Quelle force. Le sprint allemand est dominant depuis des années désormais. Le relais manqué par Ciolek demeure le dernier moment difficile du sprint germanique depuis l’émergence d’Erik Zabel au milieu des années 1990. La surpuissance de Marcel Kittel aujourd’hui aurait de quoi décourager les autres pays amateurs de vitesse. L’arrivée à Liège a néanmoins prouvé qu’une nation peut enfin concurrencer l’hégémonie allemande, la France.

Les gorilles frappent fort

Marcel Kittel, en pleurs à l’arrivée, a relâché toute la pression de ce départ chez lui, dans son pays. Au centre d’une grande attention depuis quelques jours, il était attendu, il a répondu en écrasant le sprint. Mark Cavendish, encore court, Sagan piégé par le démarrage hâtif de Colbrelli, l’emballage final s’est résumé à un duel entre la France de son champion national Arnaud Démare et l’Allemagne de sa superstar de la discipline Marcel Kittel. Le natif d’Arnstadt reste intouchable sur ce genre d’arrivée mais Arnaud Démare ne peut être mentalement entamé par cette arrivée. D’autant que le Français n’a pas fini bien entouré. Deux éléments primordiaux de son train n’étaient pas là dans la dernière ligne droite. Delage avait chuté dans l’énorme carambolage qui a mis Chris Froome et Romain Bardet au sol, Kolovanovas a crevé peu avant les hectomètres décisifs.

Ce sprint royal a donc eu la vertu de montrer les forces en présence, et deux nations se détachent. L’Allemagne, après la déception de Tony Martin hier, se rattrape parfaitement aujourd’hui. La France a, de son côté, deux points essentiels à retenir : Démare est dans une forme exceptionnelle et Nacer Bouhanni, huitième, revient fort. Sans oublier que dans un final mouvementé, la Cofidis s’est retrouvée devant à quelques centaines de mètres de la ligne. Plutôt très positif. Le sourire du champion de France la ligne passée le montrait bien. Il n’est pas temps de s’alarmer : « Aujourd’hui, ce n’est pas passé, mais je reste confiant. » Attention malgré tout à ne pas se contenter d’une place honorifique de « premier après Kittel ».

La bonne année

À voir Greipel, troisième aujourd’hui, et Kittel, tombés dans les bras l’un de l’autre à l’arrivée, on comprend que la victoire était une nécessité pour les Allemands. Pourtant, de l’autre côté du Rhin, on est loin d’être en rade. Avec vingt victoires sur les cinq dernières années, Greipel et Kittel, dix bouquets chacun, sont au-dessus du lot. Même le roi Cavendish, dix victoires depuis 2012, ne peut hisser sa Grande-Bretagne au même niveau. Alors, pourquoi pas la France ? Les tricolores n’ont pas gagné de sprint depuis Jimmy Casper il y a onze ans. Depuis, seul Coquard, deux fois deuxième et Démare, deux fois troisième, s’en sont approchés. Mais Démare touche maintenant ce succès du doigt, même si l’écart, pratiquement un vélo entre lui et Kittel, rappelle la difficulté de passer de la deuxième à la première marche.

On a tellement promis de cette génération bleue du sprint, et notamment des anciens coéquipiers Démare et Bouhanni, qu’elle ferait presque figure de déception jusqu’à maintenant. Mais c’est oublier que les deux sont encore assez jeunes. Bouhanni n’a que 26 ans, Démare 25. Coincés entre la génération Greipel (34 ans), Cavendish (32 ans), Kittel (29 ans) et celle qui a brillé sur le Giro avec Ewan et Gaviria, le temps du règne français sur le sprint est peut-être enfin venu. Alors oui, Kittel est au dessus. Oui, Cavendish semble revenir en très bonne forme. Oui, Sagan ne se fera pas piéger une deuxième fois. Mais, dans l’attitude, le champion de France rassure et semble en confiance. Le déclic pourrait avoir lieu cette année. Nacer Bouhanni, jamais heureux sur le Tour, pourrait lui aussi avoir son mot à dire lors de sprints plus étriqués, quand Kittel sera absent. De quoi croire, plus que jamais, en notre sprint tricolore. Même si une fois l’optimisme rangé, c’est toujours l’Allemagne qui gagne.

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