C’est l’histoire d’un retour aux sources. Un double retour même. D’abord, Damien Gaudin est revenu cette saison à la maison, chez Direct-Energie, d’où il était parti il y a quatre ans, quand l’équipe s’appelait encore Europcar. Puis, deuxième acte de ce come-back, dimanche, le Vendéen d’adoption fera son retour sur Paris-Roubaix, un enfer qu’il veut transformer en paradis et auquel il n’avait pas pu goûter l’an dernier, redescendu en troisième division à l’Armée de Terre. À 31 ans, l’ancien poursuiteur se donne trois ans pour réaliser son rêve : gagner l’Enfer du Nord. Quelques jours avant le départ, il s’est confié, avec une grande franchise, à la Chronique du Vélo.

Paris-Roubaix est votre grand objectif de la saison, êtes-vous satisfait de votre préparation ?

Oui et non. La forme est très bonne, je marche depuis le début de saison. Je n’ai pas eu de coup de mou, je suis assez satisfait jusqu’ici. Mais je pense qu’il me manque un petit truc pour rivaliser avec les meilleurs. Ne pas avoir fait une grande course par étapes comme Paris-Nice début mars va sûrement me manquer. Il ne faut pas se cacher : les meilleurs ont été là-bas ou à Tirreno-Adriatico. J’ai couru avec eux avant et après et il y a une grosse différence. Nous (chez Direct Energie, ndlr), on est partis trois semaines en Belgique, mais on n’a fait que quatre ou cinq jours de course. On est restés bons mais les meilleurs sont montés d’un cran encore. Après, Roubaix, c’est très différent du Tour des Flandres, c’est plat. Il faut de la puissance, ça me correspond mieux.

Pourquoi aimez-vous à ce point cette course ?

J’ai toujours excellé sur des longues distances. Paris-Roubaix c’est 260 kilomètres, ça me plaît. Maintenant, cette année, je n’ai pas fait de courses aussi longues. Les années précédentes, je suis toujours arrivé au départ en ayant couru ces distances… Cette fois, j’ai été obligé d’en faire en rallongeant après les courses. J’ai essayé de faire ça bien pour arriver à la forme que je veux.

Peut-on vraiment simuler à l’entraînement l’intensité d’une course comme celle-là ?

Tout le monde dit que oui mais avec l’expérience que j’ai, je peux dire que rien ne remplace la course. On ne peut pas simuler à l’entraînement une course par étapes où tous les jours, il y a entre 160 et 220 kilomètres. Je suis persuadé que si j’avais eu un gros enchaînement de courses début mars, j’aurais été encore plus fort. Mais attention, je ne me cache pas derrière ça, je me suis entraîné pour être performant et j’espère que je le serai dimanche.

On sent chez vous un fort regret d’avoir manqué Paris-Nice, à quoi était due cette absence ?

« À partir du 200e kilomètre, les voitures, on ne les voit plus. T’as intérêt à avoir tes deux bidons, de la bouffe dans tes poches et ne pas avoir de soucis mécaniques. »

Damien Gaudin

C’était un choix de l’équipe. C’était soi-disant un Paris-Nice assez difficile avec le relief. Sauf que c’est aussi dans ces moments-là que tu progresses… Le problème c’est qu’au même moment, on n’avait pas de courses par étapes ailleurs donc c’était embêtant. J’ai vraiment senti cette différence entre les coureurs après cette course. Ce sera un enseignement à tirer. L’an prochain, si je ne vais encore pas sur Paris-Nice, il faudra trouver quelque chose pour arriver encore plus fort sur les courses belges. Il y a un écart entre être « bon » et être « super bon ».

Quel sentiment domine aujourd’hui, l’excitation de prendre enfin le départ ?

Évidemment. J’ai fait le premier podium de ma carrière sur une course belge cette année (sur le Samyn fin février, ndlr). Ce résultat montre que je suis encore capable de grands numéros. J’espère que ce sera le cas aussi dimanche. S’il ne faut monter qu’une fois sur le podium à Roubaix, ce sera pour la plus haute marche. Je vais prendre le départ pour gagner. Je sais de quoi je suis capable, je suis déjà arrivé pour jouer le podium sur le vélodrome (5e en 2013, battu au sprint par Terpstra et Van Avermaet, ndlr). L’équipe peut gagner Paris-Roubaix et j’ai tout fait pour être un des candidats à la victoire.

