Sur la ligne d’arrivée, il avait un petit rictus de déception. Un de ceux qu’on lui connaît depuis bientôt dix ans et qu’il ne peut contrôler les jours où n’obtient pas tout à fait ce qu’il veut. Mais celui-là avait une saveur particulière. Parce que dans quatre jours, Alberto Contador sera à la retraite, et pour une fois, on aurait tous voulu qu’il s’impose.

La remontée presque parfaite

Simplement, moins de trente secondes devant lui, il y avait un Stefan Denifl héroïque. Toute la montée, pourtant, on a voulu y croire. Plus que de raison, sans doute. On savait le dernier kilomètre trop facile pour rattraper un quelconque retard, mais on a espéré, quasiment jusqu’à la flamme rouge, et même un peu après, où l’écart a baissé jusqu’à vingt secondes. L’Espagnol doit se dire que tout ça est cruel. Dans une pente invraisemblable, il a laissé tout le monde sur place. Le maillot rouge Christopher Froome, le meilleur grimpeur depuis bientôt dix jours, Miguel Angel Lopez, l’actuel deuxième du général, Vincenzo Nibali, aussi. Le Madrilène a aussi repris, un à un, les derniers rescapés de l’échappée du jour. Sauf le dernier, Denifl donc, qui a mérité sa victoire mais surtout empêché de célébrer un succès que tout le monde du vélo attend depuis plus de deux semaines maintenant.

Dans cet échec, pourtant, il y avait beaucoup d’émotion. De nostalgie, aussi. Le temps d’une monté, c’est comme si on avait oublié certains détails : les 34 ans du Pistolero, sa retraite à la fin de la semaine, ses quatre grands tours consécutifs (et bientôt cinq, vraisemblablement) sans victoire finale. Pendant environ six kilomètres, sur lesquels l’Espagnol est parvenu à s’isoler, on a comme replongé quelques années en arrière. S’il grimaçait un peu plus qu’il y a dix ans, lorsqu’il remportait son premier Tour de France, Contador s’est dressé sur les pédales comme à ses plus belles heures. Chaque fois que la caméra se braquait sur lui, c’est à dire très souvent, et on ne va pas s’en plaindre, on l’observait en danseuse, sa position préférentielle, celle qu’il ne maîtrise comme personne et que personne ne maîtrisera sans doute jamais comme lui.

Le Pistolero a encore des cartouches

Son corps et son vélo balançant de droite à gauche, on l’a admiré. Même si l’on savait, au fond de nous et surtout sur la fin, qu’il serait trop juste pour revenir sur l’Autrichien et nous gratifier de cette victoire d’étape après laquelle il court depuis le départ. On espère donc que ce n’est que partie remise, histoire que le Madrilène s’offre la sortie qu’il mérite. Dans le barillet du Pistolero, il reste (au moins) une balle, qu’il ne faudra pas gâcher. Elle est, sur le papier, prévue pour l’Angliru, samedi. Sauf que le garçon nous a souvent habitué à tirer lorsqu’on ne l’attend pas. Alors il pourrait signer pour un dernier casse demain ou vendredi, sait-on jamais, pour aller chercher ce succès et ce podium au général qu’il a érigés en objectifs depuis sa perte de temps initiale en Andorre. Avec les jambes qu’il avait hier sur le chrono et aujourd’hui sur des pentes à plus de 25 % par moments, il a le droit de croire à la plus belle fin qui soit.

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.