Vers le col du Turini, ce samedi, la course a par moment semblé filer entre les doigts de la Sky. Mais finalement, à l’approche des derniers kilomètres, l’équipe britannique a assumé son statut et n’a pas hésité à sacrifier le maillot jaune Kwiatkowski pour faire de Bernal le très probable futur vainqueur de ce Paris-Nice.

Prise de risque

Au pied de la dernière ascension, l’heure était aux comptes d’apothicaires. Philippe Gilbert, présent dans une échappée de près de quarante coureurs et leader virtuel, pouvait-il conserver assez d’avance pour s’emparer du maillot jaune ? Pendant un moment, il a semblé que oui. On se disait que la Sky s’était mise dans une situation très embarrassante en laissant filer un groupe trop imposant, impossible à maîtriser, et que le Belge, même s’il n’est plus aussi à l’aise qu’il a pu l’être dans les bosses, allait devenir une réelle menace pour la victoire finale. Puis quelques kilomètres plus loin, alors qu’Ivan Sosa imprimait le rythme en tête de ce qu’il restait du peloton, Michal Kwiatkowski, maillot jaune sur le dos, se retrouvait décroché, seul, en queue de groupe. Sky imposait volontairement un tempo impossible à suivre pour son leader. Alors oui, il y avait avec Egan Bernal une deuxième carte plus que fiable. Mais la stratégie avait de quoi surprendre.

Temporiser en tête de groupe, permettre à Michal Kwiatkowski de ne pas exploser et conserver ses deux leaders aux deux premières places du général aurait sûrement été plus confortable pour la suite, et notamment pour l’imprédictible dernière étape de dimanche. Mais la Sky a décidé de trancher, rapidement, là où elle nous a si souvent habitué à jouer sur les deux tableaux. Le Polonais, bien qu’annoncé comme le n°1 de l’équipe britannique au départ de ce Paris-Nice, a été laissé en retrait. S’il ne pouvait pas suivre, c’est qu’il était l’heure de placer sur orbite Egan Bernal, auteur d’une semaine phénoménale et qui n’avait plus qu’à aller cueillir ce maillot jaune qui lui faisait de l’œil. Dans les coulisses, en vérité, c’est comme si tout le monde attendait et prévoyait la prise de pouvoir du Colombien, sur les pentes du Turini, lui qui aura les clés du camion sur le prochain Giro et semble apprendre tellement vite.

Bernal sous les projecteurs

Mais cette façon de faire, malgré tout, a de quoi surprendre. Chez Sky, jusqu’à maintenant, les statuts avaient toujours compté. Bradley Wiggins avait été protégé sur le Tour 2012, puis Chris Froome l’a été autant que possible face à la concurrence interne de Richie Porte ou Geraint Thomas – jusqu’à ce que ce ne soit plus possible, la faute à des adversaires trop proches du classement, en juillet dernier. Cette fois, Michal Kwiatkowski n’a bénéficié d’aucun traitement de faveur, comme mis de côté à la seconde où il n’était plus en mesure de faire le job. Peut-être l’a-t-il en travers de la gorge, lui qui a souvent été proche de gagner Paris-Nice, sans y parvenir. Mais il ne l’exprimera pas. Le week-end sera celui d’Egan Bernal, propulsé sur le devant de la scène après plusieurs mois d’apprentissage sous l’aile des meilleurs. Reste une constante : Sky a décidé de qui gagnerait, et de comment. La méthode a beau être légèrement nouvelle, elle mène au même résultat.

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