Ce podium sur le Samyn (derrière Terpstra et Gilbert) vous a donné une grosse confiance…

Quand tu te retrouves avec deux Quick-Step dans le final d’une course, forcément c’est bon signe. Ce jour-là, je fais une grosse journée parce que je faisais partie de l’échappée… Ils ont réussi à me lâcher parce qu’ils étaient deux mais je leur ai donné du fil à retordre ! Sur le GP E3, j’ai eu un souci de vélo et je me suis retrouvé avec une machine qui ne convenait pas trop à la course. Sans cet incident, je pense que j’aurais pu aller loin aussi avec Terpstra et Lampaert.

Vous avez pris la 5e place de Paris-Roubaix en 2013, pensez-vous être plus fort qu’il y a cinq ans ?

Je peux être plus fort, c’est une certitude. Je suis dans mes meilleures années, ce n’est pas mon dernier Paris-Roubaix, j’ai vraiment envie de faire ce grand exploit dans les trois années qui suivent. Je ne serai pas abattu si je n’ai pas réussi dimanche. Je sais juste que je peux le faire. C’est le fil rouge avant d’arrêter ma carrière.

Cette année, Direct-Energie prendra en plus le départ avec un gros collectif.

« Quand tu sais que tu arrives avec Terpstra et Van Avermaet, ce sont les meilleurs mondiaux. Pourquoi aujourd’hui, je ne serais plus avec eux ? Il faut que je crois en mes chances et je sais qu’il y a match. »

Damien Gaudin

Normalement, nous aurons trois leaders : Adrien Petit, Sylvain Chavanel et moi. On a déjà tous fait au moins un top 10 à Roubaix. C’est bien d’avoir trois coureurs capables de gagner pour que dans le final, on puisse se retrouver en supériorité. Pour ce qui est de la stratégie, ça se décidera dans le bus. Pour moi, la course commencera vraiment après la trouée d’Arenberg. Il faudra voir ensuite avec les circonstances de course, la météo… Je sais qu’il ne faut pas que j’arrive dans un groupe de vingt mais si Adrien est avec moi, je travaillerai avec plaisir pour lui. Je saurai estimer si je suis capable de gagner ou s’il faut faire gagner quelqu’un d’autre.

Hormis les jambes, quels ingrédients faut-il réunir pour faire un résultat sur Paris-Roubaix ?

Ce jour-là, il faut être à 300 %. Il faut avoir un matériel au top, être très en forme et avoir un maximum de réussite. Tu peux crever une fois, mais pas deux. Tu peux avoir une alerte une fois dans la journée, mais pas deux. Quand la course est lancée, les voitures sont loin donc les problèmes, mieux ne vaut pas les avoir trop tard. À partir du 200e kilomètre, les voitures, on ne les voit plus. T’as intérêt à avoir tes deux bidons, de la bouffe dans tes poches et ne pas avoir de soucis mécaniques.

Sur le matériel justement, comment avez-vous préparé votre course ?

À la place de Gand-Wevelgem (où Direct Energie n’était pas invité, ndlr), on a reconnu le parcours de Troisvilles jusqu’au Carrefour de l’Arbre. On a fait 150 kilomètres de reconnaissance et tous les secteurs pavés, sauf les deux derniers. Ils n’ont pas changé, ça tape toujours autant. On a peaufiné le gonflage des boyaux. On sait déjà ce qu’on va mettre comme matériel, c’est une pression en moins. On arrivera vendredi soir pour se faire masser et ce sera parti.

Ces pavés, c’est votre rêve de gamin et de coureur…

Je reviens dans une équipe qui me permet d’être sur ces courses. J’ai une histoire avec ces pavés, j’ai gagné en Coupe du monde espoir ici, j’ai fait 5e en pro… Quand tu sais que tu arrives avec Terpstra et Van Avermaet, ce sont les meilleurs mondiaux. Pourquoi aujourd’hui, je ne serais plus avec eux ? Il faut que je crois en mes chances et je sais qu’il y a match.

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