milieu de l’année. Après le Tour de Lombardie, au plus tard, c’est rideau pour quasiment tout le peloton World Tour. « Sinon, on n’a pas de récupération physique et mentale avant la nouvelle saison », justifie le grimpeur français.

Alors si l’internationalisation se comprend, pour le moment, elle ne prend pas. « Les motivations sont réelles mais le calendrier est trop chargé », souffle Amaël Moinard. En vue du Tour de Turquie, même les plus grosses équipes ont eu du mal à boucler leur effectif. Alors si sur le papier, l’épreuve fait partie de la même catégorie que Paris-Nice, Tirreno-Adriatico ou le Dauphiné, la réalité offre une analyse bien différente. Celle d’une course passée presque sous silence, mais terriblement rentable en terme de points. « D’un côté, c’est normal qu’elle rapporte des points puisqu’elle est en World Tour, tempère Moinard. En revanche en terme de difficulté, de plateau et de prestige, ce n’est pas normal. Sauf que le calendrier World Tour est aberrant. » Comme si le problème, d’année en année, ne changeait pas vraiment.

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