Huitième à Liège, quatrième à Vittel et cinquième à Troyes hier : Nacer Bouhanni enchaîne les places d’honneur. On connaît le caractère volcanique du Vosgien ; alors hier soir, l’ambiance chez Cofidis était studieuse. Au programme : visionnage des derniers kilomètres pour retravailler la tactique. Vous l’aurez compris, Bouhanni est ambitieux et veut sa victoire d’étape, malgré les polémiques.

Les foudres de Guarnieri

« Bouhanni est un trou du cul, un crétin, un idiot. Il a essayé de nous faire chuter. Le pauvre garçon doit être nerveux : il ne gagne jamais. » Jacopo Guarnieri n’a pas mâché ses mots au micro de la Rai hier soir. Si le poisson-pilote du grand rival de Nacer Bouhanni, Arnaud Démare, s’est rapidement excusé sur Twitter, la polémique a eu le temps d’enfler. Ce matin, dans le paddock, les suiveurs ne parlaient que de ça. Yvon Sanquer nous confiait ainsi sa colère : « C’est d’une impolitesse totale. Sans polémiquer avec Guarnieri, il est souvent adepte de ce genre de choses. Il insulte des gens puis après il s’excuse. En tout cas, ça ne nous impressionne pas. » Et lorsqu’on lui demande si Bouhanni est affecté par ce nouveau conflit, le manager de Cofidis répond de manière laconique : « Nacer n’a pas de temps à perdre avec ça. »

Nacer Bouhanni est un compétiteur, évidemment. Il aime lutter, il adore boxer avec ses adversaires mais il aime surtout gagner. Ses résultats ne lui conviennent donc pas. Sanquer détaille : « Nacer est comme tous les sprinteurs, il veut gagner. Être quatrième, ça veut dire qu’on est dans le sprint, mais c’est peut-être encore plus frustrant d’être quatrième sans développer complètement son sprint que d’être douzième parce que à un moment donné, les choses se sont mal emboîtées. » Nul ne doute que Bouhanni aurait aimé s’imposer chez lui, à Vittel. « Je suis à la maison et j’ai très envie de briller », expliquait-il le jour-même. Mais non, c’est Démare, comme un symbole, qui vient lui piquer sa victoire, celle dont il rêvait. Bouhanni, frustré accusait même à demi-mots à son rival de lui avoir coupé la route. Applaudi, félicité et même remercié par ses supporters, le garçon garde toujours son masque.

Nacer Bouhanni déteste l’injustice, et peut-être trouve-t-il l’épreuve du sprint très injuste. Tout le travail fait pendant des jours, des mois, des années, peut ne pas être récompensé au bout des 250 mètres à grande vitesse. Il n’y a qu’un vainqueur, personne ne retient le nom du deuxième. « Seule la victoire compte », voilà le leitmotiv de Cofidis selon Christophe Laporte. Bouhanni a fait de ce Tour de France le grand objectif de sa saison, son équipe est formée pour l’épauler, mais hier, comme sur les deux précédents sprints, il semble lui manquer quelque chose. A Troyes, le train Cofidis n’a en tout cas pas pu vraiment se mettre en place. Cyril Lemoine a ainsi été accroché par un spectateur. Mais le constat est cruel, Bouhanni n’arrive toujours à remporter cette étape après laquelle il court depuis quatre ans désormais. Certes, il revient aujourd’hui d’une lourde chute au Tour du Yorkshire qui aurait pu avoir de terribles conséquences, et sa « condition physique continue de s’améliorer », dévoile Yvon Sanquer.

A quand la délivrance ?

Et pourtant, fut un temps où Bouhanni était l’héritier de Darrigade et du Jalabert de ses jeunes années, celui qui devait remporter les sprints sur les étapes du Tour. Certes, la suite a été plus compliquée, mais le réduire à un homme de places d’honneur « qui ne gagne jamais », comme s’exclamait Guarnieri, est une insulte à son palmarès : on parle quand même d’un coureur vainqueur de cinq étapes sur les grands tours (trois sur le Giro, deux sur la Vuelta) et d’un championnat de France. Mais ses échecs sont plus retentissants que ses succès. Et aujourd’hui, Bouhanni n’avance plus. Son transfert de FDJ à Cofidis ne semble pas l’avoir fait progresser. Contrairement à son rival Démare, il stagne.

Il y a peut-être une raison, Nacer Bouhanni n’est pas verni. Presque poissard. Hambourg, Milan-Sanremo, Championnats de France : sur toutes ces courses, il n’a pas eu de chance. Oui, il a sa part de responsabilité dans ces échecs, mais on ne peut pas tout lui reprocher. Certains se plaisent à critiquer Bouhanni, souligner ses excès, se plaindre de ses coups de gueule, se moquer de ses défaites. Mais derrière le visage souvent glacial du Vosgien se cache un homme comme les autres, fragile, inquiet, parfois colérique. Qui se relève malgré tout, remonte sur le ring, tout en cachant ses faiblesses. Parce que non, contrairement à ce qu’on peut croire, Bouhanni n’est pas toujours sûr de lui. La remise en question est constante, tant que les résultats ne viennent pas. Pour Sanquer, rien de plus logique : « Tous les grands sprinteurs du peloton ne sont pas satisfaits d’une place de deux, trois ou cinq. Quand on fait partie des meilleurs sprinteurs mondiaux, on n’est pas là pour faire des places d’honneur. »

Mais le Vosgien a traversé beaucoup d’épreuves, de désillusions, de chutes. Ses deux abandons en deux participations, un Tour manqué à cause d’une altercation futile, un autre à cause du conflit interne entre Démare et lui à la FDJ. Sur ce Tour 2017, Bouhanni est déjà allé plus loin dans les trois semaines de course que sur lors de ses deux autres participations. Le sprinteur ne cède pas au fatalisme, c’est un mort de faim, c’est en tout cas comme ça qu’il se définit. Il ne veut qu’une chose : gagner son étape. « C’est l’objectif, on n’en déroge pas. Jusqu’à Paris, il y a la possibilité de gagner des sprints, on va se battre », rappelle Yvon Sanquer. Bouhanni a reconnu cette arrivée de Nuits-Saint-Georges. Et sans aucun doute, s’il arrivait à franchir la ligne en premier ce soir, il poussera certainement un immense cri de joie. Bouhanni doit prendre confiance avec cette course si spéciale. Conjurer le sort que le Tour lui a jeté, se dire que non, il n’est pas maudit.

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