Il représente un peu le cliché du coureur de l’est. Rouleur inestimable, venu de République Tchèque mais aussi discret, peu bavard et souvent en retrait par rapport aux autres leaders de son équipe, Zdenek Stybar est pourtant devenu, au fil des années, un spécialiste de Paris-Roubaix. Et un flandrien sous-estimé, sans doute.

Avec Roubaix, une relation improbable

Avril dernier, sur le vélodrome de Roubaix. A trente mètres de la ligne, Zdenek Stybar est encore en tête. Mais sur les derniers coups de pédale, il se fait déborder par Greg Van Avermaet. Pour la deuxième fois de sa carrière, le Tchèque termine deuxième de l’Enfer du Nord. « Si je pouvais être vulgaire au micro, je vous dirais très précisément ce que je ressens, lâchait-il alors à Radio Praha. Peut-être que j’aurais pu attendre cinquante mètres de plus avant de lancer mon sprint. Mais j’étais obligé de prendre un risque si je voulais gagner. » L’analyse se voulait lucide, malgré l’immense déception. Encore une fois, Stybar passait tout près de la victoire. En 2013, alors qu’il découvre Paris-Roubaix, c’est un accrochage avec un photographe qui avait mis fin à ses chances dans le Carrefour de l’Arbre. Deux ans plus tard, il avait déjà terminé deuxième, battu au sprint par John Degenkolb. Le garçon est devenu un habitué de l’épreuve, ce que lui-même n’avait pas prédit.

« Quand je suis passé du cyclo-cross à la route, je pensais que le Tour des Flandres pourrait être ma course, et Roubaix quelque chose à essayer, confiait-il à CyclingTips. Mais j’ai tout de suite terminé sixième, à ma première participation, et j’aurais pu être sur le podium si je n’avais pas eu cet accident avec un spectateur. C’était vraiment inattendu. » Problème, Stybar ne gagne pas. Parce qu’il n’est pas toujours le plus chanceux, mais aussi parce qu’il a du mal à finir quand l’occasion se présente. Chez Quick-Step, il se retrouve aussi parfois noyé au sein du collectif. Souvent utile pour permettre aux autres leaders de s’isoler à l’avant, il est rarement celui sur qui, justement, l’armada bleue marine décide de miser. Ou du moins, il ne se créé pas les opportunités d’être celui pour qui tous les autres rouleraient. Comble de l’histoire, même son plus beau succès, sur les routes du Tour de France en 2015, il n’a pas pu le vivre pleinement, attristé par l’abandon de son ami Tony Martin le même jour.

Un personne mystérieux

« Nous ne sommes pas jaloux entre nous, assurait-il récemment à Cyclingnews, à propos de ses coéquipiers chez Quick-Step. Quand vous voyez les images après la course ou le soir à table, vous le comprenez encore davantage. […] Bien sûr j’aimerais gagner moi-même. J’ai toujours cette mentalité de gagnant. Mais dans cette équipe, ce n’est juste pas si facile. Le niveau est très élevé. » Le discours pourrait paraître policé. Il est surtout celui d’un homme qui a toujours refusé de faire des vagues, un routier à l’aise sur beaucoup de terrains, qui pourrait sans doute viser plus que ce qu’il ne vise aujourd’hui, mais très peu à l’aise à l’idée de se mettre en avant. Mais Stybar est aussi un coureur qui n’a pas peur de dire que quand il est chez lui, en Belgique, il a envie de profiter de son fils qu’il voit peu et qu’il a pu, par moments, repousser l’heure du départ à l’entraînement ou traîner la patte lorsqu’il fallait rouler plus de six heures en prévision des classiques.

Discret mais sincère lorsqu’il s’exprime, donc. Et plus ambitieux qu’il ne peut le laisser paraître. Sinon, il serait resté en cyclo-cross, où il est triple champion du monde. Mais lui voulait découvrir autre chose. « En cyclo-cross, de septembre à février, vous avez toujours les cinq meilleurs qui se battent, soulignait-il il y a deux ans pour PezCycling. J’avais peur que ça ne me motive pas assez pour travailler plus dur encore. » Le garçon rêvait de passer sur la route, de courir le Tour des Flandres et Paris-Roubaix, d’avoir plus d’adversaires que dans les labourés. Il avait alors choisi Quick-Step, pour apprendre vite aux côtés des meilleurs. Tout en étant conscient qu’il serait le propre maître de son destin. « Vous n’apprendrez jamais assez avec ce que vous disent les autres, vous devez expérimentez vous-même. » Mais à 32 ans, Zdenek Stybar attend encore sa grande victoire. Il a vu les autres gagner, sans broncher. Ce pourrait être son tour, désormais. A condition de ne plus laisser passer sa chance.

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