Trente-cinq millions d’euros. C’était le budget de l’équipe Sky en 2016, et dans le peloton, ça a de quoi faire grincer des dents. Si Katusha ou UAE Emirates avancent elles aussi un budget autour de 30 millions d’euros, Movistar (15 M€) ou la FDJ (10 M€) en sont loin. Alors, pour le bien du cyclisme, serait-il judicieux d’instaurer une limite budgétaire pour chaque saison ? Au sein de notre rédaction, les avis divergent.

Il ne faut pas limiter les budgets par Robin Watt

La richesse a toujours fait des envieux, et le cas Sky ne fait pas exception. Mais refuser que de l’argent arrive dans le cyclisme serait une hérésie sans nom. Les investisseurs ne se bousculent pas et leur imposer un investissement maximum, c’est risquer de les faire fuir. Sky, pour sûr, n’aurait pas fait irruption dans le vélo sans pouvoir y mettre les moyens pour asseoir sa domination. Et tant pis pour les autres. Mais si l’on tient à une équité parfaite, par nature impossible à obtenir dans le sport, inversons au moins le problème. Plutôt que limiter le budget des grosses écuries, aidons les plus petites à augmenter leurs revenus. On ne va quand même pas cracher sur des investisseurs fiables et généreux. D’autant que pouvoir signer de gros chèques n’est pas l’assurance de gagner les plus belles courses du calendrier. Demandez à Katusha et UAE Emirates, dont le budget se rapproche de celui de Sky.

En revanche, il faut aussi rendre à Sky ce qui est à Sky. Leurs moyens ont permis de mettre l’accent sur les détails dans la préparation, l’entraînement ou la récupération en course. Difficile de dire à quel point les victoires de Wiggins, Froome et des autres y sont liées, mais toutes les équipes de leaders, depuis, tentent de les imiter. Preuve que tout cela n’est pas que futilité. Et que c’est aussi à la portée des autres. Reste alors un point à soulever. Sur les 35 millions d’euros de budget, plus de 27 sont dédiés aux salaires des coureurs et du staff. De quoi devancer la concurrence, certes. Mais personne n’a forcé ces leaders à sacrifier leurs ambitions personnelles pour un gros salaire.

Il faut limiter les budgets par Alexis Midol-Monnet

S’il faut bien évidemment reconnaître les résultats exceptionnels à la hauteur des dépenses de Sy, et ce depuis bien cinq années, l’augmentation constante des budgets pose la question d’un cyclisme à deux vitesses. Le risque est réel de voir la partition entre deux classes inhérentes au World Tour se creuser. Ces écarts, qui prennent tout leur sens lorsqu’il s’agit de répartir la recherche et développement mais aussi le train de vie collectif sur une saison entière, se retrouvent également d’un point de vue individuel. Sur les 35 millions, presque 28 seraient consacrés à la rémunération des coureurs et du personnel. Des montants mérités, mais qui contrastent avec l’incroyable précarité du monde amateur ou de la Continental Pro, prêts à impacter après coup le marché des transferts, et alimenter le fossé précédemment décrit.

Alors, comment peut-on s’y prendre pour éviter certains excès, et rester dans des proportions consensuelles ? Si elle ne concerne que la partie salariale, l’idée du salary cap, depuis longtemps implantée dans le basket ou le hockey sur glace nord-américain, fait tout doucement son chemin. Cela ne fait même pratiquement aucun doute que David Lappartient, nouveau président de l’UCI, devra faire face à des propositions similaires durant son mandat. En essayant de s’inspirer des autres disciplines voisines, le fair-play financier, lui, pourrait également représenter un débouché crédible. Afin d’éviter les ruptures de contrat déloyales, où les contournements hasardeux des traditions en matière de logement – en référence à la polémique liée aux motor-homes Sky sur le Giro -, une remarque s’impose : il faut une autorité régulatrice plus forte. Même si les contours restent encore en grande partie à dessiner, puisqu’il paraîtrait tellement aberrant de fixer une limite de montant arbitraire à ne pas dépasser. Les hautes instances doivent plutôt donner les moyens à chacun de pouvoir se battre à armes égales.

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