N’en croyez pas un mot. Marc Madiot a beau le nier, l’excitation dans l’équipe FDJ est palpable. Elle a enfin trouvé un successeur, quatorze ans après Baden Cooke, pour remporter le second maillot vert de son histoire.

Un objectif, le vert

« Le maillot vert, c’est comme les 24 heures du Mans, tu peux être devant pendant cent tours, mais ne pas gagner la course. » Marc Madiot file la métaphore et use de la langue de bois quand vient le moment de parler du maillot vert. Le manager de la FDJ sait ce qu’il en coûte de remporter la tunique du meilleur sprinteur. En 2003, sa flèche Baden Cooke avait subtilisé le vert à Robbie McEwen lors de la toute dernière étape, au bout de la toute dernière ligne droite. Le manager avait su enlever la pression des épaules de Baden Cooke cette année là, comme l’Australien nous l’a confié il y a quelques jours . Alors, le manager utilise la même méthode avec son poulain cuvée 2017 : « Le maillot vert, on en parlera la dernière semaine, pas avant. »

« Toute l’équipe en parle (du maillot vert), c’est son objectif ! »

Mickaël Delage

Pourtant, devant le bus FDJ, on voyait son humeur flotter entre deux sentiments, celui du devoir accompli, des points accumulés, et la pointe de déception du sprint perdu : « Ça ne se joue pas à grand chose. Mais tout se passe très bien, il est deuxième, il a le maillot vert, l’équipe fonctionne bien… On ne peut pas tout avoir ! » L’objectif de la FDJ semble clair aujourd’hui, il est d’un vert vif, malgré les appels au calme de Marc Madiot. Mickaël Delage ne le cachait d’ailleurs pas au moment d’entrer dans le bus après une nouvelle étape à panser ses blessures : « Arnaud est deuxième. On ne va pas s’en plaindre car il vise le maillot vert, et pour ça, il faut être régulier. » Le discours n’est pas le même que son manager, et quand on demande confirmation, Delage nous l’avoue sans peine, Arnaud Démare en rêve : « Toute l’équipe en parle (du maillot vert), c’est son objectif ! » Le fait que le champion de France ait remporté le sprint intermédiaire en est une démonstration supplémentaire.

Un adversaire, Marcel Kittel

La course aux points s’est largement ouverte avec l’abandon de Sagan. Mais si Arnaud Démare est bien lancé pour réaliser cette prouesse, c’est surtout car lui a franchi un cap indéniable. Cette année, le Français est bien plus rapide qu’André Greipel, une référence. Il est même désormais très proche du niveau de Marcel Kittel, son nouveau rival. Son sprint aujourd’hui en est l’illustration. S’il n’avait pas été piégé contre les barrières, il avait certainement les jambes pour arracher le bouquet des mains de l’Allemand. Bien mieux qu’à Liège, où un vélo les séparait. « Arnaud est dans la forme de sa vie. Je ne l’avais jamais vu aussi fort », confirme Kittel lui-même. La manière, aussi, est à retenir. Arnaud Démare a pris beaucoup de risques, passant dans un trou de souris, preuve « qu’il a gagné en confiance en lui » selon Marc Madiot.

« Je pense que c’est la bonne année pour gagner le maillot vert, donc je ne veux pas la manquer. »

Marcel Kittel

Capable de rivaliser avec Marcel Kittel, Arnaud Démare a cristallisé la lutte pour les victoires et le maillot, elle sera franco-allemande. « Il y a un gros duel entre Marcel Kittel et moi. Sur le sprint intermédiaire aujourd’hui j’ai bien joué mon coup parce qu’il doit être cinq ou six places derrière moi, il marque un peu moins de points, ça compense un peu l’écart de l’arrivée. » Pourtant, dans la droite ligne de son mentor, Arnaud Démare préfère être prudent : « Ce n’est pas parce que j’ai envie de marquer des points que c’est un réel objectif. Parce que le Tour est long et qu’on ne sait jamais. Un sprint non-disputé à l’arrivée et on peut vite dégringoler. » Marcel Kittel, lui, évoque la question plus aisément : « Je pense que c’est la bonne année pour le gagner, donc je ne veux pas la manquer. Après, je ne veux pas paniquer non plus. Le plus important c’est de gagner des étapes et les points viendront avec. »

Le duel est en tout cas lancé, et il promet tant les deux coureurs sont véloces cette année. Dans notre débat, nous incluions un possible troisième larron. Il lui faudra être très fort, car les deux sont au dessus du lot. Restent les épopées en montagne pour faire la moisson aux intermédiaires. Car à de tels endroits, il est impensable de voir Démare ou Kittel prendre des initiatives. « Regarde moi !, nous répond l’Allemand hilare, pour moi, ce n’est pas possible de grimper vite, je dois me concentrer sur ma survie pendant ces jours là, je prendrais des points sur les étapes de plat. » Pas sûr que cela soit suffisant pour vaincre un Démare au sommet de son art. « Il a l’air de vraiment vouloir le maillot vert et il sera mon principal concurrent pour les semaines à venir », admet d’ailleurs Kittel. Surtout avec un Marc Madiot qui polit son joyau pour en révéler l’éclat émeraude dans deux semaines à Paris.

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