Il fallait s’y attendre. Le premier cas de dopage technologique avéré en France, survenu le week-end dernier à l’échelon amateur, a déclenché une vague de réactions toutes moins raisonnées les unes que les autres. Et il n’y a rien de surprenant là dedans tant on a parlé de ces fameux moteurs depuis des mois. Pourtant, il faut arrêter de voir dans ce cas la généralisation d’un système qui serait de toute façon intenable chez les professionnels.

Question d’époque

Certains devront vivre avec. Fabian Cancellara et Chris Froome par exemple, seront toujours soupçonnés par une partie des observateurs d’avoir eu recours, à un moment de leur carrière, à un vélo doté d’une aide électrique. Il n’y a que des suspicions, que personne n’est capable – et personne ne le sera jamais – de transformer en preuves plusieurs années après les faits, et pourtant, cela suffit à convaincre une partie de l’opinion. Soit. On ne saura donc jamais le fin mot de ces histoires. Mais il ne faut pas tout mélanger. Au printemps 2010 ou à l’été 2013, dates des performances exceptionnelles – donc douteuses pour certaines – du Suisse et du Britannique, il y avait une grande différence avec aujourd’hui : personne ne parlait de vélo électrique. Cela vaut donc pour tout le peloton : si certains professionnels de ces dernières années ont pu tricher de cette manière, c’est parce qu’ils ont devancé les instances de contrôle en faisant le choix d’une fraude qui n’était même pas envisagée. Comme lorsque Lance Armstrong utilisait de l’EPO à l’époque où la substance était indétectable.

Depuis, tout a changé. Le monde du vélo a conscience de la possibilité de fraude technologique. Et il est surtout parano. Devant la télé, c’est à croire que chacun épie les comportements des coureurs en laissant de côté toute logique ou bénéfice du doute. La moindre coureur en roue libre interpelle, demandez à Chris Froome, toujours lui. Sur la dernière Vuelta, au terme d’une arrivée en altitude, le Britannique fait demi-tour pour aller féliciter ses coéquipiers. Il est alors en légère descente et n’a plus besoin de pédaler : il n’en fallait pas plus pour que la vidéo fasse le tour des réseaux sociaux sans que personne ou presque ne prenne la peine de vérifier quoi que ce soit. En dépit des lois mécaniques, aussi, chaque chute où la roue arrière, entraînée par la vitesse continue de tourner, suscite de nombreuses réactions. Chaque fois, pourtant, au bout de quelques heures ou de quelques jours, on finit par trouver l’explication logique, celle qui anéantit la thèse d’un vélo à moteur.

Imparfait, mais efficace

Alors oui, tout n’est pas parfait dans la lutte contre cette fraude technologique. Oui, certains coureurs ont peut-être utilisé des moteurs dans le passé. Et certains continuent peut-être et réussissent à passer entre les mailles du filet. Oui, les tablettes de l’UCI, tant décriées par le dernier reportage de Stade 2, ne sont peut-être pas optimales. Mais difficile de se baser sur cet unique sujet – ou même sur les précédents – pour avancer que les cadors du peloton peuvent utiliser des moteurs sans risquer de se faire prendre. On ne peut pas et on ne doit pas répandre l’idée d’un dopage technologique généralisé, comme si le peloton avait juste changé ses habitudes de triche, passant des médicaments aux moteurs.

Stade 2 a en effet montré que les systèmes de l’UCI ne détectent pas précisément l’endroit où se trouve le moteur. Mais ils détectent une anomalie, et cela devrait largement suffire à faire tomber les tricheurs. Si tel n’est pas le cas, il aurait fallu nous le montrer avec une expérience témoin et l’utilisation de la fameuse tablette sur un vélo non modifié. Idem pour ce cycliste amateur, pris en flagrant délit le week-end dernier. Ses victoires étaient suspectes, elles ont été signalées, et il a été pris la main dans le sac. Pourquoi vouloir faire une analogie avec le monde professionnel, ou suspicion ou pas, les vélos sont contrôlés des dizaines de fois dans l’année ? Sans oublier que ce cyclo du sud-ouest possédait un système relativement archaïque, le même présenté par Stade 2 : sans doute efficace, mais si peu discret qu’on n’imagine pas une seconde un professionnel l’utiliser dans un peloton sans se faire repérer. Alors oui à la méfiance, mais stop à la paranoïa. Tout n’est pas parfait dans le vélo. Mais non, tout le peloton ne roule pas avec un moteur.

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